Oxelle

50] Doucement

Les deux jeunes femmes déverrouillent la porte puis se mettent à monter les escaliers de la cave dans le plus grand des silences. Les marchés sont vieilles et grinçantes mais elles y mettent toute la lenteur nécessaire pour que personne ne puisse entendre leurs pas.
Nina marche devant, déterminée et prête à tout, le trousseau dans la main, suivit de près par Oxelle, essayant de se gonfler de courage mais en réalité totalement terrorisée. Avant d'arriver en haut elle jette un dernier coup d'œil derrière elle et aperçoit Fidèle, les yeux grands ouverts là fixant encore, comme si son cadavre la suivait du regard. Oxelle se retourne aussitôt de nouveau pour cesser de le voir et ferme les yeux une seconde, les paupières serrées de toutes ses forces pour essayer d'effacer cette image. Mais en réalité elle le sait déjà: elle ne pourra jamais effacer ce regard. Il la hantera jusqu'à la fin de ses jours, qu'elle meurt aujourd'hui ou dans soixante ans...

Une fois sur les dernières marches, nez à nez avec la porte, Nina respire longuement puis colle son oreille contre la porte quelques secondes. N'entendant rien elle pose sa main sur la poignée et ouvre lentement pour glisser un œil à l'extérieur.
Il n'y a personne, aucun mouvement. Elle attend encore, mais elle sait bien qu'il va falloir sortir de cette cachette, et que peut être que cela causera sa mort. Mais après avoir passé cinq ans dans cette cave, sans voir la lumière du jour où senti l'air frais sur son visage, sa survie lui importe peu. Elle veut vivre réellement, ou bien mourir.

Elles sortent l'une derrière l'autre à pas de loups, regardant dans les pièces, prête à se battre. Nina a dans sa main les clefs glissées entre ses doigts comme arme.
Soudain, Oxelle s'arrête brusquement en voyant dans la salle à manger Silvain, assis sur une des chaises à lire un journal.
Elles échangent un regard. Elles savent parfaitement que si elles veulent avoir une chance elles vont devoir le tuer dans le plus parfait des silences ou bien les autres seront interpellés et tout sera fini.
Mais si elles arrivent face à lui il aura le temps de hurler. Oxelle réfléchit. Il faut qu'elles arrivent par derrière, autrement dit de la cuisine.
Elle attrape Nina par le poignet pour lui faire comprendre qu'elle la suive et aussi doucement qu'elles l'ont fait jusqu'ici elles se déplacent vers la cuisine. Nina attrape aussitôt un grand couteau à viande et glisse les clefs dans sa poche pour être libre de ses mouvements.
Mais Oxelle préfère être prudente. Il suffirait d'un mauvais coup pour qu'il ne meure pas directement et se mette à hurler comme un porc qu'on égorge. Elle regarde autour d'elle et saisit de la ficelle de cuisine qu'elle monte à Nina pour qu'elle comprenne. Cette dernière hoche la tête et garde le couteau au cas où.
Elles se glissent alors jusqu'à la deuxième porte de la cuisine, celle qui donne directement sur la salle à manger, et avancent dans le dos de Silvain, prêtes à le faire taire à tout jamais...