47 : Apparition inattendue

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C'était enfin le jour J. Adam allait faire sa dernière livraison dans un quartier miteux de la ville. Le soir-même, la fête de Lucas allait avoir lieu. Plus les heures passaient, plus l'angoisse montait, que ce soit pour lui ou pour moi. On n'a pas arrêté de chercher un moyen de stopper la garce, de l'empêcher de dévoiler ce secret, en vain.

On attendait dans la voiture, dépités, attendant que l'averse de pluie passe. Je regardais les gouttes d'eau glisser lentement sur la vitre.

- T'es sûre que tu veux faire ça ? m'a demandé Adam, hésitant.

- Oui, et je ne changerai pas d'avis. Je veux être avec toi, ce sera plus prudent.

Il a hoché la tête.

- Alors, je te rappelle le plan.

Je me suis retenue de soupirer. Cela faisait au moins la quinzième fois de la journée qu'il me le répétait, je le connaissais au mot près, maintenant ! Mais son côté protecteur me faisait littéralement craquer.

- L'appartement est au troisième. Tu verras, dans la cage d'escalier entre le deuxième et le troisième, il y a un petit recoin derrière une grille en fer. Tu t'assiéras là avec le petit couteau que je t'ai donné et ton téléphone. Pendant ce temps, j'irai frapper, on fera la transaction et je repartirai directement après. Tu attendras quelques secondes pour me rejoindre, vérifie bien que tu as entendu le bruit de la porte qui se referme. Je t'attendrai au premier. Si quelqu'un arrive, tu fais semblant d'être sur ton portable et tu souris si la personne te dit bonjour. Tu n'interviendras qu'en cas d'extrême détresse, lorsque je dirai « Regarde, là-bas ! », c'est bien compris ?

- Oui, chef, ai-je dit en l'embrassant tendrement sur le coin des lèvres.

La pluie s'était calmée, il ne pleuvait plus que de fines gouttelettes. On est donc sortis de la voiture et on s'est dirigés vers le vieux bâtiment devant lequel on était garés. Quand on est rentrés dedans, l'odeur est ce qui m'a frappée en premier. On sentait un mélange de moisi, de tabac et d'urine. Bien sûr, il n'y avait pas d'ascenseur, on a donc pris les escaliers.

Pendant qu'on montait, on a croisé quelques jeunes, une cigarette à la main ou à la bouche et bien souvent une capuche sur la tête, mais ils ne nous prêtaient aucune attention. Il faut dire qu'Adam m'avait bien coachée pour me fondre dans la masse : il m'avait dit de porter un jogging et un t-shirt ample avec des baskets usées. Il m'avait aussi incitée à ne pas me laver les cheveux dans les trois jours qui précédaient la livraison, ce que j'avais jugé un peu trop exagéré, mais j'avais finalement fini par obtempérer. J'avais donc remonté mes cheveux gras en un chignon très mal fait. Ce look me changeait des jeans slim et chemisiers à fleurs ou des robes de soirée patineuses.

On est arrivés sur le palier du troisième étage et Adam m'a indiqué le recoin où je devais me cacher. Le sol était sale et l'odeur était encore pire que dans le hall. Je me suis assise en réprimant un renvoi. J'ai fait signe à Adam et il a frappé à la porte.

Mon cœur tambourinait dans ma poitrine, je n'avais jamais rien fait d'aussi fou, mais la simple idée que je faisais ça pour mon copain me redonnait du courage. J'étais vraiment tout près de la porte, bien plus que ce que j'avais imaginé, mais je devais garder mon calme et ne faire aucun bruit.

- Salut, ai-je entendu.

Putain, la voix est si proche.

- Salut, a répondu Adam.

- T'es seul ? a dit celui que j'avais deviné être Craig.

Sa voix était lasse et éraillée.

- Oui.

J'ai entendu un bruit de porte, puis des pas. Qui se rapprochaient... J'ai serré mon couteau dans ma main, tout en me forçant à respirer calmement.

- Bon, t'es gentil mais j'ai pas tout l'après-midi, a dit Adam.

J'ai entendu les pas s'éloigner et j'ai soupiré imperceptiblement.

- Tout est là ? a demandé Craig.

Adam a acquiescé. J'ai entendu comme un bruit de papier froissé. Des billets. Oh, putain, on dirait qu'il y en a beaucoup. Vraiment beaucoup. Alors que je pensais la transaction terminée, j'ai entendu une voix lointaine.

- Bébé, c'est qui ?

Cette voix...

- Deux secondes, mon amour, j'arrive ! a crié Craig.

- Dépêche-toi, j'ai froid moi...

Non, elle me disait définitivement quelque chose. Si seulement je pouvais m'approcher un peu plus...

- C'est bon, il part.

J'ai tendu l'oreille quand soudain, je me suis rendue compte que la fille se trouvait maintenant sur le pas de la porte.

- Il est parti ?

La fille a soudain poussé un cri. N'y tenant plus, j'ai sorti mon téléphone et ai activé l'appareil photo en mode selfie. J'ai lentement passé mon bras au-dessus de ma tête, de façon à ce que seule la caméra du téléphone dépasse, puis j'ai appuyé sur le bouton du son pour prendre une photo.

Merde, ça alors. La fille qui se tenait en sous-vêtements à côté de Craig n'était autre que...

- Cloé ?

- Adam ?

- Qu'est-ce que tu fous là ? ont-ils demandé en même temps.

- Oh, putain de merde, a dit Adam avec un rire sarcastique. On dirait que Mademoiselle Parfaite a aussi des secrets à cacher.

- Je, s'il te plaît, c'est pas ce que tu crois...

- Ah non ? Vous jouiez aux cartes, peut-être ?

Aucun des deux n'a trouvé quoi répondre.

- Ecoute-moi bien, petite garce. Si tu me dénonces à la fête de Lucas ce soir, je dirai à ton père et à ton idiot de soi-disant « petit ami » que tu te tapes un camé. Tu crois que ça plairait à Papa d'apprendre que sa petite fille adorée n'est pas celle qu'il croit ? Et Paul, hein ? T'aimerais qu'il vienne te casser la gueule avec sa bande de potes ? a-t-il poursuivi à l'attention de Craig. Parce qu'il est peut-être con comme un pied, mais donner des coups, ça, il sait faire, et on peut pas dire que tu sois franchement baraqué comme garç...

- Ok, l'a interrompu Cloé. Je dirai rien. Mais, je t'en supplie, Paul ne doit pas savoir. Et encore moins mon père, il m'enverrait en pension !

- Ça ne tient qu'à toi, a répondu Adam comme seule réponse. Tu te la fermes, je me la ferme. Point barre.

J'ai entendu des bruits que j'ai pensé être des poignées de main, puis une porte qui claque. Adam est descendu sans me regarder puis, une vingtaine de secondes après, je me suis relevée et je suis partie à mon tour pour le rejoindre où il m'attendait, comme prévu, au premier étage.

- T'as géré, ai-je dit en me jetant dans ses bras.

- Et toi, t'as été super courageuse, bébé, a-t-il répondu en me caressant les cheveux.


𝐉𝐄 𝐍'𝐀𝐈𝐌𝐄𝐑𝐀𝐈 𝐏𝐋𝐔𝐒 𝐉𝐀𝐌𝐀𝐈𝐒Où les histoires vivent. Découvrez maintenant