𝑇𝑅𝐸𝑁𝑇𝐸 𝑆𝐸𝑃𝑇

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𝒦𝑒𝓃

Assis dans une boulangerie de l'aéroport, je croque dans mon bagel, casquette visée sur mon crâne. J'allume mon portable pour guetter l'heure. Et comme à chaque fois, je tombe sur le visage angélique de Mia. Elle est l'une des meilleures raisons pour laquelle j'ai pris ma γιαγιά dans mes bras avant de faire mes valises.

Pour une fois, elle était toute heureuse de me voir quitter la terre des dieux, et donc le village où mon grand-père est né. Comme à chaque fois je m'était assis sur la plage où il avait demandé ma γιαγιά en mariage. J'étais reste une petite demi-heure pour lui accorder mes pensées les plus respectueuses, puis j'avais repris la route en direction, l'aéroport comme itinéraire.

Je finis de siroter mon jus d'orange frais. Puis je me lève et débarrasse mon plateau. Dès que j'ai vu une pancarte petit-déjeuner frais, j'ai foncé direct, valise à la main. Kiwi, toast, jus d'orange, café au lait et bagel, en plus d'être frais, ce petit-déjeuner est tout aussi complet. Je me suis fais une joie de dévorer ce gourmand premier repas.

C'est fou mais j'ai remarqué que je fonctionne de manière inverse. Explication : la plupart des gens qui sont dans une phase triste dans leurs vie, se prive de nourriture comme si il ne voulait plus nourrir la peine qui sommeille en eux. Sauf que moi, c'est tout l'inverse ! J'arrête pas de bouffer et γιαγιά en etait d'autant plus heureuse. Elle m'a concocté je ne sais combien de plat. Elle a tenté de me refiler des tupperware de moussaka, de pita ou encore de feuilles de vignes. Sauf que avec le trajet en avion, pas sûr que ce soit une réussite...

C'est dommage. J'aurais voulu faire goûter les spécialités de mon pays à Mia. Elle qui est épicurienne, je suis sur qu'elle aurait tout autant apprécier que moi.

Ma conscience me fout des claques en me rappelant que si j'aurais tout simplement demandé à Mia de m'accompagner, elle aurait pu goûter à ces gourmandises sans même que je sois triste.

Mais quel con...

Repu, je reprend ma valise et me dirige vers les portes d'embarquement. Je m'assois sur un des siège libre après avoir déposé ma valise. Je sors un livre que Mia m'a conseillé de lire. J'ai pas pu le lire plus tôt, chaque page qui serait lu avec sa voix dans ma tête. Je ressentais et ressent toujours beaucoup trop de culpabilité envers elle.

Je ne sais pas comment elle, elle voit la chose de son côté. Mais j'ai bien peur de l'apprendre.

Pourtant je prends mon courage à demain et compose le numéro de Mia sur mon portable.
Je caresse la couverture brillante du livre et attend impatiemment d'entendre sa voix.

– ALLO ?

Je fronce des sourcils et regarde que j'appelle bien la bonne personne. C'est bien son numéro. Alors pourquoi c'est la voix de 2zer qui répond ?

– Zerzer ?

– ALLO ?

– Théo tu m'entends ?

Un sexagénaire au cheveux poivre et sel me lance une œillade lourd de sens. Mais si je veux que Théo m'entend, je suis obligé d'élever la voix. Et je veux absolument entendre le son de la voix de Mia. C'est capital.

J'entends beaucoup de bruit de l'autre côté, de la musique et des rires il me semble. Puis les bruits s'éteignent pour laisser place au son de la circulation. Sûrement que Théo est sorti pour mieux m'entendre. Dieux merci, le vieux en face de moi risque de me tuer à tout moment rien qu'avec son regard désapprobateur.

– Wesh Ken !

– Comment tu vas ?

– Super ! Liya est de plus en plus belle !

Je glousse en levant les yeux au ciel. Théo est définitivement sous le charme des yeux bleus de sa fille. Un vrai papa poule. Je sens qu'il ne va rien résister à cette petite.

– Et toi alors ? Ça va ?

Sa voix s'est faite plus prudente qu'auparavant.

– À vrai dire, c'est compliqué.

Je ne laisse pas une seconde de répit et continue sur ma lancée pour revenir au sujet de base.

– Elle est là... Mia ?

– Heu... C'est aussi compliqué ici tu sais.

Ma main se sert sur le livre, l'autre sur mon bigo. Mon cœur se compresse.

– Qu'est-ce qu'il se passe ?

Je l'entends soupirer en actionnant un briquet.

– Depuis que t'es parti, elle est pas dans son meilleur état.

Je sers ma mâchoire. La colère grimpe en moi à une allure hallucinante. Une colère tournée en ma faveur.

– Je ne sais pas trop comment elle va, elle ne parle de ça qu'avec Kamille. Et là, vois-tu, elles sont en pleines parties de Rosa o No.

– De quoi ?

– Un verre de rosée si tu as déjà. Ça sent l'entourloupe, j'ai juré.

Je ris amèrement. Mia se met dans le mal. Cette révélation ne fait qu'augmenter ma haine personnelle.

– Elles sont complètement pétées kho. Vaut mieux pas que je te l'a passe...

Peiné, je baisse mes yeux et observe la couverture du livre de Mia. Il faut que je me résigne. C'est pas pour si tôt que je vais entendre sa mélodie de voix.

« Les passagers à destination du vol Paris Charles de Gaulle 711 sont priés de se présenter porte B. »

– Je dois te laisser Théo. À ce soir.

Sur ce, je raccroche sans plus de salutations. J'éteins mon portable et enfonce le livre dans ma poche centrale de sweat. Je me lève et quitte mon rand de siège sans un regard pour le vieillard grincheux.

Il est grand temps que je fasse mon retour à CDG et Paris même.

𝑑𝑒𝑟𝑛𝑖𝑒𝑟 𝑠𝑜𝑢𝑝𝑖𝑟 | nekfeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant