Dans les songes de Kaelia [Terminé]

Chapitre 59 : Parfait chef !

Amaël a le regard perdu dans le vide. J'essaye de percevoir ce qui a pu le mettre dans cet état, mais c'est assez compliqué face à tous les mouvements d'épées et les gardes qui s'agitent dans tous les sens pour contrer l'attaque des ennemis. Cependant, à quelques mètres de lui, Okrutan semble être comblé avec un sourire satanique aux creux de ses lèvres. Sa figure est couverte de sang, il en ramasse même le liquide qui tombe au niveau de sa bouche avec sa langue, tel un barbare. Devant lui se trouve Danyel, le père d'Amaël. Son visage, presque sans émotion est tourné vers le Roi avec un regard vide, presque sans vie. En découvrant où est l'épée d'Okrutan, je comprends instantanément la réaction d'Amaël.

Il ne me faut pas plus de deux secondes pour réagir au quart de tour. Je me lève rapidement et m'apprête à descendre de ma cachette. Je dois empêcher Amaël de faire la plus grosse bêtise de sa vie. Je ne peux pas le perdre juste après avoir vu mourir le seul membre de ma famille qui me restait. Je ne peux pas perdre l'unique être qui se rapproche le plus de mon ancienne existence, de ma vraie nature.

C'est en rejoignant les escaliers que j'entends que Borac est sorti de sa transe soudaine et commence à crier mon nom d'une puissance, que je ne lui connaissais pas.

— Kaelia ! Bordel, n'y va pas, c'est du délire !

Mais je n'en ai rien à faire de ses paroles, je cours du plus vite que je peux vers le seul être que je reconnais dans cette foule. Il faut que je l'empêche de venger la mort de son père. Quand j'arrive sur la place, les gardes et les rebelles se battent avec une telle énergie et une telle violence que le sang gicle sur mes vêtements à ma peau encore immaculée, il y a peu.

Borac me rejoint assez rapidement et dégaine son arme pour me protéger des soldats qui essayent de m'ôter la vie. Heureusement pour moi, il manie très bien l'épée et contre tous les coups qui lui sont portés, tout en me criant dessus.

— Tu ne devrais pas être là, laisse-moi m'occuper de lui, sors d'ici, immédiatement !

Mais rien ne m'empêche de foncer droit sur ma cible. Amaël reprend peu à peu ses mouvements et se dirige d'un pas décidé vers Okrutan. Ce dernier se bat d'ailleurs contre Loukas et Mudar. Normalement à deux contre un, le combat est gagné d'avance, mais Amaël semble vouloir être celui qui lui ôte la vie. Son regard vide laisse place à un regard plein de rage et de colère. Il est plus qu'évident qu'il souhaite massacrer l'homme qui a tué Danyel devant ses yeux. Je revois encore l'épée qui s'enfonce petit à petit dans son thorax tout comme la mort de mon père. Dire qu'en moins de dix minutes nous avons tous les deux perdu l'un des membres les plus importants de notre famille.

Je m'approche à pas de loup d'Amaël en espérant qu'il ne va pas se défendre face à ma démarche furtive. Je pose délicatement ma main sur mon avant-bras afin de stopper sa marche vers le Roi. Moins d'une seconde après mon contact avec sa peau, il se décale sur sa droite en dégainant son épée à une vitesse incroyable. Heureusement pour moi, mon garde du corps arrête le mouvement de mon amoureux en un rien de temps.

— Vous cherchez vraiment à vous faire tuer, bordel ! s'énerve Borac à bout de souffle. Ce n'est pas croyable, ça ! Kaelia, qu'est-ce qu'il te prend de le surprendre comme ça en plein milieu d'une guerre ?

Face à sa réaction excessive, Amaël me regarde avec un air abattu. Il ne pensait certainement pas que je serais là, au milieu de la foule. Il voulait juste se défendre d'une attaque-surprise en brandissant son arme devant mon visage. Il ne lui faut pas plus de trois secondes pour la ranger et se confondre en excuse.

— Je suis vraiment désolée, Kaelia. Pardonne-moi, me dit-il en posant sa main sur mon avant-bras avec le regard très attristé.

Il cherche dans mes yeux une once de pardon. Dès qu'il a compris que je ne lui en voulais pas pour son acte, il reprend instantanément son air de combat. Je sais que, l'œillade qu'il jette à son ami, Borac signifie qu'il doit s'éloigner de là, le plus rapidement possible. Et au vu de la colère dans sa pupille, je me doute que Borac ne va pas passer un agréable moment après la guerre, enfin si Amaël est toujours en vie avec la connerie qu'il a en tête.

Avant même qu'il ne s'apprête à m'embrasser sur le front et de partir de nouveau en direction d'Okrutan pour lui régler son compte, je me recule pour le saisir par le bras.

— Amaël, pense à ta mère, s'il te plaît ! Elle va avoir besoin de toi. Elle ne peut pas perdre toute sa famille. Il ne lui reste plus que toi.

Je sais qu'à cet instant précis, il pèse le pour et le contre d'aller se battre contre Okrutan. Mais je sais pertinemment qu'il est aussi têtu qu'une mule et que dès qu'il a une idée en tête rien ne va l'empêcher d'aller jusqu'au bout. Sauf peut-être son point faible, sa famille. Je suis au courant que je ne devrais pas dire ce que je m'apprête à dire, mais je me dois de le faire. J'espère juste que mes phrases ne vont pas avoir l'effet inverse.

— Ta mère a déjà perdu un fils et un mari, elle ne souhaiterait pas que tu t'engages dedans. Que tu risques ta vie pour venger la mort de ton père et celle de ton frère. Je sais qu'Anicet est mort par la faute d'Okrutan et que tu es prêt à tout pour le venger. Mais ce combat n'en vaut pas la peine. Personne ne désirerait que tu compromettes ton existence pour eux, ton frère et ton père ne voudraient pas que tu perdes la vie pour leur faire justice. Imagine que ton affrontement ne se passe pas comme prévu, tu vas vraiment laisser ta mère seule ? Elle va être détruite quand elle va savoir que son mari et son fils sont morts aujourd'hui.

Son regard enragé change petit à petit. Je sais qu'au fond de lui, il se demande s'il a fait le bon choix en décidant d'aller combattre Okrutan. Pendant son temps de réflexion intense, Borac à mes côtés me fait signe d'observer autour de nous. C'est avec surprise, une très bonne surprise, que je m'aperçois que la plupart des personnes encore debout sont des gens de notre camp. Certains gardes du Roi, apeurés de l'ampleur que prend cette bataille, retournent même leur veste et posent leurs armes au sol. Il ne reste que quelques minutes avant qu'Okrutan soit enfin hors d'état de nuire.

— Regarde autour de toi, la guerre est déjà gagnée ! Les sbires d'Okrutan obéissent à ses ordres sous la pression et la terreur. Mais aucun d'eux n'a envie de perdre leur vie pour ce taré. Le combat est terminé, tenté-je de dire avec une petite voix. Viens, on va rejoindre ta mère dans la forêt.

Il va, comme moi, regarder autour de lui pour voir si mes dires sont vrais. Loukas va même lui faire signe que tout est sous contrôle. Il l'a certainement aperçu s'approcher d'Okrutan après le décès de son père. Il savait pertinemment que son fils viendrait prendre sa revanche. C'est sans doute pour cela que Mudar et lui sont à deux pour le combattre et ainsi éviter une mort stupide de la part d'Amaël.

Finalement, son visage de rage laisse place à des traits remplis d'inquiétude pour sa maman, et probablement de soulagement. J'imagine aisément qu'il est déchiré entre venger sa famille ou aller voir sa mère. D'ailleurs, lui dire que son mari est décédé à l'affrontement ne va pas être facile. Je pense que Loukas va s'en occuper lui-même afin de décharger Amaël de cette tâche bien trop compliquée.

Heureusement, la tête de mule revient à la raison en me serrant tendrement la main et m'invite à suivre ses pas.

— Reste au plus près de moi, je ne veux pas qu'il t'arrive quelque chose, me murmure-t-il tandis qu'il s'apprête à donner ses derniers ordres à son ami. Borac, ferme la marche. Tue toutes les personnes qui souhaiteraient s'en prendre à Kaelia.

— Parfait chef ! Je n'espérais que ça, sourit Borac, ravi d'enfin prendre part au combat.

— On va aller rejoindre les autres dans la forêt en attendant le signal de Loukas pour la fin de la guerre, s'exclame-t-il avec une voix plus sereine.

***

Coucou !

L'avant dernier chapitres est arrivé. Il n'en reste plus qu'un avec l'épilogue, et on dira au revoir à nos protagonistes... Ce livre a été encore plus compliqué que le premier à écrire et à finir. Peut être qu'un jour j'arriverais à écrire un livre en moins de trois ans, qui sait !

J'espère que ce chapitre vous a plu, néanmoins !

N'hésitez pas à me faire des retours et à laisser des petits votes, ça fait toujours plaisir.

Bisous et à très bientôt !