Sans-Esprit : 1. La Pierre Bleue

11. Nora

La journée avait été longue. En demandant au magicien de lui enseigner, la jeune femme n'était pas consciente de ce qu'elle lui demandait. À ce moment la, tout ce que la maîtresse des ombres recherchait, c'était un moyen d'approcher le magicien afin d'avoir une chance d'être invitée à entrer dans sa demeure. Nora se savait capable de toucher ce que sa cible avait défini comme la source du pouvoir des magiciens, mais elle n'avait pas véritablement envisagé de l'étudier. Du moins n'avait-elle pas réalisé l'engagement et le travail que cela demanderait.

C'était un moyen d'arriver à mes fins.

Hors, durant les heures investies à l'étude de la prononciation difficile du langage draconique, de l'apprentissage des signes gestuels de base - et leur reproduction sous la férule du maître mage - la jeune femme ne pensait plus du tout à ses objectifs. Même les douleurs lancinantes de sa tempe et de son flanc étaient passées à l'arrière plan ! La maîtresse des ombres ne pensait qu'à parvenir à vaincre ce nouveau défi ! Nora, qui n'avait jamais eu beaucoup de mal à mémoriser des informations, se surprenait à mettre tout en oeuvre pour retenir la signification des runes et se concentrer sur la précision de ses gestes. Dans cette matière, son agilité naturelle était un atout non négligeable!

Les mouvements subtils de ses mains devenaient rapidement sûrs et précis.

Il a même sourit, j'en jurerais !

En fait, elle espérait que cet apprentissage se poursuivrait une fois son contrat rempli.

Pour ça, il ne faudra pas être vue, ma grande !

Ces première leçons, cette journée à étudier et à travailler, tandis que l'autre élève du magicien se concentrait sur son propre travail et que leur mentor s'affairait dans son bureau, avaient épuisé Nora. Elle accueillit le brouhaha, témoin de la foule d'apprentis qui quittaient la tour en fin de journée, avec un soulagement visible qui fit sourire Morgan.

Ce dernier, avec l'approbation du maître mage, rangea ses affaires et prit congé. Mais le magicien retint la jeune femme. Rangeant ses livres, elle attendit que le mage en vienne à ce qu'il voulait lui dire. Son mentor n'était pas du genre à traîner : la jeune femme avait à peine rangé les ouvrages dans son sac qu'il l'appelait, déjà vêtu de sa cape.

Nora attrapa la sienne et suivit les grandes enjambées du magicien.

« Où allons-nous ? »

Elle parla d'une petite voix essoufflée. Se morigénant intérieurement pour sa faiblesse, la jeune femme se rendit à peine compte que l'arcaniste avait ralentit le pas. À un rythme plus tranquille, il l'emmena aux escaliers, puis vers la sortie.

« Chez moi. » Il parlait d'une voix douce. « Tu m'as proposé de payer ton enseignement en nature et il s'avère que j'ai quelques tâches à confier à un apprenti.

- Très bien. »

La jeune femme se retint de montrer sa jubilation! Si elle s'était attendue à avoir si tôt ce qu'elle espérait ! Mais entrer ne voulait pas dire qu'elle aurait accès au laboratoire, ni que le pendentif lui tomberait dans les mains ! Encore faudrait-il gagner la confiance du magicien et avoir l'occasion de fouiller dans ses affaires.

Pas de précipitation!

Parvenus aux écuries, le magicien lui fit signe de le suivre. Il était encore tôt et, de toute évidence, le palefrenier n'avait pas l'habitude de voir arriver son client avant la tombée de la nuit. Le garçon se dépêcha de préparer la monture du magicien, tout en s'excusant. Hautfort patienta sans émettre de commentaire, droit comme un « I », et prit gracieusement les rennes que lui tendit enfin l'employé des écuries.