Neuf

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— Je ne dis pas ça pour vous blesser, ajouté-je dans la foulée. Vous vous êtes montrés très patients ces dernières semaines, tous les trois. C'est juste que... Je le sens, au plus profond de moi. Je n'arriverai pas à gérer ces fêtes, pas dans de telles circonstances. Je n'ai plus la force de sourire. J'ai puisé dans toutes mes réserves pour ne pas devenir totalement folle, pour les affronter, pour rencontrer les membres de la famille. Pour prendre la décision, également.

— La regrettes-tu ? me questionne-t-elle.

— Non, pas du tout. Je sais que je veux vivre avec vous et apprendre à connaître tous les membres de la famille... Mais pas maintenant. Je ne me sens pas capable, pas à l'heure actuelle.

— Et tu penses que partir quelque part, loin de tout ça, pourrait t'aider ?

— Pour être tout à fait honnête, je n'en sais rien. Je sais juste que je n'arrive plus à respirer entre ces murs. Je suis mal à l'aise et éreintée... J'ai l'impression d'avoir passé ces derniers jours à dormir, mais d'être aussi fatiguée que si j'avais fait une nuit blanche.

Le Roi et la Reine se jettent un regard plein d'inquiétude face à une situation fort compliquée. Pour une fois, j'arrive à ne pas culpabiliser de leur mettre des bâtons dans les roues, à eux comme au chef de la sécurité. J'accepte que je ne puisse pas être forte en toute occasion et que nous avons tous besoin, à un moment donné ou à un autre, d'un peu aide. Ou de beaucoup, dans mon cas.

— Nous comprenons, approuve le roi d'un signe de tête. Viens t'asseoir, nous allons en parler. Monsieur Sutton, si vous voulez bien reprendre place.

Nous nous exécutons tous les deux. Sutton retrouve la chaise à la droite de la Reine, tandis que je prends place à ses côtés, sur le siège le plus proche de moi.

— Est-ce que cela veut dire que j'ai une chance de vous faire changer d'avis ?

— Il semblerait que ce soit une possibilité.

C'est ma mère qui a répondu et je l'ai vue jeter un regard légèrement désapprobateur à l'adresse de son mari. Je crois qu'elle voulait être ferme dans sa décision, c'était sans compter mon père. Je ne sais pas si c'est tout mon discours ou quelque chose en particulier qui m'a donné la possibilité de transformer ce « non » en « oui ». Ce n'est pas vraiment ça le plus important, c'est surtout de savoir que je pourrais peut-être trouver une échappatoire.

— Mais ça reste très dangereux, ajoute-t-elle d'une voix ferme.

— Est-ce infaisable ?

Elle veut me dissuader et je ne peux pas lui en vouloir. Après avoir été séparée de moi pendant si longtemps, ça doit être difficile pour elle, comme pour lui, de me laisser partir, d'accepter que je puisse être loin d'eux avec un certain risque. Si aucune photo ou vidéo n'a été divulguée, je reste la fille de ma mère. C'est grâce à une habitante que je suis là et il ne faut aucun doute que je pourrais être reconnue par d'autres sujets de Sa Majesté.

— Rien n'est infaisable, répond-elle dans un souffle de désespoir. C'est ce que je pense depuis que nous t'avons retrouvée.

— Alors dites oui. S'il vous plaît...

Je les regarde tous les deux avec probablement un regard de chien battu sur mon visage.

— Souhaites-tu réellement être seule pendant plusieurs semaines ?

— Serais-je vraiment seule ?

— Non, bien sûr que non. Il est hors de question que nous te laissions quitter le château sans un minimum de deux gardes pour te protéger.

Nos Années Volées ▬ Tome ✯✯ ©Où les histoires vivent. Découvrez maintenant