Vingt

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Le Noël s'est bien passé. Du moins, aussi bien que tout le monde aurait pu l'espérer au vu des circonstances. Tous ont été surpris de me voir, car ils pensaient que j'étais dans la résidence secondaire de mes grands-parents paternels. Le couple royal leur avait omis de leur faire part de mon retour, au cas où j'aurais souhaité rester dans chambre. Je comprends leur démarche, ils voulaient leur éviter une fausse joie. Mais à la surprise générale, la mienne y comprise, j'ai finalement décidé d'y prendre part. C'était une décision un peu prise à la dernière seconde. Je n'avais aucune idée de ce qui pouvait me faire du bien ou du mal. Être entourée d'amour m'a paru être une bonne idée sur le moment. Dans un certain sens, ça l'a été. Ça m'a permis de voir ce dont j'avais été privée toutes ces années. De rire, de câlins, de chamailleries oubliées en une minute, de cadeaux échangés qui avaient été choisis avec soin, d'anecdotes racontées et de nombreuses petites intentions dispersées tout au long de la soirée.

Une soirée dont j'ai été plutôt spectatrice qu'actrice. Je n'ai pas pu raconter de jolis souvenirs, car il y a désormais un voile d'ombre sur ces derniers. Je n'ai pas non plus eu l'opportunité d'offrir des cadeaux, car je n'avais rien acheté. Même si j'avais eu de l'argent, je n'aurais eu aucune idée de ce qui aurait pu plaire à l'un ou à l'autre. J'ai encore du mal à mettre les prénoms sur chacun de leur visage, alors connaître leurs centres d'intérêt...

Chacun a essayé, à leur manière, de m'intégrer à cette fête. Héloïse, la femme d'oncle Ernest, est la spécialiste des anecdotes. Elle aurait pu passer toute la soirée à m'en raconter, si d'autres membres de la famille ne lui avaient pas fait gentiment comprendre que, eux aussi, aimerait bien pouvoir avoir un peu de temps avec moi. Lilianna m'a collée toute la soirée et ça m'a fait du bien. Elle m'a permis d'oublier que l'autre enfant de la famille n'a pas voulu me parler de toute la soirée. Ce n'est que le lendemain que je m'en suis fait la réflexion.

Tous ont été agréables avec moi, patients aussi. Et ils avaient pensé à m'acheter des cadeaux, sans trop savoir ce qu'il pouvait me plaire. Difficile de faire plaisir à une adolescente qu'on ait connu que durant les sept premiers mois de sa vie. Ils avaient encore l'image du bébé que j'étais et cherchaient à savoir qui j'étais. Ils n'ont pas arrêté de s'excuser à chaque fois qu'ils arrivaient près de moi avec leur paquet cadeau. Ils avaient peur que cela ne me plaise pas, mais c'était vraiment le cadet de mes soucis.

Bizarrement, le cadeau que j'ai préféré m'a été offert par ma grand-mère Élise, la mère de mon père, qui était encore un peu froide avec moi. Une liseuse et un bon d'achat assez conséquent pour y rajouter au moins une centaine de e-books dessus. Je vais avoir de quoi m'occuper pendant plusieurs mois.

Il y a une autre chose qui m'a surprise, c'est l'absence totale d'employées. J'avais imaginé un grand festin, une tonne de plats différents, mais rien de tout ça s'est passé. À la place, il y avait une tonne de petits fours pour le début de la soirée, puis des plats froids, de la charcuterie, du fromage et plein de petits gâteaux pour le dessert. Les hommes de la famille se sont chargés d'aller tout chercher au fil des heures. Il n'y avait aucun serveur, aucun cuisinier. Tout le monde se servait quand il le voulait et aucune place n'est déterminée à table. On s'asseyait où on voulait, on faisait ce qu'on voulait. Je ne m'attendais clairement pas à ça pour un tel dîner.

Le lendemain matin, ils étaient tous attendus pour la messe de Noël dans une des cathédrales de la capitale. Évidemment, j'y ai fait l'impasse. En plus de ne pas être croyante, je n'étais pas prête à être vue en public pour la première fois. Les journalistes et présentateurs de la télévision ont dû être déçus de ne pas m'y voir, tout comme de n'avoir toujours reçu aucune photo officielle de la princesse disparue.

Nous sommes désormais le trente décembre et je me prépare à une nouvelle fête, celle de la nouvelle année. J'imagine que la soirée n'aura pas de différences par rapport à celle de Noël, sauf peut-être les cadeaux en moins. Je m'en réjouis, je crois que je me serai sentie mal à l'aise si on avait dû rester sagement assis en attendant l'arrivée des plats suivants. C'est trop protocolaire, trop strict pour que soit chaleureux.

Nos Années Volées ▬ Tome ✯✯ ©Où les histoires vivent. Découvrez maintenant