9/ Changement de cap

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J'avais repris ma vie.
Mais j'avais changé aussi.
J'appelais Célia de plus en plus souvent. On se voyait plusieurs fois par semaine, et pas seulement pour baiser. On parlait aussi. Mis à part avec Déborah, Il me semblait que je n'avais jamais autant parlé avec une femme. Je me rendais compte qu'en plus d'être belle et très sexy, elle était aussi drôle et intelligente.
J'avais besoin de me sortir Lola de la tête et j'essayais de le faire avec Célia.
J'appris qu'elle avait eu une enfance difficile. Elevée par une mère célibataire, n'ayant jamais connue son père, la vie n'avait pas toujours été agréable. Mais à force de volonté, elle avait fait des études qui lui avaient permis de décrocher un bon travail dans les ressources humaines.
Elle avait connu des échecs amoureux et avait perdu foi en l'amour. Elle avait en fait un peu la même vision des choses que moi, puisqu'elle n'avait pas l'amour, autant s'amuser en attendant.
Le soir où je l'avais abordée dans ce bar, elle était en fait partie en chasse. La plupart du temps, elle m'avait confié qu'elle n'était pas satisfaite de ses rencontres de bar mais ce soir-là, elle n'avait pas regretté. C'est pourquoi elle avait voulu me revoir.
A 30 ans, elle avait envie de plus de tendresse, voire de trouver quelqu'un avec qui faire un bout de chemin. Mais assumer le rôle de la femme sexuellement entreprenante, avec un caractère fort, faisait souvent fuir les hommes qu'elle rencontrait et elle ne voulait plus faire semblant d'être une biche effarouchée, alors elle se contentait d'aventures sans lendemain ou, comme avec moi, d'une relation sans engagement.
Elle avait bien sûr tenté les sites de rencontre, mais elle avait été encore plus déçue. Souvent, les personnes enjolivaient leur profil pour optimiser les chances de rencontres. Elle s'était retrouvée avec des gars bien plus âgés que leur profil ne l'indiquait, et leurs photos étaient souvent plus flatteuses que la réalité. Elle avait aussi découvert que beaucoup des hommes étaient en fait mariés et cherchaient à s'encanailler.
J'aimais bien voir Célia, le sexe avec elle était vraiment délirant. Seulement voilà, Célia avait beau être parfaite sur le papier, je ne ressentais pas d'amour pour elle. De l'affection, de la tendresse, du désir mais pas d'amour.
Je continuais aussi de voir Lola régulièrement. Parfois avec la bande, parfois, rien que tous les deux. Son amitié était précieuse à mes yeux. Je ne lui avais rien avoué de mes sentiments. Aux autres non plus d'ailleurs. Je crois qu'ils s'en doutaient un peu mais ils avaient eu la courtoisie de ne rien dire. Après tout, cela ne les regardait pas.
J'aimais les moments que je passais avec elle. On était retourné patiner, voir des concerts de rock. On passait aussi des soirées ensemble surtout quand elle ne voulait pas rester seule chez elle. On parlait des heures entières de musique, cherchant à comprendre ce qui nous plaisait dans tel ou tel titre, essayant de décortiquer ce qui permettait de classer le style des morceaux. Elle aimait la rythmique et les chœurs si typiques du punk, je préférais l'agressivité et la virtuosité des guitares métal. On se faisait écouter nos groupes préférés et nos morceaux favoris. J'aimais la voir s'enflammer et se libérer aux sons de ces airs qu'elle appréciait, j'aimais voir ses yeux pétiller quand elle me traduisait les paroles de ces chansons favorites. Il s'agissait le plus souvent de textes inspirés et engagés qui méritaient d'être compris, parlant d'amour déçus, des conséquences des guerres ou bien de trahisons. Le punk et le métal ne se résument pas à des abrutis hurlants et gesticulants sur des airs simplistes. Les groupes qu'elle me faisait découvrir étaient vraiment composés de très bons musiciens.
Elle m'avait confié qu'elle avait appris plus jeune à jouer de la guitare mais que son manque de patience et de rigueur l'avait fait arrêter, préférant écouter plutôt que jouer.
Nous regardions aussi des films, ou des séries. Nous aimions tous les deux le même type de films, action, science fiction, fantastique. Nous commentions ensuite notre ressenti, ce que nous avions aimé, ce que nous aurions changé, refaisant parfois le scénario. Il nous arrivait même de nous disputer, n'étant pas d'accord, mais respectant néanmoins le point de vue de l'autre.
Un soir, alors que l'on se chamaillait à propos de Star Wars III, je m'étais retrouvé sans préméditation à califourchon sur elle, lui tenant les poignets au dessus de sa tête d'une main et lui faisant des chatouilles de l'autre. Je lui exposais mes arguments, lui expliquant l'incohérence du scénario tout en m'acharnant sur son ventre et ses flancs pour la faire capituler. Elle riait aux éclats se tordant dans tous les sens pour échapper à mon emprise mais après sa crise de rire, une tension palpable avait alourdi l'ambiance.
Nos yeux s'étaient fixés et l'espace d'un instant, le temps avait semblé comme suspendu. J'avais hésité à l'embrasser à peine une seconde, mais alors que j'allais me décider, elle m'avait demandé les joues rosies et le souffle court de la lâcher. Je m'étais exécuté à regret, elle avait conscience de mon attirance pour elle, car même si je faisais tout pour me contrôler et jouer le gars blasé, j'étais aussi transparent que du verre, mais elle refusait de céder. Pourtant, il me semblait qu'elle aussi avait été troublée à ce moment là.
Malgré tout, pour rien au monde, je n'aurais arrêté de la voir. Elle était mon soleil, ma lune, mon ciel étoilé (*), quand j'étais avec elle, tout me paraissait plus beau, plus lumineux.
J'avais même rencontré le gars de la boîte, avec qui elle continuait de sortir, le fameux Franck. C'était un homme bien, respectable, un homme qui avait les mêmes envies qu'elle. Se marier, avoir des enfants. En plus, il était docteur, bel homme, gentil, responsable..... Un très bon parti.
Lola semblait heureuse à ses côtés, elle souriait. Lui, il la bouffait des yeux. Ce gars-là, c'était Mister Perfect ! A côté de lui, je me sentais minable. Il représentait tout ce que je ne pouvais pas lui offrir, la fidélité, la stabilité, l'engagement et qu'elle recherchait désespérément.
Ce que je voulais surtout c'était qu'elle soit heureuse, aimée à sa juste valeur. Je savais bien qu'avec moi, elle souffrirait. Tôt ou tard, je ferais une connerie qui viendrait tout gâcher. Je ne pensais pas pouvoir me contenter d'une seule femme et elle n'accepterait pas de me partager. Je me connaissais, combien de temps pourrais-je tenir sans désirer une autre femme, fantasmer sur d'autres courbes que les siennes et tout foutre en l'air ?
Au moins avec Franck, elle avait une chance d'être vraiment heureuse et c'était le plus important. Du moins, j'essayais de m'en persuader.
Ma vie était un brin compliquée en ce moment. J'étais amoureux d'une femme et je sortais avec une autre. Parfois, j'aurais aimé ne jamais l'avoir rencontré, ne jamais connaitre l'amour. Tout était tellement plus simple avant l'ouragan Lola !
Je continuais aussi à rencontrer d'autres femmes qui m'offraient une soirée. Après tout, je n'avais promis fidélité à personne. Mais ce n'était pas pareil, je prenais moins de plaisir et cherchait moins à en donner.
Et pour couronner le tout, je venais d'apprendre que j'allais avoir un bébé.

(*) Référence au film Willow.

Les yeux de Lola Où les histoires vivent. Découvrez maintenant