Une fois enfin les filles prêtes elles se pressent à descendre jusqu'à la salle à manger ou elles découvrent que toute la petite famille les attend déjà. Silvain et Victorine sont face à face, chacun à un bout de cette table rectangulaire en majestueuse en bois massif. Les frères sont deux par deux, formant un carré. D'un côté Honoré, le plus jeune, et Fidèle, et face à eux Prosper et Modeste, le père de l'enfant qui est d'ailleurs sûrement déjà couché.
Tous les regards se posent sur elle dans un silence absolu. Elles restent quelque secondes dans l'embrasure de la porte et comme personne ne dit ou fait quoi que ce soit, Line avance et s'assoit sur l'une des deux chaises libres à leur disposition. Elle choisit la place à côté de Modeste, obligeant donc Oxelle à s'installer à côté de Fidèle. Cette dernière, gênée, s'arrange pour ne pas croiser son regard et s'assoit.
Soudain, Victorine brise le silence:
-Rappelez-moi votre âge?
Les filles, ne s'attendant absolument pas à cette question, échangent un regard interloqué et Oxelle finit par répondre un peu hésitante:
-Vingt-quatre et moi vingt-trois mais...
La femme la coupe aussitôt:
-Et vous êtes en train de me faire croire qu'à vos âges vous ne savez pas lire l'heure? -Qu...quoi? -Mon mari vous avait dit dix-neuf heures trente. Vous avez sept minutes de retard. -Chérie arrête, elles ne l'ont pas exprès ce n'est pas grave... -Mais si c'est grave! Ou alors qu'est ce qu'il l'est si le respect des personnes qui vous accueillent chez eux n'est plus de mise! Alors mesdemoiselles? Ne connaissez vous pas le respect? Le respect de ses hôtes. Le respect de ses aînés. N'avez vous pas de respect pour vous parents?!
Oxelle ne comprend pas ce qui se passe. Pourquoi cette femme qui était tout à l'heure si adorable et au sourire si éclatant est soudainement devenue si hystérique pour une raison si futile. La jeune femme ne pense pas devoir mériter d'être ainsi sermonnée comme une enfant, mais c'était si inattendu qu'elle ne sait pas comment réagir à part s'excuser:
-Nous... nous sommes désolées. Nous ferons attention la prochaine fois! -Tu vois chérie. Elles feront attention la prochaine fois.
Victorine se met alors à fixer Oxelle au plus profond de ses yeux et finit par murmurer d'une voix qui glace le sang de la jeune femme:
-C'est ce que nous verrons bien...
Et soudainement, son visage redevient lumineux et jovial, son sourire réapparaît et elle attrape le plat devant elle pour le passer à Honoré qui est assis à sa droite et s'exclame dans un éclat de joie:
-Allez allez, goûtez moi ça! Vous m'en direz des nouvelles!
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-Bordel mais c'était quoi ça?!
Oxelle et Line ont a peine refermé la porte de leur chambre derrière elles qu'Oxelle lache cette phrase d'un air à la fois dépité et colérique. Line s'assoit sur le lit pour retirer ses chaussures tout en ne comprenant pas tout de suite de quoi elle parle:
-Quoi « ça »? -Mais la crise d'hystérie que nous a fait cette tarée! Elle s'est prise pour qui pour nous parler comme ça?! Cette tension dans la pièce... on aurait dit qu'on avait été prise la main dans le sac en train de voler. Et puis la façon dont tout est revenu à la normal en une fraction de seconde! C'était tellement étrange, presque... terrifiant... -J'avoue que c'était très particulier et que ça m'a pris de cours, mais « terrifiant » tu ne crois pas que tu dramatises un peu là? -Et puis pendant le dîner j'avais l'impression que tous les regards étaient posés sur nous. -C'est normal on est les seules « étrangères » de ces lieux... -Surtout Prosper. Il était en face de moi en diagonale, entre sa mère et Modeste, et je te jure qu'il a passé le repas à me regarder. Mais pas directement. Il me jetait en permanence des coups d'œil sombres, observait le moindre de mes mouvements. On aurait dit un chien de garde prêt à me sauter dessus à tout instant. Et puis Fidèle à côté de moi. Il ne disait rien mais j'étais mal à l'aise. D'ailleurs on peut savoir pourquoi tu m'as laissée à côté de lui? Je suis sure que tu l'as fait exprès!
Line lève les yeux au ciel:
-Non ce n'était pas prémédité si c'est ce que tu crois, mais maintenant que tu le dis je ne regrette pas. Tu vas peut-être finir par enfin te décoincer un peu... De toute façon tu es complètement parano, il faut que tu détendes un peu. Cette meuf elle est juste un peu perchée, va pas chercher plus loin...
Line ne lui laisse pas le temps de répondre et file dans la salle de bain pour se changer et se laver les dents. Oxelle soupire en passant sa main dans ses cheveux et se laisse lourdement tomber sur le lit.
