Chapitre 36 : Quand il a vu que c'était toi

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Après un long sommeil réparateur, j'étire mes bras au-dessus de ma tête comme tous les jours. C'est une routine qui me colle à la peau depuis que je suis gamine. Impossible pour moi de mettre un pied à terre avant de détendre tout le haut de mon corps. Une fois fait, je m'apprête à descendre du côté droit de mon lit comme à mon habitude, mais je rentre en collision avec une cloison qui n'a jamais été présente auparavant. Qu'est-ce que c'est que ce bazar ?

J'essaye tant bien que mal d'allumer ma lampe de chevet avec mes mains tremblantes, mais celle-ci ne se trouve pas à sa place. Au lieu de ça, je heurte le mur à plusieurs reprises. Qu'est-ce qu'il s'est passé dans ma chambre durant la nuit ? Je ne me rappelle pas avoir changé l'agencement de mes meubles la veille avant de partir me coucher.

J'inspire profondément afin de repousser et de calmer le stress qui envahit peu à peu chaque parcelle de mon corps. Une bouffée d'air frais rentre dans mes poumons et me rassure pendant quelques millisecondes. Pourquoi l'odeur des huiles essentielles que je mets sur mon oreiller avant de m'endormir ne vient pas chatouiller mes narines ?

Prise de panique, je m'affole et un son perçant sort de ma bouche sans que je puisse le contrôler. Et s'il était arrivé quelque chose à Ali ! Je m'empresse de me redresser sur mon lit et tente de saisir mon téléphone pour m'éclairer. Mais il m'est impossible de mettre la main dessus. Pourquoi rien n'est-il à sa place ?

— Papy Ali ! crié-je à pleins poumons accompagnés de larmes dévalant progressivement mon visage. Papy Ali, tu es là ?

À peine quelques secondes plus tard, une porte s'ouvre sur ma gauche alors que celle-ci est censée se trouver sur ma droite. Les souvenirs me reviennent petit à petit en mémoire quand j'aperçois la tête brune, que je ne connais que trop bien, apparaître comme par enchantement. Le regard qu'Amaël m'adresse est tout aussi paniqué que celui que je lui envoie. Sans prendre le temps de me demander ce qu'il se passe et sans m'expliquer sa présence dans cette pièce devenue ma chambre, il s'en va à reculons dans le couloir.

Le départ précipité d'Amaël ne fait qu'augmenter mes pleurs. La porte encore ouverte laisse entrer un peu de lumière me permettant de mieux appréhender mon environnement. Tout me revient en mémoire, mon arrivée sur Malurn, le spectacle atroce sur la place publique, l'accueil de la famille d'Amaël ainsi que l'intrusion impromptue de Borac. La Terre, Papy Ali et mes amis, tout ça me semblent si loin de moi.

J'ai beau serrer de toutes mes forces mon coussin, mes pleurs ne cessent pas. Mon angoisse augmente progressivement. Pourquoi suis-je partie ? Pourquoi ai-je abandonné ma seule famille, la seule famille qui me reste ?

Après quelques instants, j'entends la porte s'ouvrir un peu plus, laissant Sophia pénétrer dans la pièce sous l'œil de son fils, qui reste en retrait. Elle lui adresse un signe de tête pour congédier gentiment Amaël. Puis, elle s'installe confortablement dans mon lit pour me serrer fort dans mes bras. Son contact chaud et rassurant calme progressivement la tempête qui agit dans mon âme.

— Ma puce, tout va bien se passer, me murmure-t-elle dans le creux de mon oreille. Je comprends que se réveiller dans une chambre que tu ne connais pas, avec des inconnus près de toi, est déroutant et n'est pas facile à vivre. Le changement a été assez brutal et j'en suis désolée pour toi, mais nous sommes là pour t'épauler durant cette épreuve. Je sais que ton grand-père te manque ainsi que tes amis et je suis sûre que tu leur manques aussi. Mais tout va bien se passer ma bichette !

Face aux mots réconfortants de Sophia, je m'apaise de plus en plus. Mes pleurs s'estompent petit à petit, laissant place à de profonds soupirs qui me permettent de reprendre progressivement ma respiration.

— Je vous remercie de m'avoir accueilli chez vous, soufflé-je à son intention toujours collée contre ses épaules.

Elle me repousse gentiment pour me regarder droit dans les yeux.

— Ma puce, c'est tout à fait normal. Ta mère aurait fait la même chose pour mon fils. Rien ne me fait plus plaisir que d'aider l'enfant de mon amie. Et puis, je ne suis pas sûre qu'il aurait aimé que je te mette à la porte. J'aurais eu le droit à des remontrances de sa part.

— Vous parlez d'Amaël ? demandé-je curieuse.

— Oh non, ma chérie, me répond-elle en rigolant ce qui me crée un certain malaise. Ton père m'aurait sérieusement sermonné si j'avais laissé sa fille sur mon palier.

Suite à son aveu, elle semble réfléchir quelque instant avant de continuer.

— Quoique, à bien réfléchir, je pense que mon fils aurait fait la même chose. Et puis, tu sais que ce n'est pas la première fois que tu viens à la maison. Tu étais encore tout bébé quand tu as foulé les marches de mon perron.

Mes yeux s'écarquillent de surprise. Je suis déjà entrée dans cette maison auparavant et je n'en ai absolument aucun souvenir.

— C'était maintenant, il y a quelques années. À l'époque, tu ne devais même pas avoir un an. Nous vous avions invité toi et tes parents à manger chez nous pour fêter les quatre ans d'Amaël.

Cette tête de mule est donc plus âgée que moi, je ne m'en serais pas douté au vu de son comportement de gamin, qu'il a pu avoir par le passé.

— Tout le monde était réuni sur le canapé et tu étais sur les genoux de ta mère à regarder les garçons jouer attentivement, se remémore-t-elle avec une pointe de nostalgie. Tu gesticulais tellement dans tous les sens qu'elle a fini par te poser par terre pour que tu puisses t'amuser avec eux. Tu as rampé pour atteindre le jouet de ta convoitise qui n'était autre que le petit soldat préféré d'Amaël. Il est rentré dans une colère noire dès qu'il s'est aperçu qu'il avait disparu.

Imaginer Amaël dans une telle colère à cause d'un malheureux joujou me provoque une montée de rire que j'ai du mal à me contrôler. Il continue d'agir dans l'exagération. Son comportement n'a pas évolué au fil du temps apparemment.

— Quand il a vu que c'était toi, la voleuse de son soldat vert, il a tout de suite arrêté de crier et de pleurer pour te proposer de t'amuser avec des peluches, car je cite « elle n'aura pas bobo avec mes peluches ».

— C'est vraiment adorable de sa part, souris-je en imaginant la scène.

— C'est mon garçon, dit-elle fièrement. C'était une époque beaucoup plus simple. La joie de vivre et le partage étaient quelque chose de très important pour nous tous et, malheureusement, aujourd'hui ce sont des choses qui ont peu à peu disparu.

— Sur Terre, peu d'enfants ont autant le sens du partage. Quand j'étais petite, ma mère ne cessait pas de me dire d'arrêter de prendre les jouets des autres. Généralement, peu d'entre eux me laissaient m'amuser avec leurs affaires. Ce que je peux comprendre, car même, moi, je n'osais pas prêter mes jeux de peur que l'on ne me les rende pas.

— Difficile de convaincre un bébé que le partage est important, mais il y a toujours des exceptions, me répond-elle avec un air attendrissant. Bon, ceci dit arrêtons de ressasser le passé et allons manger. Amaël a dû finir de préparer ton bol de céréales au chocolat ainsi que tes tartines de beurre qu'il a absolument tenu à mettre au four.

Je ne peux m'empêcher de sourire et d'être émue face à l'attention d'Amaël. Il ne m'a pas habitué à un comportement si prévenant envers ma personne. Et puis, comment peut-il savoir que c'est exactement le petit déjeuner que me confectionnait Papy Ali ? 

***

Coucou !

J'espère que vous allez tous très bien et que tout se passe bien pour vous.

Deux chapitres dans la même semaine après un arrêt de plusieurs mois, cela relève du miracle ^^. Je vais reprendre les publications tous les dimanches à partir d'aujourd'hui, ce sera plus facile pour moi :) 

Voici un chapitre un peu moins rythmé que celui précédent, mais il permet d'en apprendre plus sur notre cher tête de mule préféré. Et puis, comme à mon habitude, il est essentiel pour la suite, peut-être que de petits indices se sont glissés dans mes mots, qui sait ;)

Comme d'habitude, n'hésitez pas à commenter ainsi qu'à voter cela me ferait permettrait de savoir si vous appréciez toujours votre lecture ;)

Bisous et à bientôt :)

Dans les songes de Kaelia [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant