29/ Anniversaire

515 33 9
                                    


30 ans... Putain j'ai 30 ans...
Lola s'affairait dans la cuisine pour finir de préparer le repas de mon anniversaire. Pour l'occasion nous avions réuni toute la bande mais aussi Déborah, Laëtitia, Nolan et ma mère.
Nous vivions officiellement ensemble Lola et moi. Contrairement à ce que je pensais avant, la monogamie ne me pesait pas. J'en étais le premier surpris. Comme l'avait dit Fred un jour, je continuais de regarder les courbes d'autres femmes, après tout, j'avais des yeux autant les utiliser, mais elles ne me faisaient pas particulièrement envie. Quand mon attention s'attardait un peu trop sur un corps agréablement galbé, Lola se raclait la gorge pour me recentrer ou me donnait un léger coup de coude et m'adressait un regard mi-amusé mi-réprobateur. Elle ne s'en offusquait pas réellement, elle savait que mon cœur lui appartenait.
Dans les faits, elle habitait chez moi depuis bien longtemps avant que je ne m'en rende compte. Je me rappelais les paroles que Tristan m'avait dites un jour « tu seras le dernier au courant ». Et en effet, un jour, j'avais regardé la salle de bain. Le constat était sans appel : des crèmes et du maquillage côtoyaient mon rasoir à côté du lavabo, un fer à lisser (friser ?) ainsi qu'un sèche-cheveux pendouillaient fixés au mur et, pire, des produits d'hygiène féminine trainaient dans mon placard.
Mon appartement s'était féminisé sans que j'y fasse attention, un bouquet de fleur par ci, un pot pourri par là, des draps d'une teinte plus fille et surtout la lunette des toilette était systématiquement baissée.
Aucun doute, je ne vivais plus seul... Cette révélation, au lieu de m'inquiéter, m'avait donné un sentiment d'apaisement, finalement la situation me convenait parfaitement.
J'adorais me réveiller tous les matins et pouvoir la serrer dans mes bras.
J'adorais rentrer le soir chez nous et la trouver en train de flemmarder sur le canapé ou bien préparant un bon dîner.
J'adorais disposer de son corps et l'entendre hurler sa jouissance tous les soirs.
Nous n'en avions pas clairement parlé, elle ne voulait surement pas me brusquer et essuyer un refus de ma part en effectuant une approche trop frontale. Elle connaissait ma peur de l'engagement et devait se dire qu'il vallait mieux me laisser avancer à mon rythme. Ainsi, je fus le premier à aborder le sujet.
-Je crois qu'on devrait chercher un nouvel appart', avais-je tenté.
-Pourquoi, tu n'es pas bien ici ?
-Si, mais c'est MON appart' et je crois qu'il est temps que nous ayons NOTRE appart'.
Elle m'avait regardé, stupéfaite et m'avait sauté au cou. Moins de deux mois après, nous changions d'adresse, elle lâchait définitivement son T2 et nous en profitions pour prendre un logement avec une chambre d'ami qui, le jour venu, ferait une belle chambre d'enfant.

Lola stressait, elle voulait que tout soit parfait pour mon anniversaire. Franchement, moi, je m'en foutais. L'essentiel était d'être entouré par mes proches, ce que j'aurais dans mon assiette était le cadet de mes soucis. Donnez-moi de la vache et des patates et je suis content.
Elle avait soigné la décoration de table, une belle nappe grise, un chemin de table bleu, des assiettes blanches, des bougies assorties... On se serait cru dans cette émission à la télé, où les invités notent leur hôte... Je devais admettre que le résultat était splendide et le lui dis :
-C'est parfait, la table, la cuisine, ça sent super bon, arrête de te prendre la tête, tout va bien se passer !
Les invités commençaient à arriver, je m'occupais d'installer tout ce petit monde et de servir les verres pour l'apéritif. Les femmes trinquèrent au champagne, tandis que Fred, Tristan et moi restions à la bière. Léo et Nolan eurent droit à du jus de fruit. Ces deux là s'entendaient bien, surtout pour faire des bêtises.
La préparation méticuleuse et soignée de Lola et les liens évidents d'amitié qui nous unissaient tous rendait l'ambiance détendue et chaleureuse. Je voyais néanmoins ma mère regarder Nolan avec insistance. Il gambadait, jouait avec Léo aux Légo ou aux voitures et s'empiffrait de chips dès que ses mères étaient distraites par la conversation.
-Dis donc, Matthieu, qui est le père de Nolan ?, me dit-elle à voix basse en me scrutant du regard.
-Euh, et bien...
-C'est toi, n'est ce pas ? me coupa-t-elle.
-Comment le sais-tu ?
-Cet enfant a tes yeux et ton sourire... La ressemblance est flagrante.
C'était vrai, il me ressemblait beaucoup et je me rendais compte que je n'avais pas parlé de lui à ma mère, du moins, je ne lui avais pas mentionné les détails de sa conception.
-C'est vrai, j'adore ce gamin, il partage mon ADN mais il n'est pas mon fils, du coup, il n'est pas ton petit fils, ne te fait pas de film... C'est l'enfant de Déborah et de Laëtitia, lui expliquai-je tout bas.
Ma mère connaissait Déborah et ses penchants et cela ne la dérangeait pas, elle avait dû comprendre également que j'avais eu une histoire avec elle, - les mères sentent ce genre de choses - mais elle ne chercha pas à connaître les détails de la venue au monde de Nolan. Je ne revins pas sur le sujet avec elle, j'étais un peu dur avec ma mère, j'en étais bien conscient mais j'en avais déjà assez débattu avec tout le monde et j'en avais assez de me justifier.

Le repas fut délicieux, Lola avait voulu préparer la spécialité de sa mère, une paëlla qui était tout bonnement fabuleuse. Elle fut félicitée par tous les convives qui se servirent tous au moins deux fois.
Je la trouvais particulièrement belle ce soir, pourtant elle avait choisi une tenue simple, son maquillage restait discret et ses cheveux relevés dans un chignon lâche mettaient en valeur l'ovale de son visage. Rien d'extraordinaire, néanmoins, elle rayonnait. Certes sa petite robe noire était sexy mais elle l'avait déjà portée, sans me donner cette impression là.
Séduit par sa grâce naturelle, je l'embrassai tendrement.
-C'était vraiment délicieux ma puce, tout était parfait, tu vois qu'il ne fallait pas stresser...
-Oui, parfait... fit-elle avec un petit sourire énigmatique.
Puis ce fut le moment du traditionnel gâteau et des cadeaux.
Ma mère avait rapporté un gâteau basque à la cerise noire, mon dessert préféré, venant de ma boulangerie favorite. J'étais gâté.
Après avoir soufflé les bougies et fait un vœu qui devait rester secret, tradition oblige, j'eus droit à deux magnifiques cadeaux : un nouveau blouson de moto en cuir noir, le mien commençant à montrer des signes évidents d'usures et un smartphone dernier cri.
Le reste de la soirée fut tranquille, Déborah et Laëtitia repartirent assez tôt emmenant Nolan qui s'était endormi sur le canapé. Ma mère profita de Léo qu'elle voyait assez peu puis prit congés elle aussi, elle dormait chez des amis et ne voulait pas les déranger en rentrant trop tard.
On finit par faire un poker entre gars alors que les filles parlaient entre elles. Nous avions convenu que j'aurais droit à une fête un peu plus « rock » le weekend suivant. Fred et Tristan m'ayant préparé une surprise entre gars... approuvée par ma chérie.
Vers 2h du matin, les deux autres couples nous abandonnèrent et rentrèrent. Profitant de n'être que tous les deux à nouveau, j'enlaçai tendrement Lola, son dos contre mon torse, mes mains posées sur son ventre, mon visage dans ses cheveux.
-J'ai un autre cadeau pour toi, annonça-t-elle.
-Ah oui ? répondis-je avec un petit sourire en coin.
Je commençai à pétrir sa poitrine et à embrasser son cou, voulant déguster mon présent, mais elle m'arrêta en se soustrayant de mon étreinte.
-Ben, je le veux maintenant, alors approche ! râlai-je.
- Nooon, ce n'est pas moi le cadeau... Tiens, espèce d'obsédé ! dit-elle en me donnant un petit paquet rectangulaire.
Surpris, je la regardais pour tenter de deviner de quoi il s'agissait.
-Ouvre ! fit-elle visiblement excitée et impatiente.
Docilement, j'obéis et enlevai le ruban puis ouvris la boîte en carton décorée. J'écartais le papier de soie et me figeai un instant en apercevant son contenu. Je regardai Lola intensément. Elle me souriait. Je comprenais mieux son air radieux, ce je-ne-sais-quoi de tout à l'heure.
Je pris la tige plastifiée et observai les deux traits bleus qui ressortaient sur la fenêtre de lecture.
-C'est positif ? Tu es enceinte ? demandais-je incrédule.
Elle hocha la tête, ses lèvres dessinant un large sourire.
-Un bébé... murmurai-je, le sourire aux lèvres moi aussi.
-Mais ça ne fait qu'un mois que tu as arrêté la pilule, c'est rapide ! ajoutai-je.
-Trop rapide ? s'inquiéta-t-elle.
Pour toute réponse, je pris possession de sa bouche, tendrement d'abord puis plus fougueusement ensuite.
-Je t'aime, murmurai-je.
Oui décidément, cette soirée était parfaite.

Fin

Les yeux de Lola Où les histoires vivent. Découvrez maintenant