Diam [TERMINÉE]

Prologue

Ce jour-là m'avait angoissé pendant tout l'été : la rentrée. Plein d'enfants comme moi avec qui jouer et apprendre, voilà ce que m'avait dit Maman sur l'école. Mais je ne voulais pas jouer avec les autres, ils me faisaient peur.

Dans la cour, des petits garçons courraient ou faisaient de la bicyclette, des petites filles sautillaient et jouaient à la marelle. Et moi, derrière le grillage, je m'accrochais de toutes mes forces à la jambe de Maman, mon cartable Spiderman sur le dos.

« Regarde comme ils s'amusent... dit Papa en caressant mes cheveux. Tu pourrais les rejoindre ! »

Je secouai la tête. Hors de question ! J'étais très bien tout seul avec mes parents !

« Alors on va voir ta maitresse ? proposa Maman. »

Cette fois, pas moyen de dire non : elle m'entrainait déjà dans le bâtiment. C'était aussi grand qu'à la piscine municipale : j'allais me perdre, c'était certain ! Plein de couloirs, plein de portes et d'enfants, plein de cartables, d'escaliers, de porte-manteaux identiques...

Au moment où les larmes montaient à mes yeux, nous passâmes une porte bleue, et nous entrâmes dans une grande pièce lumineuse avec plein de petites tables, des chaises, des bancs et un grand tableau blanc. Quelques enfants dessinaient, d'autres pleuraient dans les bras de leur maman.

Une grande dame s'approcha de moi, dit bonjour à mes parents, et s'accroupi face à moi. Elle avait des grosses boucles d'oreilles orange et un collier assorti. On aurait dit des mini-clémentines.

« Bonjour ! fit-elle avec un grand sourire. Comment tu t'appelles ?

− Liam... murmurai-je timidement.

− Liam, je m'appelle Lena et je suis ta maîtresse. C'est moi qui vais t'apprendre à compter, à écrire ton prénom, à...

− Je sais déjà écrire mon prénom ! la coupai-je, vexé.

− Mais tu es doué, dis-moi ! Tu veux jouer à quelque chose ? »

Je la suivis, tenant toujours fermement la main de Papa. Lena me montra une grande étagère dans laquelle on trouvait des jeux de société. Je n'en avais jamais vu autant.

« Tu peux prendre ce qu'il te plait ! affirma ma maîtresse. »

Lentement, je lâchai la main de Papa pour saisir une boîte en carton sur laquelle était imprimée une photo de chat.

« Un puzzle, bonne idée ! Regarde, installe-toi sur une table. Je reviens tout de suite ! »

Lena s'éloigna un peu pour discuter avec mes parents. Je ne m'assis pas. La boîte entre les mains, je regardais les enfants autour de moi. Ils étaient tous différents : comment saurais-je comment ils s'appelaient ? Est-ce qu'ils allaient m'aimer ? Est-ce que j'allais devenir leur ami ?

Mon regard s'arrêta sur une fille avec deux petites couettes blondes sur la tête. Elle était toute seule sur une chaise, et serrait une poupée contre son cœur. Ses yeux étaient rouges : elle avait pleuré. Elle aussi avait peur de la rentrée, peur de tous ces enfants inconnus avec qui on nous lâchait. Je voulais lui dire qu'elle n'était pas seule, que moi aussi j'avais peur.

Je m'approchai lentement et tirai une chaise près d'elle. Je posai le puzzle sur la table, et elle leva ses yeux vers moi. De beaux yeux marron-verts. De toutes les filles que j'avais vu dans la salle, elle était la plus jolie.

Je lui fis un sourire avant de pousser le puzzle vers elle, en demandant timidement :

« Tu veux jouer avec moi ? »