𝑄𝑈𝐴𝑅𝐴𝑁𝑇𝐸 𝐻𝑈𝐼𝑇

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ℳ𝒾𝒶

– Arrête.

Il continue de grimacer en tordant les muscles de son visage sous mon rire étouffé par ma grosse écharpe. Je balance mon pied et lui envoie un petit coup dans son tibia par la même occasion. Il attrape ma main gauche et tord mon petit doigt si précieux pour réaliser de vrai promesses concrètes.

– Aïe !

Il me tire alors la langue de manière enfantine. Cette vision de lui me rend toujours un peu plus heureuse que la veille. Le métro s'arrête à notre nouvelle station commune où nous sortons pour bientôt monter précipitamment les marches deux à deux.

– Bienvenue dans le quartier Latin dans le 6ème !

– Et on viens faire quoi ici ? je demande à mon guide

– Ça, c'est une surprise mademoiselle. admet-il avec un sourire carnassier

Je cache mon nez rouge par le froid sous mon écharpe. Nous marchons dans les étroites rue parisienne sous le sifflement des lèvres de Ken. En cet instant, j'apprécie pleinement ce petit bout de bonheur dans une longue vie assez rude en ses jours. Comme si la présence de cet homme, le lieu idyllique et la bonne ambiance d'atmosphère bonne enfance qui règne, forme un tout qui permet d'apaiser les maux du cœur. Ça me met du baume au cœur.

Ses mains chaudes se posent sur mes yeux, m'offrant ainsi la cécité que je rêvais d'avoir la nuit quand il était loin de moi.

– Fais attention à ce que je ne marche pas dans une crotte de chien, sinon c'est ton visage qui finit dedans. je réprimande en posant mes paumes de mains sur ses avant-bras

Il rit légèrement et pose délicatement mais chastement ce que je devine comme ses lèvres sur ma joue. Je l'a sens se mettre à bouillir comme une petite marmite, ses lèvres laissant une marque adulé gravé au fer rouge.

– Tu fais attention à moi Ken. je chuchote à son intention, sérieuse cette fois-ci

– Pour toujours.

Sa remarque au creux de mon oreille droite me vaut un mince sourire et un énorme battement de cœur équivalent à un gong sonné. Le gong de l'inconnu. Ce gong qui retentit dans mon cœur à chaque passage d'un touché de Ken, d'une parole appréciable, d'un sourire ravageur ou même d'un regard pétillant. C'est lui, et seulement lui qui arrive à faire retentir ce gong intérieur si bien caché en moi.

Ken s'arrête dans sa marche que nous partageons depuis cinq bonnes minutes. Un poids qui se devine comme son menton se pose sur le haut de ma tête. Il retire ses mains mais la luminosité du jour m'éblouie instantanément.

– Le Bateau ivre, d'Arthur Rimbaud.

Un mur. Des mots. Un auteur. Et une main qui encercle mes doigts.

– Ce poème a jeté l'ancre non loin de l'église Saint-Sulpice. Les cent vers sont calligraphiés sur ce mur. D'abord il y a un grand mur nu un peu triste. Ensuite, à deux pas du mur, il existe une plaque à l'angle des rues Bonaparte et du Vieux-Colombier où en 1871, Arthur Rimbaud a récité son poème dans un restaurant aujourd'hui disparu. Puis ce poème mural de a été réalisé en 2010 par le peintre calligraphe hollandais Jan Willem Bruins. dit-il avec un doux accent anglais

Mes yeux caressent chaque lettres qui décorent ce mur d'un poème racontant comment un bateau rompt ses amarres. Une métaphore du poète rompant avec l'idéologie dominante et la poésie traditionnelle. Le Bateau, c'est à dire le poète, voit des choses magnifiques et horribles et s'épuise dans toutes ses aventures.

– Le poème est aussi une allégorie du cheminement de l'enfance à l'âge d'homme.

Il tire sur ma main aussi immobile que mes pieds. J'effectue un demi-tour chorégraphié par Ken.

𝑑𝑒𝑟𝑛𝑖𝑒𝑟 𝑠𝑜𝑢𝑝𝑖𝑟 | nekfeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant