Le mercredi matin, l'enterrement était prévu à 10h. Il faisait beau et assez chaud en cette matinée de juin, contrastant avec le cliché des obsèques grises et pluvieuses.
Le village possédait une belle petite église romane. C'était là que ses parents s'étaient mariés 32 ans plus tôt, là aussi que Lola avait été baptisée. Aujourd'hui, cette même église qui avait été le témoin des moments forts de leurs vies leur rendait hommage.
L'endroit était bondé, une foule impressionnante attendait Lola pour prendre place sur les bancs qui ne parviendraient pas à accueillir tout le monde. Je supposais qu'il devait s'agir des ex-collègues, des voisins, des amis... Vu le nombre de personnes qui avaient fait le déplacement, ses parents semblaient très appréciés. Je reconnus bien évidemment l'oncle et la tante de Lola accompagnés par deux jeunes femmes qui devaient être ses cousines. Elles enlacèrent Lola dès qu'elles l'aperçurent, sanglotant, disant à quel point la vie était injuste. Je me tenais en retrait, ne connaissant personne.
Lola luttait pour ne pas pleurer, pour ne pas s'effondrer. Elle passait de bras en bras, faisait la bise, serrait des mains. Elle m'avait confié qu'elle souhaitait rester forte pour rendre hommage à ses parents. Mais je pressentais que ce serait trop dur et qu'elle ne pourrait tenir cette résolution, comment le pourrait-elle avec le flot d'émotion qui allait emplir ce lieu de recueillement?
Dans l'église je m'assis derrière elle, laissant sa famille et ses proches à ses côtés au premier rang. L'ambiance était pesante, le chagrin presque palpable. Des couronnes de fleurs recouvraient pratiquement tout l'autel autour et sur les deux cercueils. La cérémonie fut très émouvante. Plusieurs personnes avaient tenu à témoigner pour saluer la gentillesse, la générosité, le courage dont les défunts avaient fait preuve tout au long de leurs vies. Par moment, je voyais les épaules de Lola secouées de sanglots, j'approchais ma main de sa taille et elle la saisit, elle ne me lâcha plus jusqu'à la fin des funérailles.
En dépit du fait que je ne les connaissais pas, une boule caractéristique commençait à me serrer la gorge. Je refoulais les larmes qui menaçaient de perler. Cette cérémonie, cette tristesse faisant ressurgir mes propres émotions face à la disparition de mon père. De ma vie d'adulte je n'avais pleuré qu'à cette occasion et il était hors de question de réitérer aujourd'hui.
La cérémonie se termina par la mise en terre dans le cimetière attenant à l'église. Les lunettes de soleil cachaient les yeux rougis et gonflés des personnes de l'assemblée. Après avoir déposé une rose sur chacun des cercueils, Lola semblait à deux doigts de s'effondrer, je m'approchais d'elle et elle enfouit son visage contre mon torse, les torrents d'eau se déversèrent.
Après cette épreuve, la tradition voulait que les personnes qui le désiraient partagent un vin d'honneur. Naturellement, il se déroulait dans la maison qui appartenait dorénavant à Lola. Elle s'était assise dans le fauteuil, qui je l'appris plus tard, était celui de son père. Elle semblait à bout de force. J'aidais à préparer le café, à servir des biscuits salés ou sucrés, ou du vin à ceux qui le souhaitaient. J'essayais de me rendre utile. Les cousines de Lola faisaient elles aussi le service, nous ne nous étions pas concertés, cela s'était fait naturellement.
Sa tante me prit à part et me questionna :
-Vous êtes plus qu'un ami pour ma nièce, je me trompe ?
Je retrouvais cette façon de parler directe, sans fioriture, qui m'avait interpellé au début chez Lola.
-Je...euh... nous sommes proches, en effet, bafouillai-je.
-Quoi qu'il en soit, je suis soulagée de savoir qu'elle a quelqu'un pour l'aider à traverser cette tragédie. Vous avez l'air d'un homme bien et elle aura besoin de vous.
Je répondis par un sourire alors qu'elle s'éloignait pour bavarder avec des connaissances.
Un homme bien... Il était rare que l'on me qualifie ainsi à propos de mes relations avec les femmes. Mais pour Lola, je voulais devenir cet homme et mériter cet adjectif.
Au bout d'un moment, les personnes commençaient à partir, saluant Lola, lui glissant des mots censés la réconforter. Sa tante et ses cousines nous aidèrent à ranger la maison puis prirent congès elles aussi, nous restâmes seuls.Nous avions décidé de repartir dans l'après midi. Elle avait l'air plutôt pressé de quitter cette maison qui serait sans doute rattachée pour toujours au souvenir de cette journée. Je conduisais, Lola avait besoin de digérer toutes ces émotions, surtout cette tristesse. Pour égayer l'ambiance, je mis de la musique. Elle ne put résister longtemps à l'envie de chanter et cela lui redonna le sourire. J'aimais l'entendre chanter, sans avoir une voix cristalline, elle chantait juste et c'était plaisant de la voir à nouveau elle-même, gaie et enjouée.
Nous approchions de la rocade bordelaise lorsqu'elle me demanda :
-Je peux dormir chez toi ce soir ?
-Juste dormir ? rétorquai-je.
Elle éclata de rire.
-Bien sûr, ajoutai-je plus sérieusement.
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Les yeux de Lola
RomanceMatt est un célibataire qui profite de la vie. Il passe d'une femme à l'autre sans s'investir dans une relation. Son quotidien va être bouleversé par une rencontre... Attention, scènes explicites.