13. Le Masque

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L'homme au masque noir renvoya ses lieutenants à leurs occupations. La situation dans le port était sous contrôle. C'est donc avec satisfaction qu'il s'autorisa une pause sur la chaise branlante de son bureau. La soirée commençait à peine et pouvait encore réserver des surprises, mais le Masque n'était pas particulièrement inquiet.

Il attendait d'ailleurs d'un jour à l'autre l'arrivée de la petite princesse, qui lui remettrait le bien réclamé par la guilde. L'objet était dangereux, coûteux et unique d'après le supérieur direct du Masque. Les raisons de ce vol ne lui avaient pas été données, mais l'homme se doutait qu'elles étaient importante : la guilde ne se mêlait jamais sans dessein des affaires de la Confrérie des Tisseurs.

Attirer sur eux la colère des magiciens eut été imprudent.

Suicidaire même.

Tout à ces réflexions, il fut surpris par des coups donnés à la porte.

Le Masque alla ouvrir la porte, sur ses gardes, et découvrit son guetteur, un jeune garçon d'une douzaine d'années, qui dansait d'un pied sur l'autre, affolé.

« Y a... Y a le Gris qui vient vous trouver !

- Bien, files. Tu fais du bon travail, mon garçon. »

L'enfant était un jeune voleur, pris sous on aile par le masque. Il avait un don pour l'observation... et avait l'avantage d'être un enfant : c'est à dire que personne ne faisait attention à lui. Le gamin pouvait donc apprendre un certain nombre d'informations intéressantes bien avant que l'on soupçonne le Masque Noir d'être au courant.

Un « Gris ». Voila qui n'était pas anodin. Le masque sortit du bureau destiné aux affaires courantes - un lieu misérable et seulement fonctionnel - pour se diriger vers le mur du fond du couloir.

Non... un gris ne se recevait pas de manière aussi rustre. Mais heureusement, le masque gérait assez bien ses affaires pour avoir de quoi contenter son supérieur dans la guilde. Il regarda derrière lui et appuya sur une pierre en hauteur, sur le mur de droite.Celle-ci pivota en dévoilant un petit levier... ce dernier fit pivoter le mur du fond.

Le passage révélait un salon confortable. Des fauteuils, une cheminée... et de quoi servir à boire à son prestigieux invité. Car lorsqu'un Gris se présentait, il fallait se comporter en hôte, toutes affaires cessantes si possible.

Le lieutenant de la Guilde n'eut guère le temps de préparer quoique ce soit pour recevoir son supérieur. Celui-ci se fit presque immédiatement introduire par le passage secret par l'un des hommes du Masque Noir.

Le maître du port n'avait jamais vu le visage de son supérieur. Personne ne connaissait l'identité des Gris à part le masque Blanc... La hiérarchie de la Guilde était simple : Le Masque Blanc, grand prêtre de Nocte, dirigeait, secondé par les Gris. Les Noirs étaient eux-même aux ordres des gris. Tous ces lieutenants voyaient leur identité protégée par les célèbres masques de tissus informes. Un supérieur connaissait l'identité des hommes et femmes à ses ordres, mais pas l'inverse. Il n'existait aucun signe distinctif au dessous d'eux... et ces signes n'étaient utilisés que lors d'occasions spéciales ; un masque n'était en aucun cas un garant de discrétion !

Le Gris aurait pu être un noble où un riche bourgeois, son lieutenant n'aurait pu le dire ; il portait des vêtements de bonne qualité, mais sans signe distinctif. Son masque était une réplique plus claire de celui du maître du port. Il se mouvait avec une grâce trompeuse ; le Noir savait que son chef était une puissante lame acérée du Culte de Nocte!

En parlant de Culte... celui qui régissait la Guilde n'avait pas de liens avec les Noctesiens du grand temple, dont la plupart des adeptes appartenaient aux Ombres.

Ces mêles-tout, toujours fourrés dans nos pattes !

Le masque Noir s'inclina devant son supérieur, qui mit fin à ces salamalecs d'un geste impatient.

« Inutile de faire du zèle. Je n'en aurai pas pour longtemps.

- Je suis à vos ordres. »

Le Masque Gris toisa son subalterne d'un air impatient.

« Tu as envoyé quelqu'un de dangereux chercher le pendentif. »

C'était donc cela. Cependant le maître du port était on ne peut plus surpris par le ton de réprimande de l'Assassin.

« Seigneur, j'ai fais d'une pierre deux coups avec elle: Elle nous rejoint enfin et nous aurons ensuite quelqu'un en place dans la Confrérie des Tisseurs.

- C'était une erreur ! » L'interrompit le Gris. « Il y a quatre, ou même trois ans, nous aurions pu en faire l'une des notres ! Aujourd'hui, c'est une femme faite ivre de vengeance.

- Humiliée, oui, ses espoirs d'indépendance réduits à néant. Mais elle est mûre pour nous rejoindre.

- Imagine que Hautfort l'aide à recouvrer la mémoire. » siffla le Gris avec colère. « TOUTE sa mémoire. » Ajouta-t-il.

Le Masque Noir se blâma intérieurement de son manque de réflexion. Tout à son triomphe, à l'idée de mettre enfin au pas la jeune Maîtresse des Ombres, il en avait oublié la menace qu'elle représentait.

« Quels sont vos ordres, seigneur ?

- Tues la. » trancha le Gris. « Elle ne nous est plus d'aucune utilité. Récupères le pendentif s'il est déjà en sa possession. Sinon, nous trouverons quelqu'un d'autre pour accomplir le contrat, quitte à augmenter la prime. »

Peiné de cette décision, le maître du port s'inclina. La jeune femme était prometteuse. Elle était intelligente, subtile et aurait pu rapporter beaucoup à la Guilde. Les esprits retors comme le sien étaient une denrée rare à Jénérïn. Mais le Masque fit rapidement le deuil de ses regrets.

Nora mourrait ce soir.

« Bien, seigneur. Je m'en charge personnellement. »

Sans-Esprit : 1. La Pierre BleueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant