Trente-huit

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Maman m'a dit que monsieur Sutton ne partait pas avant demain matin, jusqu'à ce nous soyons sur la route des vacances. Du coup, me voilà, attendant patiemment devant un bureau fermé qu'Aiden Sutton revienne de sa réunion avec mes parents. J'aurais pu m'y rendre, mais ça m'aurait gâché le plaisir de ne pas être seule avec lui. C'est déjà suffisamment formel lorsque je suis avec un employé du palais, c'est encore plus tendu quand il y a un autre membre de la famille, en particulier des adultes. Je ne me sens pas libre de dire ce que je veux, tout comme mes interlocuteurs.

Je commence à faire les cent pas, inquiète et stressée à l'idée de ces vacances, mais surtout de ce qui viendra ensuite. Certaines idées et envies ont eu le temps de murir ces dernières semaines, je n'ai juste pas encore eu le temps d'avoir la discussion importante avec mes parents. J'ai préféré faire de mes examens la priorité : heureusement d'ailleurs, je ne préfère pas imaginer la catastrophe que ça aurait pu être si ça n'avait pas été le cas. En plus de ne pas avoir mon diplôme, j'aurais sûrement eu droit à des commentaires désobligeants de certains journaux. Un jour ou l'autre, ça finira par arriver, je le sens.

— Votre Altesse Royale ?

La voix de monsieur Sutton me ramène à l'instant présent. Lorsque je me retourne vers lui, je remarque qu'il a les sourcils froncés et l'air inquiet. Il est vrai que ça fait longtemps que je suis venue jusqu'à son bureau, ça ne doit pas lui donner une bonne impression.

— Est-ce que tout va bien ? poursuit-il en s'approchant.

— Respirez, monsieur Sutton, tout va très bien, le rassuré-je avec un rire amusé. Je voulais juste passer vous faire un petit coucou et vous souhaitez de bonnes vacances. Promettez-moi que vous quittez la capitale vous aussi ? Ça me rendrait triste de savoir que vous continuez à travailler pendant vos congés.

— Je vous le promets, dit-il d'un air plus détendu. Je vais passer deux semaines dans ma famille, au fin fond de la campagne.

— Je suis contente que vous preniez un peu de temps pour souffler, vous le méritez après tout ce qui s'est passé depuis mon arrivée.

— J'ai juste fait mon travail, mademoiselle. Si c'était à refaire, je le referais. Peut-être avec un peu plus de tact ceci dit.

— Je ne suis pas sûre que du tact aurait pu changer quoi que ce soit. La vérité était trop traumatisante, qu'importe comment elle aurait été dite. Vous avez été parfait, je vous l'assure. J'ai toujours eu l'impression d'être écoutée et protégée quand j'étais à vos côtés. Vous avez été tout ce dont j'avais besoin à ce moment-là dans ma vie. Je ne vous remercierai jamais assez pour toute la gentillesse que vous avez eue à mon égard.

— Est-ce que votre objectif est de me faire pleurer, mademoiselle ?

— Disons que ce serait un bonus, plaisanté-je. Mais je ressentais juste le besoin de dire ce que je ressens. Je trouve que c'est important, de dire ce qu'on pense, de dire merci ou de faire des compliments.

— Je suis de votre avis et je vous en remercie. Permettez-moi de vous dire que je suis extrêmement fier du chemin que vous avez parcouru jusque là, et je ne doute pas un seul instant que ce n'est que le début.

Le petit sourire en coin du chef de la sécurité attire toute mon attention. Je me demande ce qu'il entend par là ? Est-ce simplement une phrase de courtoisie ou sous-entend-il précisément quelque chose ? J'aimerais tellement savoir ce qu'il pense au sujet de la couronne ou de mon avenir, mais je ne suis pas venue le voir pour ça. J'avais juste envie de l'entrevoir quelques minutes, d'imprégner son visage dans mon esprit et de le remercier. Je l'ennuierai à notre retour avec mon questionnement. Je préfère qu'il passe ses vacances avec l'esprit le plus serein possible.

Nos Années Volées ▬ Tome ✯✯ ©Où les histoires vivent. Découvrez maintenant