𝑄𝑈𝐴𝑇𝑂𝑅𝑍𝐸

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𝒦𝑒𝓃

Courir.

Toujours courir après le temps mais surtout derrière elle. Au sens propre comme au sens figuré.

Je l'a rattrape, les hautes herbes égratignant ma peau halé par le soleil du Sud, son sourire éclatant aux lèvres.

J'enveloppe son corps du mien comme un bouclier de douceur qui se répand autour d'elle. Elle, riant à gorge déployée, se laisse confondre avec moi, qui l'ai suivi depuis le début de la semaine, depuis la boîte de nuit.

Une semaine commune décidément hors du temps que ces deux romanesques que nous sommes fuyons non par peur, mais par amour. Un amour libérateur dédié à ce sentiment de liberté.

– J'aime beaucoup ce qu'on est en train de vivre là.

Je pose une main sur la sienne. On est maintenant tous les deux allongés aux milieux d'un champ d'hautes herbes.

– Je suis amoureuse.

Je lui lance un regard. Elle observe les nuages. Le vent sillonne entre les herbes, ce qui forme une douce mélodie reposante.

– De moi ?

Elle rit doucement.

– De nous.

J'ai le tournis. Elle me donne le vertige avec sa légèreté, sa douceur. Moi aussi je suis amoureux de nous.

On se relève après une petite sieste écourtée par mes ronflements, askip. Puis on s'installe dans sa gova, cette magnifique décapotable dont je suis tombé sous le charme dès le premier regard. Ma conscience me rappelle que c'est de la propriétaire dont j'ai été charmé en premier. Et pour une fois, mon envahissante conscience affirme quelque chose de sensé.

Je suis tout heureux parce que Mia me laisse être au volant de sa magnifique voiture. On dirait un gosse.

Je roule sur plusieurs kilomètres et m'arrête sur l'accotement, tout juste à côté d'un café. Je frime en faisant tourner la clé de la voiture autour de mon index, comme un hula hoop, après l'avoir verrouillé avec splendeur.

– Crâneur.

– Joueuse.

– Dragueur.

– Menteuse !

– C'est toi le menteur ! elle s'offusque

– Je suis pas un mytho ! Wesh pourquoi tu dis ça loukoum ?

– Parce que-...

Elle se coupe elle même la parole et pointe un doigt menaçant sur mon torse.

– Tu m'as appelé comment chacal ?

– Loukoum. je répète tout en souriant

– Espèce d'halva.

– J'en mange même pas. j'abdique

Elle sourit malicieusement en tapotant mon ventre.

– Menteur menteur...

– J'vais te niquer là par contre.

Elle replace ses grandes lunettes sur son nez fin, balance ses cheveux par dessus son épaule d'un geste dramatique puis m'ignore et rentre dans le café abandonné sur le bord de la route. La fraîcheur nous accueille à l'intérieur tout comme les pleurs d'un bambin.

On prend place autour d'une des dernières tables qui reste de libre. Le lieu est atypique et petit mais très confortable. On s'y sent bien.

Le seul hic : on est tout juste placé à côté du bébé qui hurle la mort. J'ai toujours eu peur des gosses. Et c'est pas celui là qui va changer quelque chose.

On commande chacun une glace auprès du serveur avant qu'il ne reparte. Mia remonte ses lunettes dans ses cheveux maintenus par celles-ci justement. J'enlève ma casquette et passe une main dans ma tignasse indisciplinée.

– J'aimerais beaucoup me balader près du littoral méditerranéen après.

– Je t'y conduirais alors.

Elle pose sa petite main sur la mienne et on se sourit. C'est fou comme je me sens léger. J'en viens même à oublier complètement ma célébrité qui a gâché pas mal de chose dernièrement. Mais je ne crache pas dans la soupe, c'est aussi grâce à ça que j'ai pu vivre des expériences inoubliables, rencontrer des gens incroyables et vécu des moments de pure folie qu'un homme lambda n'aurait pu connaître. La seule chose dont je ne suis pas redevable envers ma notoriété, c'est ma rencontre avec Mia et ce nous que l'on forme à présent. Tout ça, c'est uniquement grâce à Ken. Pas Nekfeu.

Mia zieute le bébé dans sa poussette qui s'est calmé dès lors qu'elle lui a souris.

– Tu lui fais de l'œil je crois.

Je blague mais elle reste bloquée sur le sourire angélique de notre jeune voisin de table. Sa mère ne remarque rien puisqu'elle papote au téléphone.

Même lorsque le serveur ramène nos deux coupes, elle ne réagit pas, comme si elle était soudainement devenu vide, sans âme.

– Mia ?

Je presse sa main mais elle est complètement bloquée. J'ai un moment de panique en prenant l'hypothèse qu'il lui arrive quelque chose, un avc sous mes propres yeux.

Puis soudain, le bébé se remet à pleurer, ayant eu sûrement peur de la façon dont Mia le fixait de son regard vide. Elle dévie son regard en revenant parmi nous, avec moi.

– Hé, ça va ?

Elle fixe la table sans ciller. Sérieux, je commence à flipper sa race de l'a voir si peu réactive, déconnectée. Toujours dans les vapes, elle prend une cuillère de sa crème glacée en bouche et commence à verser des larmes.

– Non, Mia...

Aussitôt, je me lève de ma chaise et m'assoie sur la banquette où elle se trouve. Je sèche ses larmes de mes pouces et embrasse ses joues. Elle encercle mon ventre de ses bras et se cache dans mon cou en reniflant.

– Chut, ça va aller d'accord ?

Elle hoche doucement la tête contre moi et ressert son étreinte.

Je n'ai absolument aucune foutue idée de ce qu'il vient de se produire à l'instant même. J'en sais vraiment rien.

Elle se détache de moi et essuie ses dernières larmes d'un revers de main. Puis elle descend ses lunettes de soleil sur son nez, celles que j'ai choisi pour elle ce matin dans un petit magasin lors de notre promenade sur la côte.

Je glisse ma coupe noisette jusqu'à moi et mange en gardant un bras autour du corps de Mia. Je sais pas trop comment réagir mais je suppose que la meilleure chose à faire est de laisser couler, comme si rien n'était arrivé. Et puis, elle m'en parlera quand elle en aura l'envie et le courage. Pas là, au milieu de tous ces gens et ce bébé que j'oublierai probablement jamais.

– Hé !

Elle me frappe l'épaule parce que j'ai volé une cuillère de sa glace. Sauf que le karma n'est jamais loin.

Je grimace de dégoût pendant qu'elle éclate de rire en se foutant de ma gueule, au sens propre du terme.

– Menthe chocolat ?! Mais c'est dégueulasse !

– C'est toi qui est dégueulasse avec ta vieille tête de babtou fragile.

S'en suit une chamade enfantine qui se termine finalement en un baiser fiévreux sur la banquette. Mais je me rappelle qu'on est en public, en présence d'enfants qui plus est. Donc je nous sépare à contre cœur.

– J'ai plus l'envie d'aller me promener. Je veux juste rentrer. elle murmure contre ma bouche

Elle dépose encore un tendre baiser. La panique me submerge et je n'empêche pas ma bouche de répéter ses mots.

– Rentrer ?

– Rentrer. Avec toi.

Elle fricote nos nez ensemble, les frictionne.

– Parce que j'ai besoin de toi.

𝑑𝑒𝑟𝑛𝑖𝑒𝑟 𝑠𝑜𝑢𝑝𝑖𝑟 | nekfeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant