Londres, 4 mai 2019, 3:00
Dans l'autobus nous reconduisant chez nous, notre chez-nous adoré dont nous ne nous étions pourtant pas languis le moins du monde ces cinq derniers jours, régnait un silence de plomb. Silence troublé par le ronronnement du moteur et des ronflements provenant de l'arrière du véhicule. Tous dormaient à poings fermés, épuisés par ce voyage hors du commun. Tous, sauf deux. Dans la semi-obscurité, on pouvait distinguer deux sources lumineuses éclairant deux visages, nous. Nous étions l'un derrière l'autre : moi, la tête appuyée sur l'épaule de ma voisine endormie, lui, derrière moi, ayant deux sièges pour lui tout seul. La tête posée contre la vitre, les yeux fermés, des écouteurs dans ses oreilles, il ne dormait certainement pas. Je le regardais, plongée dans ma contemplation, imaginant ce à quoi il pouvait bien penser. J'écoutais les chansons qu'il m'avait faites découvrir durant ce voyage – ma passion pour les années 80, et notamment pour Queen, est née durant ces quelques jours fantastiques. Pour essayer de me distraire, je tentai d'apprendre les paroles de Hallelujah. A moitié endormie, mais ne souhaitant fermer les paupières pour rien au monde, je mémorisais ces mots, ligne après ligne, ces mots qui avaient un sens pour moi. Je me ressaisis quand je sentis mes yeux se baigner de larmes : « Tu ne peux pas pleurer. Pas ici, pas comme ça. Pas pour lui. » Dans ce silence pesant, je sentis presque imperceptiblement un souffle sur ma nuque, et une présence au-dessus de moi.
- Hallelujah.
- Oui. J'essaie de l'apprendre, je n'arrive pas à dormir, avouai-je en tournant la tête vers lui.
- Moi non plus.
Il me regarda, me fixa, pendant ce qui m'a paru être une éternité, avec ce regard noisette, ces grands yeux dans lesquels on se plonge, comme hypnotisé, se demandant quels secrets ils cachent.
- Tu vas me dire ce qu'il se passe depuis qu'on est ici ?
- Ce qu'il se passe ? répétai-je, un peu abasourdie.
- Oui. Les mots que tu chuchotes à l'oreille de tes amies, les regards que tu leur lances... et cette gêne quand je te demande environ pour la trente-cinquième fois ce qu'il se passe.
Je soupirai, vaincue. Je ne voulais pas lui dire ce qui me tracassait autant. Surtout pas. Mais, après tout, aurait-il l'occasion de découvrir de qui il s'agissait ? Il ne le saurait jamais. Non, j'allais lui dire ce qui me tourmentait, il allait comprendre, il serait soulagé et me laisserait tranquille durant les treize heures de trajet restantes. C'était ce que j'imaginais.
- Je crois qu'il y a quelqu'un que j'aime bien. Beaucoup. Mais je ne sais pas si c'est réciproque, lui dis-je finalement, accompagnant ma réponse d'un haussement d'épaules se voulant indifférent.
- C'est qui ? s'empressa-t-il de demander.
Evidemment. Je croyais vraiment qu'il allait lâcher le morceau juste après lui avoir dit que j'avais le béguin pour quelqu'un ?
- Peu importe, tentai-je, peu convaincue que cette réponse le dissuadera.
- Est-ce qu'il est ici ?
- Oui.
- Dans ta classe ?
- Non.
- Alors dans la mienne ?
Il réfléchit un instant, listant mentalement les garçons de sa classe, avant de me lancer un regard de défi.
- Si c'était moi, tu me le dirais ?
- Oui...
Je me renfonçai dans mon siège, afin de lui faire comprendre que la discussion était close. Mais il en avait décidé autrement.
Quelques minutes plus tard, alors que je me concentrais sur un de ces stupides jeux pour smartphone, après avoir renoncé à mettre mes pensées au clair pour le moment, je sentis soudain qu'on me subtilisait l'objet de ma distraction. Prise d'un vent de panique, puis me rappelant que nous nous trouvions dans un endroit dans lequel la plupart des gens dormait, je me retins de pousser un cri. Je compris à ce moment-là qu'essayer d'avoir de l'autorité en chuchotant était mission impossible. J'avais beau le supplier autant que je le voulais, y mettre toute ma volonté, il arborait cet insupportable sourire fier. Je réalisai alors que c'était peine perdue : il trouverait une des nombreuses discussions avec les filles, où je leur parlais de lui, et ce serait fichu, il comprendrait. Je devais me rendre à l'évidence, rien ne serait plus jamais comme avant. C'est alors que je le vis, il leva des yeux brillants sur moi, il ne souriait plus, sous le choc. Ici a commencé mon cauchemar.
Durant les heures de trajet qu'il restait, il a cherché à mettre les choses au clair, à essayer de discuter. Honteuse, complètement fermée, je n'avais rien à dire, rien à expliquer, tout était parfaitement clair : je me faisais des films, j'espérais des choses qui ne se produiraient jamais, ce n'était tout simplement pas réciproque et je devrais m'y faire. Mais au fond de moi, j'y croyais toujours. Cette flamme dans mon cœur brûlait, elle n'était pas complètement éteinte. Pas encore.
J'ai espéré. Longtemps. J'ai continué d'y croire, encore et toujours. Je lui trouvais des excuses, je n'acceptais pas la tournure que prenaient les choses. Pendant des mois, j'étais brisée. Je ne croyais plus en rien ni personne. Dans mes écouteurs, tournaient en boucle des mélodies toutes plus mélancoliques les unes que les autres et des paroles qui me rendaient encore plus triste et effondrée que je ne l'étais déjà. Il était si proche, toujours près de moi, je le côtoyais tous les jours. Mais pour moi, il était si loin, dans un autre univers. Mon premier amour était parti, emportant avec lui une partie du cœur qu'il avait brisé en mille morceaux. Hallelujah.
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hey!
j'espère sincèrement que ce premier chapitre vous a plu. on peut dire que j'y ai mis du cœur ;)
ce chapitre-ci et le prochain sont les deux plus longs de l'histoire, les autres seront relativement courts.
n'hésitez pas à me donner votre avis ou des suggestions sur l'histoire, je les lirai avec plaisir!
bon, je crois que c'est tout?
ah oui, aussi : merci <3
xoxo,
mel
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𝐉𝐄 𝐍'𝐀𝐈𝐌𝐄𝐑𝐀𝐈 𝐏𝐋𝐔𝐒 𝐉𝐀𝐌𝐀𝐈𝐒
RomanceÀ la rentrée de mon année de seconde, mon objectif était de profiter sans me prendre la tête. Je m'étais cependant fixée une seule et unique contrainte que je m'étais jurée de garder en tête tout au long de l'année : ne plus jamais aimer. La raison...