56] Bûches

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Honoré a toujours jalousé ses frères pour leur âge. Lui est le plus jeune, le petit dernier surprotégé par sa famille. Mais il n'a jamais supporté cette condescendance à son égard, car il a beau être le benjamin de la fratrie il sait qu'il est le plus courageux et le plus déterminé. Jamais lui ne se laisserait distraire par les femmes comme Fidèle, par ses enfants quand il en aura comme Modeste et jamais non plus il ne prendra plaisir à faire son malin et à désobéir à tout bout de champ comme Prosper.
Lui est la seule vraie fierté de ses parents. Le parfait final. Le chef d'oeuvre.

Il n'a que dix-neuf ans, mais il est plus fort que les autres, plus brave, plus loyal. Décevoir son père et blesser sa mère sont les dernières choses qu'il voudrait.
Contrairement à ses frères, lui a retenu ce qu'on lui a appris. Il ne reproduira pas les mêmes erreurs et prouvera qu'il mérite plus que n'importe qui sa place dans cette famille.
Honoré n'aime pas la nouvelle femme de Fidèle. Il ne la sent pas. Ses parents ont raison, il faudrait mieux l'éliminer. Une mauvaise herbe ne deviendra jamais une fleur.

Lorsqu'il termine enfin de couper les bûches il replante la hache dans la souche, ramasse les bouts de bois sur le sol et marche en direction de la maison. Le soleil se lève à peine, l'aube est fraîche.
Il se débrouille pour ouvrir la porte de derrière la maison malgré ses mains prises et avance dans le couloir pour aller déposer les bûches dans le salon près de la cheminée, lui qui a toujours été très prévoyant de plusieurs mois. Mais au bout de quelques pas il remarque quelque chose sur le sol du couloir provenant de la salle à manger. Il fronce les sourcils, s'approche encore et réalise que c'est du sang. Une marre de sang qui s'étend peu à peu sur le parquais...
Il avance encore jusqu'à se retrouver dans l'embrasure de la porte et là, devant l'horreur de la scène qui lui fait face, ses bras tombent le long de son corps et les bûches s'écrasent dans le sang, éclaboussant les jambes du jeune homme.

Il reste figé une seconde, incapable de réaliser. Son père effondré sur la table, sa mère gisante au sol, la gorge ouverte... Ses parents...
Papa...
Maman...

Il pousse alors un long hurlement incontrôlable et s'effondre à genoux dans la marre d'hémoglobine pour prendre sa mère dans ses bras. Il essaye de la secouer, de poser sa main sur la plaie pour que le sang cesse de couler mais cela ne serre rien il est déjà trop tard.
Les larmes se mettent à couler sur ses joues, et pourtant, d'aussi loin qu'il s'en souvienne, Honoré n'avait jamais pleuré, du moins il était bien trop petit pour s'en rappeler...

-Maman... Maman s'il te plaît... Je suis là, ne meurs pas. Ne meurs pas!

Mais le jeune homme aura beau supplier, aura beau pleurer et hurler, sa mère ne reviendra pas. Et en l'espace d'une seconde, Honoré passe du petit dernier adoré au petit orphelin désolé...

OxelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant