11 : Instant privilégié

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Le lendemain, je suis arrivée au lycée plus tôt car mon bus était en avance. J'ai cherché un moment un lieu où je pourrais m'installer pour être tranquille et à l'abri des regards. Puis j'ai repensé à l'endroit que nous avait montré Elias la veille et je m'y suis donc dirigée.

Elias. Je n'arrêtais pas de repenser à notre discussion. Qu'avait-il voulu dire par « on n'est pas du même monde » ? Pourquoi s'était-il battu et avec qui ? Mais surtout pourquoi avait-il refusé de me dire en quoi Adam était impliqué dans cette affaire ? Parce que je n'étais pas stupide, je savais bien que s'il semblait si affolé en cherchant Elias, ce n'était pas seulement parce qu'ils étaient amis.

Je me suis assise sur le rebord de la baie vitrée, dans ce coin calme, et j'ai sorti mes écouteurs. J'ai poussé un petit soupir. Je me sentais bien ici, encore mieux avec du AC/DC dans les oreilles – je devais être bien réveillée pour affronter cette journée, qui s'annonçait être pour le moins chargée. J'ai remonté mes genoux contre mon ventre et j'ai posé ma tête dessus en les entourant de mes bras.

Mais j'ai alors senti une présence à ma droite. J'ai levé la tête. Adam était là, debout et me regardait avec de grands yeux.

- Tu veux ma photo ? ai-je dit avec un petit sourire en enlevant un de mes écouteurs.

Il a souri à son tour.

- Je cherchais Elias.

- Pourquoi ? ai-je dit d'un ton légèrement accusateur.

- Pour... rien en fait, a-t-il répondu en s'asseyant à côté de moi.

Après quelques secondes de silence, il désigna mon téléphone posé par terre entre nous deux.

- T'écoutes quoi ?

Je lui ai tendu mon écouteur.

- AC/DC, a-t-il dit presque instantanément. J'adore.

J'ai alors pris conscience de son look. Il portait un pantalon à carreaux noirs et blancs et un sweat des Red Hot Chili Peppers. Tiens, aussi un de mes groupes préférés. Je ne me suis rendue compte que je souriais comme une idiote que lorsque j'ai senti son regard amusé posé sur moi. J'ai tenté de me ressaisir en m'éclaircissant la gorge.

- Quoi ? ai-je dit sur un ton un poil agressif.

- Rien, a-t-il répondu en secouant la tête avec un petit rire.

Son rire était à la fois doux et grave. Il sonnait si bien à mon oreille, comme une légère musique. J'ai fermé les yeux. Me sentant soudain rougir, j'ai baissé la tête pour qu'il ne puisse pas déceler sur mon visage les émotions qui me traversaient à cet instant précis. J'entendais encore son rire résonner dans mon esprit. Un léger frisson me parcourut. Pour la première fois depuis longtemps, je me sentais détendue, sereine et heureuse. Pleinement.

Quand les premières notes de Highway To Hell ont retenti dans les écouteurs, Adam a commencé à balancer sa tête tout en tapant du pied. Je l'observais du coin de l'œil. Ses boucles brunes s'agitaient au-dessus de son front, au rythme de la batterie et de la guitare électrique. Il semblait ailleurs, dans un autre monde et je ne savais pas pourquoi, mais le voir comme ça me rendait encore plus heureuse. Ce moment simple était pourtant magique. Je n'ai pas pu retenir un petit rire. Il a levé les yeux vers moi et m'a dévisagé pendant quelques secondes. Il semblait scruter intensément chaque parcelle de mon visage, ce qui n'était pas sans me déstabiliser. Alors que je commençais à me demander s'il fallait que je dise ou fasse quelque chose, il a tendu la main vers ma bouche. Mon pouls s'est soudain accéléré. Je sentais son souffle sur mon visage. Et il me regardait toujours avec ces grands yeux clairs.

- T'as encore un peu de bave, là, a-t-il déclaré en me tapotant délicatement le menton.

Puis son visage s'est éloigné du mien, il a pris son sac, s'est relevé et s'est éloigné sans un regard de plus.

𝐉𝐄 𝐍'𝐀𝐈𝐌𝐄𝐑𝐀𝐈 𝐏𝐋𝐔𝐒 𝐉𝐀𝐌𝐀𝐈𝐒Où les histoires vivent. Découvrez maintenant