2 : Nouveau départ pour une nouvelle moi

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Bordeaux, 2 septembre 2019, 7:36

J'ai posé un pied sur le bitume, entendant l'autobus s'éloigner derrière moi. Ça y est, j'y suis, me suis-je dite. J'ai avancé lentement en direction de l'imposant portail en fer. J'ai jeté un coup d'œil à ma main : elle tremblait. J'ai serré les poings et accéléré le pas en passant devant l'immense écriteau « Lycée Antoine de Saint-Exupéry ».

Ce lycée est immense, je pourrais facilement m'y perdre, ai-je pensé. Mais finalement, au fond de moi, n'était-ce pas ce que j'espérais ? Me fondre dans la masse, être invisible, mener une vie normale de lycéenne normale, sans être remarquée.

Je n'ai jamais vraiment eu d'amis. Des copines, oui, avec qui je rigolais bien, mais personne à qui je faisais assez confiance pour me confier. Et Dieu sait que j'en aurais eu besoin. J'espérais que le lycée, m'apporterait au moins ça : de vrais amis. Bien sûr, je m'attendais à ce que ce soit difficile, du point de vue du travail, mais aussi des relations avec les autres parce que je n'ai jamais été très sociable. Je m'étais promise de faire un effort en allant vers les gens de ma classe pour « sociabiliser » – ce mot me faisait un peu peur. Mais, en revanche, je m'étais interdite d'aimer à nouveau. Pendant les deux mois de vacances qui ont précédé la rentrée, je m'étais mis en tête que les histoires d'amour finissent toujours mal, quelle qu'en soit l'issue. J'étais bien sûr consciente que, sur deux mille élèves, il y en aurait quelques-uns qui attireraient mon regard, mais il n'y aurait rien de plus, j'avais réussi à m'en convaincre. Le lycée serait un nouveau départ, pour moi et mes sentiments, malgré tout toujours instables.

Maintenant que j'y étais, j'appréhendais. J'ai traversé l'immense cour déserte d'un pas rapide, grelottante, me dirigeant vers le hall afin de découvrir ma classe. Je pouvais presque entendre les battements de mon cœur. Après m'être fait bousculer dans tous les sens, j'ai enfin pu accéder au tableau d'affichage. J'ai repéré la salle indiquée et je suis montée en direction de celle-ci, en essayant de me repérer à travers les innombrables couloirs du bâtiment dans lequel je me trouvais. Quand j'y suis enfin parvenue, une grande partie de la classe était déjà en train d'attendre devant la porte. J'ai d'abord repéré une fille mâchant nonchalamment un chewing-gum. Elle portait un pantalon rose à motifs indiens et un chemisier blanc à jabot. Elle tenait d'une main la bretelle de son sac à dos Eastpak couvert d'écritures, et de l'autre son téléphone sur lequel elle consultait son fil Instagram. En m'avançant discrètement d'un pas, j'ai remarqué qu'elle était abonnée à la page de... Queen ? Un sourire est venu se plaquer sur mon visage. Continuant mon observation, j'ai alors été attirée par la chevelure flamboyante d'une fille qui me semblait afficher un air un peu trop hautain. Qui lui a donné la permission de balancer sa crinière de cette manière ? Son tie and dye est d'ailleurs beaucoup trop contrasté, on dirait une biscotte oubliée dans un grille-pain. Mais mon regard a soudain été attiré par un garçon. La capuche de son sweat sur la tête, des écouteurs dans ses oreilles, il était appuyé contre le mur, à l'écart du reste de la classe, les mains dans les poches. J'ai allumé mon portable pour regarder l'heure. Huit heures douze. On n'est pas censés commencer à huit heures au lycée ?  Toutes les autres classes étaient déjà rentrées. J'ai décidé de surmonter ma timidité en abordant Miss Pantalon Rose.

- Salut.

Elle a détourné son attention de son écran et m'a regardée, les yeux écarquillés, comme si elle ne savait plus où elle était.

- Euh... salut. Je...

- Quoi ?! Comment ça « vers dix heures » ?!

C'était la fille aux cheveux cramés qui s'excitait devant un barbu tatoué d'au moins un mètre quatre-vingt-dix. Elle faisait de grands gestes avec ses mains, ce qui faisait tinter toute la quincaillerie qu'elle portait à ses poignets.

𝐉𝐄 𝐍'𝐀𝐈𝐌𝐄𝐑𝐀𝐈 𝐏𝐋𝐔𝐒 𝐉𝐀𝐌𝐀𝐈𝐒Où les histoires vivent. Découvrez maintenant