Chapitre 38 : Je suis devenu Hulk

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Mon sang se glace en entendant les paroles impassibles et pleines d'autorités d'Amaël. Je me fige sur place incapable de faire le moindre mouvement ni d'oser reprendre ma respiration. On est foutu, ma vie va se terminer ici dans cette maison, qui était autrefois la mienne. Je n'aurais jamais l'occasion de rencontrer mon père, ni même de connaître le son de sa voix. Je vais mourir avant même d'avoir pu avoir toutes les réponses à mes questions.

Le silence entre les deux garçons est insoutenable. Les secondes semblent être des minutes, des minutes des heures. L'ambiance est si pesante que j'ai l'impression que mon cerveau va finir par exploser sous toute cette pression.

— Je me promenais dans le coin. Et toi, qu'est-ce que tu fais là, Amaël ? finit par demander l'enfant mettant fin à mon supplice intérieur.

— Tout comme toi. J'avais envie de voir la nature et de me rappeler de bons souvenirs, répond mon ami sans une once de panique dans sa voix.

Peut-être que nous ne sommes pas si fichu que ça au vu du ton qu'Amaël emploi. Je ne le pensais pas capable d'avoir un si bon jeu d'acteur et d'agir comme si je n'étais pas dans la maison de mes parents à moins de cinq mètres d'eux. J'arrive progressivement à me décrisper et m'approche de la fenêtre pour les observer à travers les carreaux. Le gamin a tout au plus une dizaine d'années et fait face à la demeure en la scrutant de fond en comble avant de reposer son regard sur Amaël. Heureusement pour moi, les vitres sont légèrement teintées et il ne semble pas avoir vu le haut de ma tête cachée par les rideaux.

— Devant le domicile de Soen ?

— Je n'en ai pas le droit ? rétorque Amaël en souriant. Sa famille et la mienne étaient très proches autrefois et j'aime me remémorer cette époque.

— C'est pour ça que la porte est ouverte ?

Amaël se retourne, un poil trop rapidement à mon goût, pour voir si le garçon dit vrai, mais celle-ci est belle et bien close. Comment est-ce que le gamin peut savoir que celle-ci n'est pas réellement fermée à clef ? M'a-t-il aperçu rentrer dans la maison quelques minutes auparavant ?

— La porte est fermée, qu'est-ce que tu racontes ? déclare Amaël avec la voix légèrement cassée ce qui ne lui ressemble pas.

D'après l'attitude de ce dernier, je vois bien qu'il est beaucoup moins confiant qu'au début de la conversation. La question du jeune garçon l'a pris au dépourvu. J'espère que le gamin ne remarque pas de différence dans l'élocution d'Amaël même si celle-ci est très subtile. Il manquerait plus que je me fasse repérer parce qu'Amaël n'a pas été sûr de lui pour la première fois.

— D'habitude, il y a du lierre qui recouvre une partie du bas de la porte.

— Peut-être qu'un animal a gratté à cet endroit-là ou que le vent a soufflé assez fort pour faire déplacer ce bout de lierre. Ce n'est qu'une plante après tout, enchaîne Amaël en haussant les épaules et en reprenant contenance.

— Peut-être, répond le gamin d'un air absolument pas convaincu par les explications d'Amaël.

— Tu n'as rien d'autre à faire en cette si belle journée ensoleillée ? lui demande mon ami. Tu n'as pas ton devoir de Mangup à faire aujourd'hui ?

— Si, je dois y aller d'ailleurs, conclut le jeune garçon en repartant vers la ville. À la prochaine, Amaël !

À travers le mur de la maison, j'entends la profonde inspiration d'Amaël. On l'a échappé belle ! Je m'apprête à tourner la poignée de la porte après avoir soigneusement vu l'enfant disparaître au loin, mais celle-ci s'ouvre instantanément. Le visage d'Amaël est si pâle que mon sang se glace à nouveau dans mes veines.

Dans les songes de Kaelia [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant