11/ La sagesse familiale

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En ce beau dimanche de début mai, toute la famille était réunie pour fêter l'anniversaire du petit Léo. Un an, déjà ! Il marchait presque et commençait à dire ses premiers mots. Un vrai p'tit gars !
Il me semblait que c'était hier que Tristan m'annonçaient qu'il allait être père. Dieu que le temps passait vite !
Ils avaient essayé de faire un bébé pendant plusieurs mois. Après plus d'un an sans succès, ils avaient été voir un médecin pour vérifier que tout allait bien. D'après lui, tout était normal et rien ne faisait obstacle à leur désir d'être parents.
C'était en revenant de vacances que Cathy avait su qu'elle était enceinte. Tristan m'avait appelé en suivant et avait hurlé son bonheur dans le téléphone.
Pour l'occasion, ma mère fit le déplacement. Elle vivait dans notre Pays Basque natal. Depuis qu'elle était à la retraite, elle voyageait beaucoup. Elle avait rencontré un homme qui partageait sa vie et sa passion pour les contrées lointaines.
Mon père était mort, huit ans auparavant, emporté par une crise cardiaque. Le choc avait été terrible. J'étais très proche de mon père, j'avais mis du temps à accepter sa disparition. J'avais appris à vivre avec son absence, mais il me manquait beaucoup. Il avait laissé un grand vide dans mon cœur. C'était lui qui nous avait appris à surfer, Tristan et moi, et tant d'autres choses encore.
Depuis ce bouleversement, j'avais pris conscience de la fragilité de la vie humaine et je m'étais fait une promesse : vivre intensément. Parfois cette philosophie m'avait joué de sales tours, me faisant faire des excès mais je m'y accrochais comme à une bouée.
Heureusement que Tristan et moi étions vraiment unis et solidaires, cela nous avait permis de faire notre deuil en nous soutenant mutuellement.
Mes parents s'étaient séparés deux ans avant et j'en voulais encore à ma mère à cette époque d'avoir déserté le domicile conjugal. Je n'avais compris les raisons de son départ que bien plus tard et je les avais acceptées. Quand j'avais quitté la maison pour partir faire mes études, mes parents s'étaient rendu compte qu'ils n'avaient plus rien à se dire, ils étaient devenus deux étrangers vivant sous le même toit. Elle n'avait pas voulu se résigner à rester juste pour une promesse qui n'avait plus de sens après tant d'années alors elle était partie vivre sa vie.
Les parents de Cathy étaient également présents. Je les connaissais peu mais c'étaient des personnes aimables et chaleureuses. Le bonheur de leur fille unique leur importait plus que tout et tant que mon frère parvenait à la rendre heureuse, il était dans leurs bonnes grâces.
Le repas fut convivial, copieux et arrosé. Léo avait reçu des tonnes de jouets et d'affaires. Ce gamin était pourri, gâté...
Nous dégustions le traditionnel gâteau d'anniversaire accompagné de son verre de Jurançon blanc que ma mère avait apporté, quand elle me questionna :
-Alors, Matthieu, toujours pas de fiancée ?
Ma mère désespérait de ne pas me voir casé avec une femme. Ce n'était qu'une question de temps avant qu'elle ne me fasse subir son interrogatoire, je le savais. J'y avais droit à chaque fois qu'elle me voyait.
-Personne de sérieux, non.
Cathy en rajouta une couche :
-Pas même Lola ?
-Quoi Lola ? Elle est avec Franck, il me semble, grommelai-je.
Si Cathy s'y mettait aussi, je n'allais pas m'en sortir !
-Matt, je te connais, la façon dont tu la regardes, ton attitude... Avoues que tu tiens à elle ! continua-t-elle.
-Oui, peut- être que je l'aime, mais clairement ce n'est pas son cas !, m'écriai-je.
-Ne crois pas ça.... Attends.... Tu l'aimes ?
Tous les regards étaient braqués sur moi.
Super la famille ! Très discret, tout dans la finesse... Je soupirais, autant être sincère :
-Je crois bien, oui.
-Et tu lui as dit ? demanda mon frère.
-J'en ai pas eu l'occasion. Et puis, elle sort avec l'autre là ! me défendis-je.
Ma mère surenchérit :
-Attends que je comprenne bien, tu es amoureux d'une femme qui est en couple avec un autre homme ?
-Oui et il sort avec une autre qu'il n'aime pas... Maman, dis lui qu'il fait n'importe quoi, il ne m'écoute pas ! ajouta Tristan, désespéré.
-Bon, ça va bien là, ce n'est pas ma fête aujourd'hui !!
Heureusement qu'ils ne savent pas pour Déborah !!
Je me levais, faisant mine de préparer les cafés, mais je voulais surtout qu'ils arrêtent de remuer le couteau dans la plaie. Ils m'énervaient à faire étalage de mes erreurs. J'adorais Tristan et Cathy mais aujourd'hui, ces traîtres m'agaçaient au plus haut point.
Bien sûr que c'était du grand n'importe quoi. Mais que pouvais-je faire ? Je ne pouvais pas forcer Lola à m'aimer comme je ne pouvais pas me forcer à aimer Célia.
Je tentais de me calmer dans la cuisine, quand Cathy apparut :
-Merci, sympa d'avoir tout balancé devant ma mère ! la grondai-je, tentant de maîtriser ma colère.
-Matt, on est inquiets Tristan et moi, tu sembles si triste en ce moment...
-Je vais bien, Cathy, j'ai besoin d'un peu de temps c'est tout...
-Moi, je pense que si tu l'aimes tu devrais faire quelque chose, tu ne peux pas rester comme ça, tu déprimes, on le voit tous !
-Mais qu'est ce que tu veux que je fasse à la fin ? dis-je haussant le ton.
-Je crois que tu devrais parler à Lola, lui dire ce que tu ressens ! s'écria-t-elle.
-Et qu'est ce que ça changerait ?
Cathy me regardait attentivement, cherchant les mots qu'elles voulaient dire avec attention.
-Je pense que tu as toutes tes chances. Elle tient beaucoup à toi, c'est évident.
-Comme ami, oui. Je ne suis pas un mec pour elle, elle me l'a dit...
-Et moi, je crois au contraire que vous êtes faits pour être ensemble ! Elle se protège, te choisir, c'est dangereux pour une fille, franchement, Matt, je t'adore mais admet que tu es un pari assez risqué. Elle croit que tu veux juste la mettre dans ton lit et qu'après ton fantasme réalisé, tu te barreras, comme d'habitude...asséna-t-elle.
-Tu oublies Franck, elle l'aime, répliquai-je.
-Non, il est gentil, ils s'entendent bien, il représente la facilité, mais elle ne l'aime pas, .... Quand vas-tu comprendre que c'est toi qu'elle aime ?
-C'est.... Elle te l'a dit ? bafouillai-je.
-Pas besoin, c'est flagrant, il n'y a que toi qui ne vois rien !
Cathy secouait la tête comme si j'étais un idiot qui ne comprenait rien. C'était peut-être le cas après tout.... Elle m'aimait ? Mais alors, pourquoi restait-elle avec lui ?
Décidément, je ne comprenais rien aux femmes !

Les yeux de Lola Où les histoires vivent. Découvrez maintenant