14/ Réveil

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La nuit avait été agitée. Elle avait beaucoup bougé dans son sommeil, elle avait pleuré aussi.
Je m'étais réveillé tôt, le soleil venait de se lever. Je n'avais pas beaucoup dormi non plus, restant attentif à ses réactions. Lola semblait détendue à présent, sereine, allongée sur le dos, le visage tourné vers moi. Je l'observais dans son sommeil, la douceur de ces traits, les formes de son corps. Je voulus effleurer son front pour dégager une mèche de cheveux mais au dernier moment, je m'abstins. Je ne voulais pas la réveiller. Je décidais de lui laisser ce répit. Je savais que le réveil serait difficile.
Je me rappelais, à la mort de mon père, avoir espérer que tout cela n'avait été qu'un cauchemar. Au matin, prenant conscience de la dure réalité, le chagrin m'avait de nouveau submergé. Et Lola n'avait pas perdu son père mais ses deux parents. Je n'osais imaginer sa souffrance.
A peine elle ouvrit les yeux qu'elle se remit à pleurer. Comme la veille, elle se réfugia dans mes bras. Remarquant que j'avais toujours ma chemise et mon jean, elle demanda :
-T'as dormi tout habillé ?
-Toi aussi, répondis-je.
-Tu veux que je te prépare quelque chose à manger ? enchainai-je.
Elle secoua la tête.
-Tu veux prendre une douche ? Ca te fera du bien... tentai-je.
Elle secoua encore la tête.
-Tu veux rester comme ça contre moi ?
Elle acquiesça.
-Ca t'embête ? dit-elle, son regard encore embué.
-Non.
-Merci d'être resté, ajouta-t-elle après un long silence.
-C'est normal, je n'allais pas te laisser seule dans un moment pareil... Ton téléphone a vibré ce matin, tu dois avoir un message.
-Je verrai plus tard... je veux parler à personne.
Son regard d'habitude si joyeux, si lumineux était ce matin empli d'une telle tristesse que cela me déchirait l'âme. Je l'embrassai tendrement sur le front et caressai son visage.
Sa main se faufila entre deux boutons de ma chemise, trouvant la peau de mon torse. Elle me caressait doucement, jouait avec ma pilosité. Avec son autre main, elle fit sauter un bouton, puis deux. Je réagis :
-Qu'est ce que tu fais ?
-Je veux sentir ta peau.
Je fermai les yeux et respirai profondément.
-Lola, ce n'est pas une bonne idée... soupirai-je.
-Pourquoi ?
-Parce que tu es bouleversée, parce que tu es vulnérable, parce que je ne veux pas profiter de toi, argumentai-je.
Elle me regardait de ses yeux si tristes, si implorants.
-Tu n'as pas envie de moi ? Tu ne veux pas me faire du bien ?
-La question n'est pas là, bien sûr que j'ai envie de toi. Mais pas là, pas comme ça. Ce n'est pas le bon moment, dis-je en me levant avant de changer d'avis.
-Je vais faire du café, annonçai-je.
Je me levai rapidement et me dirigeai vers sa cuisine. Je m'activais, cherchant les filtres, la mouture. Il fallait que j'occupe mes mains et mon esprit. Dire non à Lola avait été difficile, sentir ses mains sur ma peau m'avait électrifié et mon sexe déjà en forme par le réveil s'était tendu davantage. Mais j'étais convaincu d'avoir pris la bonne décision. C'était son chagrin qui avait parlé, pas elle, et je ne voulais surtout pas lui faire l'amour dans ces conditions. Je ne voulais surtout pas qu'elle regrette et m'accuse d'avoir profité de sa faiblesse.
Cela dit, je n'étais pas sûr de pouvoir refuser encore si elle insistait. La petite voix dans ma tête qui me poussait à bien me comporter, à la respecter, à être fort pour nous deux, était prête à se faire écraser par une autre, bien plus bestiale, sauvage, primitive. Cette dernière me dictait de l'embrasser, de la prendre, de la faire jouir encore et encore jusqu'à ce qu'elle oublie tout. Si la raison avait gagné cette bataille, l'issu d'un autre combat était plus qu'incertain.
Lola s'était levée, j'entendais l'eau de la douche couler.
Ne pas fantasmer sur son corps nu, ne pas fantasmer sur son corps nu...
Je m'étais servi un café quand elle reparut habillée simplement d'un jean et d'un tee shirt. La douche semblait lui avoir fait du bien, elle avait les traits un peu moins fatigués. Je lui proposais une tasse qu'elle accepta. Nous étions debout côte à côte, appuyés sur le plan de travail.
-Qu'est ce que tu vas faire aujourd'hui ? hasardai-je.
- Je ne sais pas. Il va falloir que je m'occupe des formalités... prévoir les cercueils, l'enterrement...
Sa voix se brisa et des larmes inondèrent encore ses yeux, elle les chassa du revers de la main.
-Tu verras tout ça lundi. Si tu veux, je reste avec toi aujourd'hui, proposai-je.
-Je ne veux pas abuser, c'est déjà très gentil d'être resté cette nuit. Et puis, Franck doit avoir fini sa garde. Il pourra venir.
Franck, merde... Je l'avais oublié celui là !
-Ecoute, Matt, pour tout à l'heure, je suis désolée, t'as raison, je n'aurais pas dû, s'excusa-t-elle.
Elle semblait froide, tendue, presqu'en colère. L'avais-je blessée ?
Moi qui voulais bien me conduire...
Je n'avais pas l'habitude de me comporter en gentleman, j'avais été maladroit sans doute. Je me plaçai devant elle et posai une main sur son bras.
-Lola, ne sois pas fâchée...
Elle se dégagea d'un geste brusque et me repoussa.
-Je suis pas fâchée, pourquoi je serais fâchée ? C'est vrai quoi, je me jette dans tes bras, t'offre de baiser avec moi, mais non... Tu les baises toutes mais moi, non ! Vraiment, je vois pas pourquoi je serais fâchée !
Elle avait ponctué chacune de ses phrases par un coup sur mon torse, me faisant reculer.
Je l'attrapai par la taille, l'attirai à moi et l'embrassai fougueusement, collant son corps au mien, emprisonnant ses lèvres de ma bouche. Je n'avais pas réfléchi à ce que je faisais, cherchant simplement à la faire taire.
Surprise, elle se dégagea et recula :
-Je croyais que tu ne voulais pas, cria-t-elle.
Je me rapprochai d'elle doucement, lui saisit délicatement le visage entre mes mains, elle ne luttait pas. Nos corps se touchaient à présent, nos regards ne se lâchaient plus.
-J'en meurs d'envie depuis des mois mais je ne veux pas profiter de ta vulnérabilité, déclarai-je.
Mes yeux fixaient tantôt son regard, tantôt sa bouche. Elle ne bougeait pas. L'air autour de nous devenait électrique. Ma respiration s'était accélérée sous les émotions contradictoires. Je la voulais, plus que tout à cet instant.
Je ne pus résister plus longtemps et l'embrassai tendrement, dégustant ses lèvres, caressant ses cheveux. Elle ne me repoussait pas, acceptait mon baiser. Elle invita sa langue dans ma bouche, qui fut accueillie par la mienne. Elles se goutèrent, se mélangèrent. Ce baiser sensuel, tendre, intense me retourna. La douceur de ses lèvres m'enhardissait, je voulais les lécher, les goûter encore et encore. Ses mains se promenaient sur mon torse, mes épaules. Mon cœur battait comme un fou dans ma poitrine, l'intensité de ce moment me faisait planer...
Mon sexe qui s'était calmé, se remit instantanément au garde à vous.  Je la désirais tellement. Ma gentille petite voix dans ma tête luttait pour ne pas être réduite au silence par mon envie impérieuse. Je faisais appel à tout mon contrôle pour ne pas la prendre, là, tout de suite, sur la table de la cuisine.
Alors que mes mains commençaient à parcourir son corps, descendant toujours plus bas le long de son dos, sur ses fesses, elle s'écarta doucement, mettant fin à ce baiser incroyablement sensuel. J'étais à bout de souffle, submergé par l'intensité de cette étreinte, visiblement elle aussi. Ses yeux étaient encore fermés. Elle souriait maintenant, et ouvrant les yeux, elle ajouta :
-T'as raison, mieux vaut ne rien précipiter...
Et comme si de rien n'était, elle alla s'assoir pour finir sa tasse de café. Elle regarda mon entrejambe, y vit la bosse que mon jean ne parvenait pas à cacher et son sourire s'élargit.
Je restais planté là comme un idiot, les bras ballants.
J'étais frustré, abasourdi par les récents évènements, néanmoins je pris ce moment comme une victoire, au moins elle souriait.

Les yeux de Lola Où les histoires vivent. Découvrez maintenant