Dans les songes de Kaelia [Terminé]

Chapitre 35 : La solitude lui monte à la tête

— Merde, mec ! Tu es possédé, ma parole ? Range-moi ça ! Qu'est-ce qu'il te prend ? s'exclame le nouveau venu en reculant précipitamment face à l'agressivité du geste d'Amaël.

En entendant la voix rauque et singulière de l'intrus, notre protecteur s'empresse de replacer son couteau dans son pantalon comme si de rien n'était. Aucune émotion n'est perceptible sur son visage, à croire qu'il se conduit tel un robot sorti tout droit d'une usine de fabrication. J'ai l'impression que tout le monde agit comme si cette scène ne s'était jamais déroulée devant leurs yeux.

L'atmosphère de la pièce se détend petit à petit. Sophia et Danyel en profitent pour se lever afin de débarrasser la table toujours dans un silence le plus total. J'en entendrais presque les mouches voler. D'ailleurs, est-ce qu'il existe ce type d'insectes sur Malurn ?

— Tu peux m'expliquer cet élan de furie ? demande son ami quelque peu abasourdi par un accueil aussi peu aimable. Je ne t'ai jamais vu autant à l'affût. D'habitude, mon arrivée chez toi est beaucoup plus chaleureuse. Peut-être pas à se faire des câlins, mais quand même un couteau sous la gorge, c'est un peu fort !

Je manque de m'étouffer sous la remarque de son copain. Comment peut-il faire ce genre de commentaire alors que, quelques secondes auparavant, une arme s'apprêtait à lui taillader le cou ? Sentant le regard meurtrier d'Amaël sur ma personne, mon envie de rire s'évapore aussi vite qu'il est apparu.

— Tu t'entraînes à tuer des gens par surprise ? Si c'est le cas, préviens-moi et je ne mettrai plus le pied ici. Je tiens trop à ma vie, s'exclame-t-il avec le sourire tout en le tapant sur l'épaule.

Reprenant rapidement ses esprits, Amaël ferme délicatement la porte pour l'empêcher de voir l'intérieur de sa maison. Forcément, ce dernier réagit au quart de tour, ne comprenant pas les actes de son ami.

— Mec sérieux, je suis déjà venu chez toi à maintes reprises. Permets-moi, au moins, de dire bonjour à tes vieux, tête de mule. Je ne te connaissais pas aussi ronchon et désagréable.

Amaël doit lui faire une tête de six pieds de long, car son ami rigole de plus belle. Toujours sans prononcer le moindre mot, il l'autorise à entrouvrir un peu plus la porte afin de me laisser à découvert. J'en profite pour observer les parents d'Amaël pour savoir si ce dernier prend la bonne décision et, au vu du regard attendrissant de sa mère, je ne pense pas que je serais en danger si l'intrus apprend mon existence sur cette planète.

— Intéressant, murmure-t-il dans sa maigre barbe tout en me contemplant de ses yeux verts ce qui me met très mal à l'aise.

Il reprend aussitôt contenance avant de rentrer dans la maison pour adresser un bonjour très amical à Sophia et Danyel qui lui répondent avec entrain. Le jeune homme doit être un ami proche d'Amaël, car il vient même serrer Sophia dans ses bras tout en faisant une blague à son père. Je n'ai jamais vu quelqu'un aussi à l'aise après avoir failli mourir égorgé.

Il revient rapidement vers son pote et me scrute en long en large et en travers comme si je ne suis qu'une œuvre d'art difficile à déchiffrer. L'inconnu continue son jeu de regard en nous dévisageant, Amaël et moi, tour à tour. Il doit s'attendre à ce que ce dernier lui dévoile mon identité, mais étrangement notre tête de mule a également égaré sa capacité de parler aujourd'hui.

— Sérieux, mec ! Tu as perdu ta langue depuis hier, ou quoi ? C'est qui ? finit-il par demander en murmurant à l'intention d'Amaël.

— Rien qui ne te concerne, répond Amaël avec un ton froid que je ne lui connaissais pas.

— Tout ce qui te concerne me concerne, je te le rappelle. C'est à ça que serve les meilleurs amis.

Voyant le visage d'Amaël toujours aussi fermé, il décide finalement de venir se présenter à moi.