Sans-Esprit : 1. La Pierre Bleue

28. Arénès

Arénès avait bataillé ferme contre Esmë pour que n'entre aucune inconnue dans sa maison.

En définitive, le maître mage avait évalué une quinzaine de jeunes femmes déterminées à obtenir ce travail.

Cette vieille peau a plus de mordant qu'un Orc Berserk !

La matinée était, ainsi, vite passée et les deux heures suivantes avaient été chargées par le difficile choix qui s'imposait.

Sous la férule de la vieille guérisseuse, toujours.

Celle-ci insistait encore pour rentrer chez elle. Elle insistait tout autant pour que le magicien prenne à son service une jeune personne capable de s'occuper d'un enfant en l'absence de Nora.

Il n'empêche qu'elle n'a pas tort... si je ne trouve personne, mon apprentie n'aura pas une minute à consacrer à ses études !

Dans quelle position cette Maîtresse des Ombres le mettait-elle !

Jusqu'alors, sa vie avait été bien rangée. Personne ne le dérangeait chez lui, le temps ne lui manquait jamais pour mener ses études et ses expériences... et aucun pleur de nourrisson ne le réveillait au milieu de la nuit !

Aucune personne de confiance n'avait tenté de le voler.

Bien rangée, vraiment ?

Sa conscience prenait maintenant le ton amusé d'Erion Sylvanus lorsqu'il confrontait son élève avec un concept nouveau, un défi à surmonter... voir une erreur récurrente de son apprenti.

Ce ton amusé, un rien ironique et taquin - comme si l'elfe voyait ses pensées réelles à travers le masque froid et renfermé de son élève humain - avait le don de faire sortir Arénès de ses gonds pour commencer. De le pousser à regarder les choses en face ensuite.

J'étais très seul.

La solitude ne faisait plus partie de son quotidien, en effet. Ses soirées étaient animées par les travaux studieux de Nora, qui observait du coin de l'oeil les expériences de son maître avec une curiosité qui amusait le Magicien Sans-Esprit. Ses journées étaient occupées par deux apprentis avides de progresser, qui remplissaient les vides entre ses moments d'étude personnelles.

Mais un enfant dans ma demeure !?

Arénès n'aurait pas imaginé sa jeune protégée êtredéjà Mère. Ce même si la plupart des jeunes filles étaient souvent mariées à cet âge, leur premier né en route - ou leur second si les Dix le permettaient !

La porte de son étude s'ouvrit sans que l'on eut frappé. Le Sans-Esprit poursuivit sa lecture, habitué aux entrées de Vardän, discrètes et respectueuses.

« Tu tombes bien, Vardän. Je tiens à ce qu'un don soit envoyé à l'ambassade Elfe. » Annonça-t-il sans se retourner. « L'or les intéresse peu, mais j'ai préparé quelques composantes rares qui...

- Je vous en remercie, Hautfort. » Répondit une voix mélodieuse – qui ne possédait rien des tons graves et chaleureux de celle de Vardän.

Le maître mage leva les yeux et, surprit, découvrit le guérisseur elfe au beau milieu de son étude personnelle. Celui-ci observait les rayonnages de livres, d'artefacts et de composantes d'un oeil intéressé.

« Voici donc l'antre de la dernière lubie d'Erion Sylvanus. » Fit-il en posant les yeux sur quelques livres aux titres rédigé en elfique Ancien. « J'y vois plus l'influence de notre Ancien que de vos illustres ancêtres.