DESPITE LIES (histoire intégrale)

32 ~ 6 années et 8 mois plus tôt

J'avais marché au moins une heure avant de me rendre compte que je tournais en rond. Nous étions venus en voiture et je n'avais pas fais attention au chemin. 

Alors maintenant, seule, à pied et dans le noir total, j'avais beaucoup de mal à me repérer. Mon téléphone était prêt à rendre l'âme, et je ne pouvais donc pas me permettre d'utiliser internet ni le flash pour me servir de lampe. Je préférais garder le minimum de batterie qu'il me restait pour appeler Amélia en cas de problème. Quoi que, elle n'aurait pas été d'une grande aide. Elle non plus ne connaissait pas le Bronx. Elle ne savait que se rendre à la fac. Comme moi.

Mes larmes avaient depuis séchées. Ou plutôt, le froid les avait arrêtées. J'étais gelée. J'avais envie de rentrer. Mais en même temps, je voulais rester dehors encore un peu.

J'aperçus au loin les lumières familières de la pizzeria. Intérieurement, je remerciais Roberto de rester ouvert jusqu'à très tard les weekends.

Je rentrais dans le petit restaurant en me frottant les mains pour les réchauffer. Roberto fronça les yeux en me voyant. Il y avait plusieurs clients dans la salle mais cela ne l'empêcha pas de venir s'asseoir avec moi. Il avait l'air fatigué. Mais son sourire était sincère.

–Ma puce, qu'est-ce que tu fais dehors à cette heure-ci ? me demanda-t-il.

–Je...je suis allée voir Matt se battre.

Il jura en italien dans sa barbe.

–Je vais m'occuper de ce petit gars la prochaine fois que je le verrais. Il ne peut pas te laisser rentrer seule. Il devrait le savoir.

–Oh ! Non non, Roberto. Ne lui dis rien. Il ne sait pas que je suis partie. Je ne sais même pas si le match est fini. J'ai marché un bon bout de temps avant de retrouver mon chemin.

Roberto sembla s'agacer.

–Que s'est-il passé, petite ? Qu'a-t-il fait pour que tu partes ?

–Rien de spécial. Je me suis juste rendue compte que nos mondes étaient bien trop différents. Alors je... j'ai préféré m'enfuir.

J'oubliais volontairement le passage 'Cristal'. Je serais passée pour une fille complètement accroc à un mec qui n'en avait rien à faire d'elle. Et Roberto devait très certainement avoir mieux à faire que de gérer les peines de coeur d'une gamine de dix-huit ans.

–Zoé, écoutes. Je ne veux pas te faire de peine, petite. Mais...tu ne t'en rends compte que maintenant ? Je veux dire... Matt est un gentil garçon, dans le fond, mais ses activités auraient dû te repousser depuis un moment.

Et je me remis à pleurer. Il avait raison. Tellement raison.

–Je vais te chercher quelque chose à boire, d'accord ? Ça te fera du bien.

J'acquiesçais et m'essuyais les joues du revers de la main. Je devais avoir une mine affreuse.

La sonnette retentit et je levais les yeux.

–Je suis allé chez toi et il n'y avait personne ! Non mais ça ne va pas de partir toute seule comme tu l'as fait ?

Matt fonçait droit sur moi. Il était amoché. Du sang coulait sur son visage et je préférais ne pas penser que cela puisse être le sien. Je déglutis.

–Zoé, putain ! Quand je te dis de rester avec Travis, tu restes avec Travis! Qu'est-ce que tu n'as jamais compris dans 'on m'obéit' ?

Ses épaules se levaient et se baissaient rapidement au rythme de sa respiration. Il ressemblait à un chien enragé. Ses yeux, deux billes noires, sortaient de leurs orbites.