Dix-huit

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Plusieurs jours se sont écoulés depuis cette première promenade, celle où je me suis sentie encore plus proche de Toby. M'aérer le corps et l'esprit a été une bonne idée. Je me sens plus légère, même si je sais que les problèmes sont toujours là. Lorsque je me les représente, je les vois enfermés symboliquement dans ma valise. C'est peut-être pour ça que je me sens mal à l'aise lorsque je suis dans la chambre. Je me sens lourde et comme écrasée par ce poids immatériel. J'ai toujours du mal à m'endormir, car je ressens de mauvaises vibrations. C'est étrange, mais c'est ce que j'éprouve. Je n'ai jamais été quelqu'un de très croyante, qu'il s'agisse d'une religion ou de la spiritualité. Je ne crois pas aux esprits, au karma ou à toutes ces choses qu'on invente pour se rassurer dans notre vie quotidienne. Pourtant, je continue à avoir le cœur serré quand je me glisse dans les draps.

J'ai mis plus de deux heures à m'endormir dans la nuit du vendredi au samedi. Je me souviens avoir dit bonne nuit aux garçons, les yeux tombants de fatigue. J'ai pensé qu'en retardant un peu mon coucher, j'aurais plus de chance de m'endormir d'un claquement de doigts. Naïveté quand tu me tiens...

Lorsque j'ai réussi à m'endormir, j'ai été envahi par plusieurs cauchemars à la suite. Similaires, mais différents. Mon avatar imaginaire était à chaque fois poursuivi par deux ombres dans différents décors : une maison, une école, un parc, une rue déserte et, pour le dernier, un palais. C'est dans celui-là que mes poursuivants sont sortis de la pénombre et ont eu droit à un visage. Leurs visages.

Je me suis ensuite réveillée en poussant un cri d'effroi et, me voilà, en train de pleurer à chaudes larmes et le cœur battant. Lorsque la porte s'ouvre, j'ai un moment d'hésitation et de peur à l'idée que ce soit eux. Je suis encore dans les quelques secondes où la réalité et le rêve se mélangent et où j'ignore dans quelle sphère je suis. En voyant le visage de Toby, inquiet, j'arrive à revenir à la réalité, bien que toujours secouée. Mes pleurs s'accentuent maintenant que la peur n'est plus là. Il reste l'angoisse et les blessures. Il reste une carapace fissurée, pratiquement en lambeaux.

Je m'attends presque à ce que ma peau s'effrite quand Toby, après s'être assis à mes côtés, ferme ses bras autour de moi. Je ne le repousse pas : je n'en ai ni la force ni même l'envie. Le fait qu'il pourrait se faire virer pour ce geste d'affection m'importe peu aussi. Tout ce qui compte, à cet instant précis, c'est la sensation d'être protégée et d'être aimée que me procure cette étreinte.

Mes larmes finissent peu à peu par disparaître. Pas totalement, car je sens qu'elles sont toujours là, prêtes à s'écraser sur mes joues déjà bien humides et sûrement bien rougies, tout comme mes yeux. Je ne dis rien, je ne bouge pas. Je n'ai pas envie que cette étreinte s'arrête. Une bonne minute plus tard, je dois pourtant écarter ma tête afin de retrouver un peu d'air frais et de me débarrasser de mes cheveux qui se sont collés sur mes joues. Le visage toujours baissé, j'enlève les mèches et tamponnes l'humidité encore présente avec la manche droite de mon pyjama. J'arrive à retrouver une respiration normale. Si je ne pleure plus, c'est un tout autre sentiment qui m'envahit : la honte. Elle s'accentue lorsque je perçois un léger craquement près de la porte. Instinctivement, je lève la tête et distingue la silhouette de Thomas, vu que Toby est toujours à mes côtés.

— Vous pouvez aller vous recoucher, je suis désolée.

Un silence s'installe, rapidement brisé par les pas de Thomas qui rejoint sa chambre. Toby, lui, ne daigne pas bouger d'un millimètre et ça me met très mal à l'aise.

— Ça va, je t'assure, ajouté-je. C'était juste un cauchemar. Tout le monde fait des cauchemars...

— Tout le monde ne se réveille pas en criant, me murmure-t-il.

Nos Années Volées ▬ Tome ✯✯ ©Où les histoires vivent. Découvrez maintenant