Chapitre 19

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J'ouvris les yeux, mais rien n'avait changé. Ce n'était pas un rêve. Le rideau était toujours tiré. Mes vêtements de sport étaient roulés en boule près de la porte. Sur mes mains se dessinaient de grandes tâches bleues, et mes jambes semblaient peser cent kilo chacune.

Il n'existe rien de pire que de se réveiller en se rappelant de ce que l'on voulait oublier la veille.

J'aurais aimé me rendormir, mais je ne savais pas lequel des deux mondes étaient le moins douloureux. De plus, la lumière qui entrait dans ma chambre m'intriguait : il devait être plus de neuf heure. Alors que je rassemblais le peu de forces que j'avais gagnées pendant cette courte nuit, la porte de ma chambre s'ouvrit lentement sur mon père. Je me redressai doucement, les muscles plus douloureux les uns que les autres.

Mon père me sourit sans conviction ; je n'eus pas la force de répondre.

« Quelle heure est-il ? demandai-je.

− Neuf heure dix.

− On est jeudi ! J'ai cours, Papa ! Pourquoi tu ne m'as pas réveillée ?

− Je ne pouvais pas te laisser aller au lycée comme ça. »

Il posa une main sur la mienne. Même si j'avais cours, je ne voulais pas y aller. Je ne voulais pas voir Ameliam.

« Tu veux bien m'expliquer ? demanda mon père ? »

Je me remémorai la veille comme un rêve. Un cauchemar, plutôt. Je sentais ma gorge se serrer à mesure que les événements et les mots de Nikola me revenaient. Des larmes se mirent à couler mais je ne pris même pas la peine de les essuyer. J'étouffai un sanglot en me rappelant que le bal était le lendemain : aucun retour en arrière n'était possible.

« Je n'irai pas au bal... conclus-je en me frottant les yeux.

− Je comprends, ne t'en fais pas, me rassura mon père en caressant ma main écorchée. En revanche, tu as cours aujourd'hui et demain et tu ne peux pas rater deux jours...

− Je sais...

− Va prendre une bonne douche, et je t'emmène après. »

Je pris le plus de temps possible sous la douche, qui s'occupa de me réveiller et de me faire prendre conscience que tout ceci était bel et bien réel. Rien que l'idée de voir Liam près d'Amelia et ne m'adressant pas l'ombre d'un regard serrait mes entrailles et me redonnait cette même envie de m'enfuir, de courir le plus loin possible de lui, jusqu'à le faire disparaître de mes souvenirs. Mais comment était-ce possible, puisqu'il avait toujours été à mes côtés ? Mon cœur se serra encore lorsque je l'imaginai me remplacer par elle dans le moindre de nos souvenirs : dans la cabane, dans le champ de tournesols, chez lui... Je soupirai : il avait déjà commencé en remplaçant Diam par Ameliam.

Je ne pris même pas la peine de me coiffer ni de me maquiller, bien que mon visage en eût grandement besoin. De profondes cernes soulignaient mes yeux et j'avais plusieurs longues griffures sur le front : je me faisais peur. Mais le regard des autres, et surtout celui de Liam, ne m'importaient plus. Je passais un vieux pull gris trop large et un jeans dévalé : pourquoi se faire belle sans raison ?

Le chemin pour le lycée me sembla bien trop rapide. Dehors, le ciel paraissait aussi triste que moi. De gros nuages sombres recouvraient la ville et menaçaient d'un terrible orage. Remontant l'allée vers les bâtiments, j'avais l'impression d'errer comme un fantôme sans âme, sans pensée, aussi vide qu'épuisée. Les couloirs déserts ne m'avaient jamais paru aussi sombres. Chaque pas me rapprochant de ma salle d'histoire faisait grandir la peur au fond de moi. Je ne voulais pas y aller, me retrouver à côté de lui, qui m'avait oubliée et remplacée comme un souvenir banal, sans importance. Je ne voulais pas devenir une inconnue aux yeux de celui que j'aimais. Je ne voulais pas...

Diam [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant