26/ Confrontation

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Je rentrais chez moi en fin d'après midi. Après une longue douche chaude, je me sentais un peu mieux.
Cette nuit avait été une parenthèse qui m'avait fait du bien, mais maintenant la parenthèse se refermait me laissant un arrière goût amer. Non seulement, le souvenir de Lola revenait me tourmenter mais en plus, j'avais vraiment fait le con. Entre les femmes et les drogues... j'avais clairement abusé. J'avais honte de m'être laissé entraîner à ce point dans les abysses de ma noirceur.
J'avais agi sous l'impulsion du désespoir, me vengeant de la blessure qu'elle m'avait faite avec toutes ces femmes et cela n'avait rien changé. Au final, j'étais toujours aussi malheureux, tout ce que j'avais gagné c'était une bonne gueule de bois et une légère nausée...
Je consultais mon téléphone qui affichait plusieurs appels en absence et des messages. Certains venaient de Tristan qui me demandait comment j'allais et qui s'inquiétait de ne pas réussir à me joindre. Je lui envoyais un texto rassurant.
Les autres venaient de Lola.
Qu'est ce qu'elle me veut ?
Pendant que je regardais ses messages, mon téléphone sonna, c'était elle.
-Oui, répondis-je d'un ton que je voulais froid mais qui sonna plus agressif.
-C'est moi... On peut se voir ?
-Pour quoi faire ?
-Je voudrais te parler, t'expliquer pour l'autre soir.
-Non merci, j'ai pas envie de connaître tous les détails, tranchai-je.
-...Ce n'est pas ce que tu crois.... S'il te plait.... Tu es chez toi ?
-Oui, mais...
-J'arrive, me coupa-t-elle.
Elle raccrocha ne me laissant pas le temps de l'en dissuader.
Merde !
Je n'étais pas vraiment en état de supporter une joute orale, le marteau piqueur dans ma tête n'avait toujours pas fini ses travaux et je n'avais aucune envie de me confronter à elle. Mais je n'avais plus le choix. Moins de 5 minutes plus tard, elle toquait à ma porte.
Je la laissai entrer en silence. Elle semblait nerveuse, se tordant les mains, fuyant mon regard.
-Je te dois des explications, commença-t-elle, allant droit au but. Anthony est un vieil ami... Il a repris contact il y a quelques jours, le soir où on s'est disputés,  il a appris pour mes parents et voulait savoir comment j'allais.
-M'en fous, mentis-je. Tu fais ce que tu veux.
-Quoi ? demanda-t-elle surprise.
-T'as rompu, vis ta vie mais ne me demande pas de rester ton ami.
-Comment ça, rompu, je t'ai demandé du temps !
-Après 3 jours de silence, je te trouve avec un mec chez toi, avec qui tu as visiblement rendez-vous, la seule explication que tu me donnes c'est que tu as besoin de temps.... Chez moi, ça s'appelle se faire larguer comme un con !
Mon ton était monté, ma colère qui s'était calmée revenait en force.
-Alors toi, on te demande du temps et tu prend ça pour une rupture?
-Tu oublies que tu m'as foutu dehors de chez toi alors qu'il y avait ce mec!
Elle s'assit, s'effondra plutôt sur mon canapé.
-C'est vrai, pardon, j'suis désolée, je comprends de quoi ça avait l'air, mais tu te trompes, je ne voulais pas rompre, dit-elle le ton las.
-Quoi ?
Je m'assis à mon tour sur le fauteuil en face d'elle, abasourdi par son revirement. Elle soupira et me raconta son passé avec Anthony. Elle l'avait rencontré juste après le lycée.
Il avait été son premier amour.
Son premier amant.
Ils étaient resté plus de 4 ans ensemble, vivant sous le même toit, partageant leurs vies. Cette histoire avait forcément compté pour eux, pour elle. Ils s'étaient séparés 3 ans plus tôt.
Insistant pour connaître la raison de leur séparation, elle m'expliqua les joues rougies et visiblement très gênée qu'elle était tombée enceinte. Bien que non programmée, cette grossesse ne leur faisait pas vraiment peur mais à la fin du premier trimestre, elle avait perdu le bébé. Ils n'avaient pas su gérer ce deuil, se déchirant au lieu de se soutenir, et leur couple n'avait pas résisté à cette épreuve.
Je restais bouche bée, je ne connaissais rien de cette histoire, elle n'en avait jamais parlé, pas une seule évocation. Quand nous n'étions qu'ami, elle avait bien mentionné une histoire d'amour qui avait duré longtemps, ajoutant qu'elle avait été follement amoureuse, mais elle avait simplement dit que cela s'était mal fini, sans donner plus de détails...
Pendant toute son explication, elle avait fui mon regard, baissant les yeux, se tortillant les doigts nerveusement. Sa voix tremblait, trahissant son émotion. A l'évocation de sa grossesse, des larmes avaient roulées sur ses joues.
Prenant le temps d'analyser toutes ces données, je rétorquai :
-Pourquoi tu ne m'en as pas parlé avant ? Et pourquoi avais-tu besoin de temps ?
-Tu sais quand tu m'as parlé du bébé, j'ai repensé à tout ça... Ca a ravivé ma douleur... et comme s'il avait lu dans mon esprit, Anthony m'a appelé. Il voulait juste qu'on se revoie en ami, prendre des nouvelles, c'est ce qu'il m'a dit en tout cas...mais quand il est venu chez moi, il a avoué qu'il m'aimait toujours, qu'il ne m'avait jamais oublié et qu'il voulait qu'on retente quelque chose, mais...
-Mais quoi ?
-Mais je ne savais pas où j'en étais, j'avais besoin de le voir, pour savoir s'il comptait encore... et puis... il y a cette histoire avec toi et ce bébé, ça m'a remuée, tout ça me perturbe vraiment, j'ai eu peur..., dit-elle d'une voix à peine audible.
-Et toi, tu l'aimes toujours ? risquai-je après une petite pause.
-Je... Je ne sais pas... J'avais envisagé de passer ma vie avec lui, je voulais fonder une famille avec lui... bafouilla-t-elle.
Soupirant, prenant la mesure de la situation, je demandai :
-Vous avez fait l'amour ?
-Non ! Mais il m'a embrassée, avoua-t-elle.
-Et ? Qu'est ce que tu as ressenti ? insistai-je alors que je serrai les poings.
-Je mentirais en disant que ça ne m'a rien fait... mais avec toi, c'est... différent...très intense...
Je comprenais son comportement maintenant, elle était tiraillée entre son premier amour, son grand amour d'un côté  et moi de l'autre.... Et elle hésitait ne sachant pas vers lequel son cœur penchait, d'où son besoin de prendre du recul.
Elle avait laissé cet homme l'embrasser... Ca ne me réjouissait pas du tout, mais alors pas du tout de penser à sa bouche sur celle de Lola. Mais, elle avait eu besoin de ce baiser pour savoir où elle en était, ce qu'elle ressentait.
Cela dit ce n'était rien comparé à ce que moi j'avais fait.
Repensant à ma folle nuit, je commençai à blêmir.
Oh non, j'ai vraiment fait le con là !
Comment j'allais lui expliquer ma luxure de la nuit passée, comment pourrait-elle me pardonner ?
Mais avant de tout déballer sur mes activités nocturnes, je devais savoir la raison de sa venue, quel était son choix, lui ou moi.
-Pourquoi es-tu là ce soir ?
-Parce que je voulais être honnête. Avec toi mais aussi avec moi-même. J'ai beaucoup aimé Anthony, il a beaucoup compté pour moi. Je ne l'oublierais jamais.
Vas-y, t'as raison, enfonce le clou, y'a encore un bout de mon cœur qui n'est pas en charpie dans ce coin là...
-Mais..., enchaina-t-elle, ce que je ressens pour toi est fort... très fort... C'est pour ça que je t'ai appelé hier soir, après avoir écouté ce message sur mon répondeur où tu semblais hors de toi. Mais tu n'as pas répondu... Je me suis dit qu'il fallait que tu saches...
-Que je sache quoi?
-...que je t'aime...
Je restais un moment hébété, elle avait dit quoi ? Elle m'aimait ?
-Oh non, non, NON ! m'écriais-je.
C'était pas possible, elle ne pouvait pas me dire ça, comme ça, pas après la nuit que j'avais vécue. Stupéfaite par ma réaction, elle se mit à pleurer, clamant qu'elle regrettait ce baiser et que c'était moi qu'elle avait choisi, qu'il représentait le passé et moi l'avenir.
-J'ai choisi, c'est toi que je veux, je t'en prie, pardonne moi ! m'implora-t-elle.
Je m'étais levé faisant les cent pas, je devais lui dire. D'un geste de la main, je la fis taire. La respiration saccadée, je me lançai.
-Lola, tu vas me haïr....
Et je lui racontais tout. La première nuit où Cathy avait su me calmer et me ramener à la raison, et surtout la deuxième où j'avais pété les plombs. Je lui rappelais que je pensais m'être fait larguer et à quel point je me sentais mal, que l'alcool et la drogue n'avaient servi qu'à endormir ma douleur et m'avait fait faire les pires conneries. Je lui expliquais comment je m'étais réveillé dans cette chambre d'hôtel, en quelle compagnie... je ne lui cachais rien, quitte à la perdre.
Elle m'écoutait, plus j'avançais dans mon récit et plus elle était devenue pâle. Une larme coula silencieusement du coin de son œil. J'étais sûr que cette fois-ci tout était fini... pour de bon.

Les yeux de Lola Où les histoires vivent. Découvrez maintenant