22/ L'aveu

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La routine reprit son cours, nous avions repris le travail. Lola passait par des phases de tristesse intense et j'essayais de lui remonter le moral mais dans l'ensemble je la trouvais incroyablement forte. Elle m'impressionnait.
On ne pouvait s'empêcher de textoter régulièrement, s'envoyant un clin d'œil, un baiser, une phrase coquine... Je redevenais un ado transi d'amour même si je n'avais pas connu ce sentiment à cette époque là. Elle me manquait terriblement durant la journée, il m'était difficile de me concentrer sur mon travail, mais le soir on essayait de se retrouver. On dormait souvent ensemble, le plus souvent chez moi, ne trouvant le sommeil qu'après avoir comblé nos corps de plaisir. Nous avions baptisé toutes les pièces de mon appartement : La cuisine et sa table, la douche dans la salle de bain, le canapé au salon, le lit dans ma chambre bien sûr mais aussi le mur du couloir et le fauteuil dans le bureau.
J'avais tout le temps envie d'elle, elle m'obsédait. Visiblement, l'envie était réciproque car elle m'aguichait assez souvent. Parfois, il suffisait de quelques mots pour faire grimper mon excitation. Comme cette fois alors que nous étions au cinéma, elle s'était penchée vers moi et avait murmuré à mon oreille « je mouille ». Le film policier pourtant palpitant diffusé sur l'écran géant perdit alors tout son intérêt et mon sexe s'était aussitôt gonflé d'envie.
Elle avait déboutonné mon jean, l'avait descendu en même temps que mon sous-vêtement, avait remonté sa jupe, enlevé son string et s'était assise directement sur moi, son dos contre mon ventre, sans plus de préliminaire. Elle n'avait pas menti, elle dégoulinait littéralement, me permettant de coulisser aisément en elle. La salle était assez vide mais nous n'étions pas seuls. Mes mains avaient parcouru son corps, ses seins, son ventre, ses hanches sous son petit haut. L'idée de pouvoir nous faire surprendre nous avait beaucoup excité et j'avais dû la bâillonner de ma main pour l'empêcher d'hurler sa jouissance. Heureusement que le volume sonore dans les salles de cinéma est toujours très fort et le bruit d'une explosion avait couvert son cri, n'éveillant pas les soupçons des quelques personnes présentes.
Mais ce n'était pas que sexuel, j'adorais aussi parler avec elle, m'endormir contre elle. J'aimais son sourire, l'entendre rire mais ce que je préférais par-dessus tout, c'était ses yeux, ses magnifiques grands yeux verts qui faisaient chavirer mon cœur.
Pourtant, je n'arrivais toujours pas à le lui dire, je lui montrai mon amour par des gestes tendres au quotidien, mais les mots ne sortaient pas. Un soir, alors que nous venions de faire l'amour et que je m'endormais, Lola contre moi, j'avais entendu « je t'aime ». Elle l'avait chuchoté dans un souffle avant de sombrer dans les bras de Morphée. Je ne suis pas sûr qu'elle voulait que j'entende sa déclaration, elle devait penser que je dormais et j'avais été trop surpris pour réagir. Ces mots m'avaient rassuré et en même temps effrayé, sans que je comprenne pourquoi.
Nous avions beaucoup de choses en commun, la musique, le cinéma et j'avais eu envie de lui faire découvrir les sensations fortes. Lors d'une soirée, je lui avais raconté que, plusieurs fois par an, je sautais en parachute, elle avait semblé intéressée. Je lui avais donc fait la surprise de lui offrir pour son anniversaire un saut en tandem.
L'expérience fut incroyable, nous avions décollé de Lacanau et survolé pendant 20 minutes la région du Médoc, le bassin d'Arcachon et l'océan. A 3000m d'altitude, nous avions sauté, Lola en tandem avec un moniteur professionnel, moi, en solo ayant suivi la formation théorique et étant titulaire de mon brevet. Nous avions effectué une chute libre d'environ 40 secondes à 200 km/h. La sensation de chute était fabuleuse, incroyablement grisante. Le shoot d'adrénaline nous avait rendus euphorique. Lola avait crié de peur mêlée de surprise au début, mais de joie brute ensuite. S'élancer d'un avion en parfait état de marche n'est pas naturel. Cela demande du courage, voire même un peu de folie, mais une fois dans les airs, c'est purement magique.
Puis à 1500m, nous avions déployé la voile et nous avions pu admirer le paysage qui s'étendait sous nos pieds. J'avais demandé au moniteur de faire des vrilles pour secouer Lola et lui donner encore plus de sensations fortes, elle criait et riait en même temps.  Nous avions fini par atterrir en douceur sur la plage.
Lola avait adoré cette expérience, son sourire à l'atterrissage était resplendissant et ses yeux pétillaient de bonheur. J'avais adoré partager ce moment avec elle.

On ne vivait pas ensemble, c'était trop tôt, je ne me sentais pas prêt. Il me semblait que l'on devait prendre notre temps, pour ne pas tout gâcher. Même si Lola avait amené des affaires de rechanges et le nécessaire de toilette et que finalement dans les faits, elle passait plus de temps chez moi que chez elle, psychologiquement, cela faisait une différence.
Mais comme le disait si bien Tristan, « tu seras le dernier au courant quand ça arrivera ».
Je l'avais même présentée officiellement à ma mère alors qu'elle passait nous rendre visite Tristan et moi. Lola semblait nerveuse, rien n'avait été prémédité mais puisqu'elle était là, autant en profiter.
-Tu crois qu'elle va m'apprécier ? Tu lui as présenté beaucoup de copines ? Oh et puis cette robe, ça ne va pas du tout !
-Calme-toi, oui elle va t'adorer, non, tu es la première, la seule que je lui ai jamais présentée et cette robe est très bien, tu es superbe, la rassurai-je.
Lola s'était arrêtée de marcher d'un coup et m'avait regardé avec étonnement.
-Tu n'as jamais présenté de femme à ta mère ?
-Ben, non... J'ai toujours dit que celle que j'amènerais à la maison serait la bonne...
Touchée par cette déclaration, elle m'embrassa tendrement et se calma, instantanément rassurée par mes propos.
Pour une fois que j'avais trouvé les bons mots...
Et effectivement, tout se passa très bien, ma mère était absolument ravie d'enfin rencontrer Lola qu'elle trouva fabuleuse. Tristan lui avait déjà beaucoup parlé d'elle et il lui avait précisé que pour une fois, j'avais l'air plus posé et plus serein. Lola m'avait apaisé, elle m'apportait un équilibre que j'avais recherché sans le savoir toute ma vie.
Ma mère ne pouvait que confirmer les impressions de mon frère et se réjouir de voir son fils heureux, tout simplement.

Une seule ombre venait obscurcir le tableau : il devenait urgent que je lui parle du bébé. Elle ne connaissait pas Déborah mais je ne souhaitais pas lui cacher cela. Je croyais fermement en l'honnêteté et quoi qu'il en coûte, elle devait savoir d'où venait ce bébé qu'elle serait amenée à côtoyer. Mais plus j'attendais, plus ça devenait difficile.
Alors après avoir tourné cette conversation dans ma tête des dizaines de fois, je me lançai très nerveusement un soir, à la fin du dîner, ayant conscience que cette révélation pouvait tout gâcher.
-Qu'est ce que tu penses des couples homo ?
-Pas grand-chose...je veux dire... ce qui compte c'est de trouver une personne à aimer, homme ou femme, peu importe, non?
-Et des couples homo qui ont des enfants ?
Elle prit quelques secondes pour formuler sa pensée. Elle enfourna son dernier bout de fromage, le mâcha et repondit.
-Je comprends qu'ils veuillent avoir des enfants aussi, c'est légitime, je veux dire, nous sommes tous des mammifères au fond... mais je me questionne sur l'équilibre des enfants qui ont deux papas ou deux mamans.... Mais où veux-tu en venir ?
Ne répondant pas à sa question, je continuais choisissant soigneusement mes mots :
-Que penserais-tu de quelqu'un qui aiderait un tel couple à avoir un bébé ?
Elle ne dit rien, ses yeux scrutaient les miens. Elle devait commencer à se douter que j'avais un aveu à lui faire et que ce n'était pas une conversation banale.
Ah, la fameuse intuition féminine...
Elle croisa les bras sur sa poitrine et posa son dos contre le dossier de sa chaise.
-Je t'écoute, dit-elle froidement.
Le noeud dans mon ventre se resserra. Allez, Matt, du courage...
-Disons qu'il se pourrait que j'aie aidé deux amies à concevoir un enfant, risquai-je.
-J'imagine que ça veut dire que tu leur as donné ton sperme.
-Oui.
-Eprouvette ou à l'ancienne ? continua-t-elle trop calmement.
-A l'ancienne, admis-je, mais c'était avant que l'on soit ensemble.
Après un temps qui me parut atrocement long, elle résuma la situation alors que ses joues s'empourpraient :
-Si j'ai bien compris tu m'annonces que tu vas être père !
-Non ! Elles vont avoir un enfant. Je ne serais pas son père, juste son géniteur, tentai-je de clarifier.
-Tu joues sur les mots !
Elle soupira, encaissant la nouvelle, tentant de garder son calme. De mon côté, je sentais la situation qui dérapait et échappait à mon contrôle.
-Tu le sais depuis longtemps ?
-Elle est enceinte de 6 mois.
-6 mois ! s'écria-t-elle. Pourquoi tu ne me l'as pas dit plus tôt ?
-Lola, soupirai-je, je ne savais pas trop comment te le dire, j'avais peur de ta réaction et puis les dernières semaines ont été assez mouvementées, tu ne crois pas ? Je ne voulais pas en rajouter...  et avant... et bien avan, ça ne te regardait pas. Même Tristan n'est pas au courant.
Elle se leva de sa chaise, le visage fermé.
-Je vais rentrer, ça vaut mieux, je crois, annonça-t-elle.
-Lola, reste, on peut en parler, s'il te plait... Je ne t'ai pas trahie, c'était avant que l'on soit ensemble...
-Je sais. Mais...laisse-moi un peu de temps, OK ?
Et rassemblant son téléphone, son sac et ses clefs, elle s'en alla... sans un baiser, sans un regard. Impuissant, je la regardais partir, que pouvais-je faire d'autre ?
Quand elle claqua la porte, le froideur d'un glacier se répandit dans ma poitrine et coula dans mes membres. J'avais un très mauvais pressentiment...

Les yeux de Lola Où les histoires vivent. Découvrez maintenant