𝑇𝑅𝐸𝑁𝑇𝐸 𝐷𝐸𝑈𝑋

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𝒦𝑒𝓃

– Coucou γιαγιά.

Elle me prend directement dans ses bras en me caressant les cheveux. Après un long câlin qui me fait un bien fou, elle se recule et prend mon visage en un coup de vent dans ses petites mains froides et ridées.

– Oh mon trésor, tu es tout fatigué ! Vas te reposer dans le canapé, je t'apporte un petit casse-croûte.

Je me met à m'en vouloir encore une fois de montrer à quel point je suis fatigué à ma grand-mère. Mais en réalité je suis fatigué mentalement. Fatigué d'être loin d'elle.

Mia me manque terriblement. J'ai beau être dans un cadre naturel magnifique, je ne peux profiter pleinement de mon séjour ici. J'essaye de faire abstraction mais ça me ronge. Mia me manque et pourtant je suis parti loin d'elle juste à cause de mon mal-être qui empiète sur ma raison.

C'est donc avec fatigue, encore et toujours, que je m'installe dans son petit canapé. Si petit que même Mia est trop grande pour s'y coucher. Et là je me fatigue d'autant plus en repensant toujours à son visage si manquant en ce moment, et son corps si absent dans mes bras.

– Et voilà ! Des cornes de gazelles rien que pour toi. C'est ma copine Yasmine qui me les a fait pour que j'y goute mais contenu de ton état, je te les laisses.

– Merci γιαγιά.

J'enfourne un croissants de lune blanche dans ma bouche et succombe directement à cette pâtisserie marocaine. Ma γιαγιά revient quelque instant suivant avec un petit plateau disposant deux tasses et une théière dessus.

– Ça te dirait qu'on joue au carte Kenny ?

– Pourquoi pas. Mais je voulais te demander quelque chose γιαγιά...

– Oui trésor ? demande-t-elle en nous servant du thé

J'avale une dernière bouché de ce petit croissant de lune sucrée enrobé de sucre glace avant de m'exprimer avec espoir.

– Tu as encore les deux pièces que tu m'a montré une fois ? Tu sais, celle d'Égypte ?

– Bien sûr. je les ai mis de côté pour les vendre. Elles ne me servent plus à grand chose tu sais !

– Est-ce que tu peux me raconter leurs histoires à nouveau ?

Elle ne me répond pas immédiatement, une gorgée de thé fait par ses soins qui est d'abord avalé. Puis la tasse en porcelaine se repose avec tintement.

– Et bien, lors d'un voyage avec ton papy en Égypte, l'on a trouvé une monnaie antique coupée en deux. Un vendeur local a expliqué qu'il s'agit d'une pièce d'as de Nîmes. La coupure avait été faite de façon à ce que l'une des têtes représentées à l'avers reste intacte. Normalement, ces demi As de Vienne ont certainement été coupés en deux pour faire face à la pénurie de monnaies divisionnaires à l'époque où ils circulaient. L'homme du coin nous a appris que au XIXème siècle, certains numismates ont supposé qu'il s'agissait de « tessera hospitalitatis », c'est à dire de monnaies coupées en deux de façon à ce que chacune des personnes garde une moitié de la pièce comme un moyen de reconnaissance. Ainsi deux personnes qui venait de s'unir par les liens de l'hospitalité partageaient en deux parties la pièce dont chacun en gardait une. Ton papy a alors décidé de l'acheter pour m'en donner un des deux bouts.

Elle avale une quantité de thé encore fumant alors que je bois ses paroles précieuses à ma personne.

– Et à chaque fois que l'on associait nos deux morceaux en les collant l'un à l'autre, l'on ressentais comme une décharge dans la main et qui grimpait tout le long du corps pour venir se loger dans le cœur qui se mit à s'affoler. Ton papy m'a alors dit : c'est comme ça que je sais que je t'aime.

𝑑𝑒𝑟𝑛𝑖𝑒𝑟 𝑠𝑜𝑢𝑝𝑖𝑟 | nekfeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant