Quinze

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— Attendez !

Thomas tente de m'arrêter dans mon geste, mais je suis déjà accroupie près de l'animal blessé.

— Ne restez pas à l'extérieur, mademoiselle, m'implore-t-il d'une voix forte et inquiète.

— C'est juste un chien, Thomas. Un chien ! rétorqué-je d'une voix irritée.

La pauvre bête, que j'identifie comme étant un border collie, baisse la tête lorsque j'approche ma main d'elle. Ses gémissements se sont tus presque immédiatement après l'ouverture de la porte. C'est comme si elle savait que, désormais, elle était à l'abri du temps épouvantable.

— N'ai pas peur, lui adressé-je dans un murmure, tu es en sécurité maintenant.

— Vous, par contre, vous ne le serez pas bien longtemps si vous ne rentrez pas tout de suite à l'intérieur.

— Je ne veux pas lui faire peur, Thomas. Et hormis la pluie et le vent qui pourraient me rendre malade, il n'y a rien de dangereux à cet instant précis.

Thomas s'apprête à répliquer, mais mon regard suffit à lui faire fermer son clapet. Ce n'est vraiment pas le moment pour me contredire ou me donner un ordre, surtout pas quand je remarque que le chien est blessé. C'est du moins ce que je pense lorsque j'aperçois l'une de ses pattes qui peine à toucher le sol. Je me mets très vite à paniquer, mais je me concentre sur mon objectif premier : gagner la confiance de l'animal. Il me faut une bonne minute de caresse sur le haut du crâne pour le sentir suffisamment apaisé pour la seconde étape : sans trop réfléchir, je m'approche un peu plus du chien et le soulève, tant bien que mal.

Mon garde du corps n'a pas le temps de réagir que je retrouve l'intérieur chauffé du cottage avec notre nouvel invité. Le peu de temps que j'ai passé dehors m'a frigorifiée alors je n'ose songer à l'état dans laquelle il ou elle doit se trouver. Mes pas me mènent au salon, où nous avons tous deux besoin du feu encore allumé. Je la dépose délicatement sur le tapis en face de la source de chaleur, anxieuse à l'idée de la blesser par un geste brusque.

— Elle est blessée.

J'informe mon interlocuteur sans lui lancer un regard. L'idée qu'il aurait préféré que je referme la porte à un animal blessé m'énerve quelque peu, mais je sais que c'est juste l'angoisse du moment qui ne fait que parler. Je sais qu'il est là pour me protéger, j'en ai bien conscience.

— Elle ? Comment sais-tu que c'est une femelle ?

— J'en sais rien, juste une intui... Attends, tu viens de me tutoyer où je rêve ?

Je tourne ma tête vers lui, stupéfaite, mais heureuse. Lui semble confus, presque honteux.

— S'il te plaît, ne t'excuse pas. Concentrons-nous sur notre nouvel ami, d'accord ? Tu n'as pas peur des chiens, rassure-moi ?

— Non, j'en ai deux chez mes parents. Mais tu veux que je fasse quoi ? Je ne suis pas vétérinaire.

— Ouah, merci, Sherlock ! On pourrait commencer à lui apporter un bol d'eau et quelque chose à manger. Le frigo et les armoires sont remplis, il y a sûrement quelque chose pour elle. Pour lui. Enfin, bref, t'as compris.

— C'est bon, j'y vais. Mais j'espère juste que ça ne va pas te mordre, je ne suis pas non plus médecin.

Je roule des yeux alors que je l'entends sortir de la pièce. Je concentre à nouveau toute mon attention sur l'imposante boule de poils. Je ne peux m'empêcher de penser que c'est le destin. Si je n'avais pas demandé à partir quelque temps, je ne serais jamais venue ici, dans ce cottage et il aurait été vide au moment de la venue de cette brave bête.

Nos Années Volées ▬ Tome ✯✯ ©Où les histoires vivent. Découvrez maintenant