Je l'avais laissée tranquille, pas de visite, pas d'appel, pas de message, rien. Elle ne m'avait pas recontacté non plus.
Cela faisait deux jours, deux jours que j'attendais un signe de sa part. Deux jours que je me posais des milliers de questions et que je me repassais en boucle notre dispute, la première. Je me demandais où j'avais foiré, à quel moment tout était parti en cacahouète.
J'avais pris le parti d'attendre pour lui annoncer la nouvelle. Peut être était-ce une erreur... Mais elle semblait tellement heureuse dans mes bras, tellement rassurée, apaisée en ma présence, que je n'avais pas voulu gâcher cette complicité par une dispute. Sans doute que j'avais manqué de courage, j'espérais lui montrer mes sentiments avant de lui dire, pour qu'elle comprenne que cela n'influençait nullement ce que je ressentais pour elle.
Elle avait mal réagi à cet aveu, c'est le moins que l'on puisse dire... elle s'était refermée plus vite qu'une huître! Et elle ne semblait pas pressée de se rouvrir!
Je comprenais qu'elle ne bondisse pas de joie à l'annonce de cette nouvelle mais pas qu'elle m'ignore ainsi. Après tout, je n'avais rien fait de mal !
Aussi au troisième jour de silence, las d'attendre, je fis le premier pas, je décidais de lui envoyer un texto pour tester son humeur :
« Coucou, t'es toujours fâchée ? On peut en parler?»
En attendant sa réponse, je continuais de travailler, ou plutôt j'essayais, relisant encore et encore les mêmes lignes de mon programme sans vraiment les voir.
Après une bonne demi-heure, mon téléphone vibra enfin :
« Désolée, je suis pas mal occupée en ce moment »
Je restais stupéfait. Quelle froideur ! Pas même un smiley pour amoindrir l'effet de sa phrase. Je commençai à regretter d'avoir craqué en premier. Je lui répondis :
« Moi aussi, mais ça ne m'empêche pas de penser à toi »
C'était vrai, j'enchainais les heures, restant tard le soir. Un client particulièrement exigeant nous avait pondu un cahier des charges compliqué à mettre en œuvre. Nous avions essayé plusieurs approches différentes mais il n'était jamais satisfait, rajoutant de nouvelles fonctionnalités à l'interface à chaque réunion ce qui voulait dire que nous devions sans cesse modifier le logiciel, le compliquant toujours davantage.
N'arrivant pas à me concentrer, je décidais de faire une pause café. Les employés avaient à leur disposition une petite salle ouverte avec de hautes tables rondes accompagnées de tabourets. Un distributeur à boisson proposait des rafraîchissements et des cafés plus ou moins agrémentés. A cette heure ci, j'y trouverais quelques collègues. Pour ne pas être tenté de regarder mon téléphone tout le temps, je le laissai sur mon bureau. Parler avec mes collaborateurs me fit penser à autre chose et c'est plus détendu et calme que je revenais à mon poste de travail.
A mon retour, après un bon quart d'heure, je le vérifiais. Pas de réponse.
Lola, bon sang, à quoi tu joues ?
Elle aussi devait être à son travail, mais je savais que cela ne l'empêchait pas de lire et de répondre aux textos. Le doute commença à s'insinuer dans mon esprit.
Et si elle n'arrivait pas à surmonter le fait que Déborah était enceinte de moi, qu'est ce que j'allais faire ?
Je commençais à craindre qu'elle me rejette, qu'elle ne me laisse pas une chance de lui expliquer, que tout était fini... A cette idée, un vent de panique souffla dans mon esprit.
Sauf que je n'allais pas abandonner aussi facilement. Je décidais d'aller la rejoindre chez elle ce soir, là, elle ne pourrait pas m'éviter. J'avais toujours été honnête et sincère, elle me devait la pareille.J'arrivais en bas de son appartement directement en sortant du travail et sonnai à l'interphone vers 19h. Elle devait être rentrée. J'entendis le bruit caractéristique de l'ouverture de la porte. Elle n'avait pas pris la peine de vérifier qui sonnait.
Bizarre, je ne l'avais pas prévenue de mon arrivée.
Je montai rapidement les deux étages et frappai à sa porte.
-Entre, c'est ouvert ! cria–t-elle.
Surpris, j'obéis. Quand son regard croisa le mien, elle ouvrit la bouche de surprise.
-Qu'est ce que tu fais là ?
-Je suis venu te parler... mais je dérange peut-être ? grinçai-je.
Elle avait sorti deux verres à pied et une bouteille de vin. Elle portait une robe bustier rouge, était soigneusement coiffée et maquillée. Visiblement elle attendait de la visite, s'était fait belle pour quelqu'un qui n'était pas moi.
-Je suis désolée, mais en effet, tu aurais dû prévenir.
-Lola, tu m'expliques ?
A ce moment là, l'interphone sonna. Elle actionna le bouton d'ouverture de la porte. Elle me regarda, troublée et ajouta :
-Je t'expliquerais, mais pas ce soir.
-Qui est ton invité ?
-Un vieil ami.
-Tu te fous de moi ?
Je sentais une vague de rage monter en moi. Elle n'avait pas le temps de me parler mais elle recevait « un vieil ami » ?
On frappa à la porte. Elle l'ouvrit. L'homme fit un grand sourire à Lola puis se figea en m'apercevant. Il ne s'attendait surement pas à ce que je sois là. Il était presque aussi grand que moi mais moins athlétique. Je n'étais pas sensible à son physique mais je devinais qu'il devait être apprécié des femmes avec son charme latin et son sourire aux dents blanches parfaitement alignées.
-Excuse-moi Anthony, Matt allait partir.
Je n'en croyais pas mes oreilles, elle me chassait pour passer la soirée avec ce gars.
-Matt, s'il te plait, je t'appellerai demain, dit-elle doucement.
Au lieu de me calmer, son regard suppliant et ses paroles implorantes me firent entrer dans un état de colère que j'arrivais difficilement à contenir.
-C'est vraiment ce que tu veux, passer la soirée avec lui plutôt qu'avec moi ? criai-je, ma voix trahissant mon état d'esprit.
-J'en ai besoin... répondit-elle à voix basse.
Pas possible, je dois halluciner,... oui c'est ça, je suis en plein cauchemar et je vais me réveiller...
Mais non... je restais là, abasourdi, avec Lola qui fuyait mon regard et Anthony qui ne cachait pas un petit sourire satisfait en coin. J'avais envie de lui faire bouffer son petit air conquérant. Lui péter son beau sourire de Don Juan. Cependant, excepté l'instant fugace de satisfaction, lui coller un pain n'aurait servi à rien, si Lola voulait être avec lui, je n'y pouvais rien...
-Amusez-vous bien ! lançai-je finalement en claquant la porte avant de m'enfuir.
J'avais mal, terriblement mal.
J'avais l'impression d'être trahi, elle s'était servie de moi pour être consolée, rassurée à un moment où elle se sentait vulnérable et fragile. Mais maintenant qu'elle reprenait pied, elle me larguait pour ce mec ? Je n'arrivais pas à y croire...
Comment avais-je pu me tromper à ce point là ? J'aurais juré qu'elle aussi ressentait la même chose que moi et pourtant je devais me rendre à l'évidence... Contre toute attente, je n'avais été qu'un plan cul !
Putain, j'hallucine...
Je dévalais les escaliers à toute vitesse et grimpait sur mon deux roues. Je ne savais pas où j'allais, je voulais simplement rouler, bouffer du bitume, me calmer.
Je démarrai en trombe, je roulais vite, trop vite. Les rues défilaient sous les pneus. Un feu passa à l'orange, je tournai la poignée des gaz et le grillai. La vitesse et le risque m'aidaient à me déconnecter de mes émotions. Mon cerveau devait faire attention à la route, aux autres véhicules et cela m'empêchait de penser à Lola avec ce mec.
Cela n'était pas prudent, j'en avais bien conscience, mais c'était ma façon de réagir... Quand j'allais mal, je me mettais en danger, je faisais n'importe quoi, ce qui provoquait des montées d'adrénaline qui contraient l'effet de la fureur. Ensuite, je pouvais enfin redescendre sur Terre, plus calme.
Je conduisais sans but, regardais sans les voir les langues de bitume se dérouler sous les roues. La rocade m'offrait de belles rectilignes pour pousser à fond mon engin, rageant de n'avoir pas une sportive pour pousser plus loin la folie. J'errais ainsi pendant près d'une heure.
Je roulais sans y penser jusqu'à me rendre compte que j'étais devant l'appartement de Tristan. Je frappai, espérant ne pas les déranger.
Mon frère vint m'ouvrir, Léo dans les bras.
-Salut, qu'est ce que tu fais là ?
-Lola vient de me larguer, dis-je en entrant sans même un bonsoir.
En entendant cela, Cathy vint à ma rencontre et s'immisça dans la conversation :
-Comment ça? elle t'a dit quoi exactement ?
-Elle m'a demandé de partir alors qu'un mec débarquait chez elle.
-Mais elle t'a dit que c'était fini ou c'est toi qui le suppose ? insista-t-elle.
-Elle ne l'a pas clairement dit, non ! admis-je. Mais c'est tout comme !
-Ecoute, me rassura Cathy, reste là cette nuit, fais pas de connerie. C'est peut être un vieil ami qu'elle vient de retrouver... Fais lui confiance, c'est la base, tu sais.
-Un vieil ami, c'est ce qu'elle a dit....
-Ben tu vois, tu t'énerves pour rien, allez, viens t'asseoir on va discuter... dit-elle, rassurante, en m'entrainant par le bras vers le canapé.
Je leur racontais tout, l'aveu de la grossesse de Déborah, les jours de silence radio qui avaient suivi, ma visite surprise pour qu'on s'explique, l'arrivée du gars, sa tenue, le vin, tout...
Ils ne relevèrent pas l'annonce de ma paternité imminente, bien qu'ils échangèrent un regard surpris et inquiet. Ils devaient se dire que je n'étais pas en état de supporter un sermon ou un interrogatoire sur ce sujet.
Cathy réussit à me calmer disant que si elle avait voulu rompre elle me l'aurait dit explicitement, que ce n'était pas son style. Elle ajouta qu'elle passait par une période difficile et que je devais me montrer patient, lui faire confiance, qu'une explication allait arriver mais que je ne devais pas la brusquer.
Admettons..., je n'étais pas convaincu par les propos de Cathy mais je préférais me raccrocher à cette version plus optimiste.
Néanmoins j'en voulais à Lola de me laisser seul avec mes suppositions. Mon imagination carburait et imprimait dans mon esprit des images qui me rendaient malade. Malgré le ton rassurant et les paroles apaisantes de Cathy, je ne pouvais m'empêcher de penser aux mains de ce gars sur Lola, à sa bouche qui l'embrassait, à son pieu qui la pilonnait. J'étais sûr qu'il était bien plus qu'un ami. J'allais devenir fou si elle ne s'expliquait pas bientôt.
Je rentrais chez moi en ayant fait la promesse de rester tranquille et de ne pas faire de bêtise. Sous le coup de la colère, j'aurais pu me saouler ou même me taper n'importe quelle nana un peu chaude et je l'aurai surement regretté ensuite. Ou pas... Franchement, si mes pires craintes s'avéraient exactes, à quoi bon rester sage...
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Les yeux de Lola
RomanceMatt est un célibataire qui profite de la vie. Il passe d'une femme à l'autre sans s'investir dans une relation. Son quotidien va être bouleversé par une rencontre... Attention, scènes explicites.