Chapitre 33

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L'homme qui me fit sortir de ma cellule, un grand type au visage buriné par un trop grand nombre de coups, ne prit pas la peine de me saluer. Il claqua la langue, impatient et me regarda me traîner jusqu'à lui sans s'émouvoir de mes pas vacillants et de la maigreur évidente de mon corps. Je devais lutter pour ne pas m'écrouler à chaque pas, et mon esprit embrumé ne parvenait plus à s'orienter si bien que je me retrouvai rapidement perdu dans le dédalle de couloir dans lequel nous progression. De longs boyaux vides et froids, dépourvus d'âme et de vie seulement interrompus çà et là par des portes en métal semblables à celle de ma cellule. Je me demandai s'il y avait quelqu'un dans chacune d'entre elle. J'espérai que non.

La pièce dans laquelle nous débouchâmes m'était familière. Des bancs occupaient toujours le côté droit et une porte ouverte donnait sur la pièce adjacente où se trouvait les douches, mais c'était surtout ces quelques marches face à moi qui m'étaient familières La porte qui les surplombait menait droit au sable de l'arène. J'avais partagé cette pièce avec Eren le jour de notre défi, ou du moins une salle qui lui était en tout point identique, mais cette fois-ci, il n'y avait pas ma tenue de combat préparé dans un coin, ni mon escouade pour me rassurer. Il n'y avait que moi dans mes vêtements sales, la peau sur les os, sans arme, sans soutien. L'homme qui m'avait accompagné avait refermé la porte derrière lui sans ajouter un mot, indifférent à mon sort.

Bizarrement, je n'avais plus peur. L'idée de mourir avait beau être dérangeante, elle ne me paralysait plus comme à l'époque. Je me souvenais bien de cette sensation, de cette peur irrationnelle qui m'avait paralysée lors de l'attaque de Paris. Pour une étudiante, mourir représentait la fin de tout, la mort des espoirs et de l'avenir que je m'imaginai. Mais l'armée c'était chargée de me débarrasser de ces derniers. Désormais je n'avais plus grand-chose à craindre de la mort, si ce n'est peut-être la douleur qui l'accompagnerait et la sensation d'échec qui marquerait mes derniers instants. Il ne s'agissait plus que d'une possibilité. Une possibilité que je me devais d'éviter, et j'étais bien déterminée à le faire, j'en avais le pouvoir ! Aaron avait raison sur ce point. Je devais me battre pour survivre, triompher et regagner ma liberté et j'étais bien décider à leur montrer qu'ils m'avaient tous sous-estimée.

Je m'étais jurée de ne jamais devenir une arme, mais aujourd'hui j'étais bien décidée à rompre cette promesse. J'avais combattu des Elémentaires et j'avais tué deux de mes semblables, il était trop tard pour espérer m'en sortir sans me salir les mains. Il n'y avait pas d'échappatoire, pas d'aide divine à attendre de qui que ce soit. Je réduirai cette arène en morceaux s'il le faut, mais je sortirais d'ici vivante.

Alors quand la porte s'ouvrit et que l'inhibiteur de la salle s'éteignit, je pris une longue inspiration et m'avançai. Il n'y avait plus de demi-mesure, j'avais besoin de toute mon énergie pour m'en sortir, alors je la fis s'écouler dans mon corps. Un flux régulier se répandit doucement, une cellule à la fois, et la fatigue, la faim, tout disparu, balayé par une source d'énergie nouvelle et artificielle qui s'accumulait depuis près d'un mois dans mon corps. Je trompai mon organisme, avec une énergie traitresse qui me ravagerait de l'intérieur pendant toute la durée du combat, mais je n'avais pas le choix. J'allais devoir tenir, quel qu'en soit le prix. Ils avaient voulu affaiblir mon corps en me privant de nourriture, mais rien ne pouvait affaiblir mon pouvoir. Il était comme un feu que personne ne pouvait éteindre. Pas même moi.

Le bourdonnement de la foule s'intensifia à mesure que je gravissais les marches, jusqu'à en devenir assourdissant à mon entrée dans l'arène. Une pluie torrentielle m'accueillit, plaquant mes vêtements à mon corps comme une seconde peau. Ce qui me restait de cheveux s'aplatirent sur mon crâne, tandis que quelques mèches rebelles se faisaient battre par le vent glacial. L'été était de toute évidence terminé, et une tempête ravageait le ciel. J'embrassais la scène du regard, cherchant mon adversaire des yeux, mais j'étais seule dans l'arène. Les gradins sur lesquels s'entassaient des centaines de personnes ne semblaient pas atteints par les intempéries. Il me fallut un moment avant de comprendre qu'une sorte de barrière invisible nous séparait. L'eau grésillait à son contact avant de s'évaporer, délimitant nettement l'espace circulaire de l'arène. À moins d'apprendre à voler d'ici la fin du combat, il allait falloir que je trouve un moyen de détruire ce système de sécurité.

Aloys (Tome 1) : lightning and shadowOù les histoires vivent. Découvrez maintenant