3. Arénès

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La matinée était bien avancée. Au sein de la tour de la confrérie, l'approche de midi provoquait toujours une brève effervescence, avant que les lieux ne retrouvent leur calme imposant. De jeunes apprentis se pressaient vers les portes, retrouvant leur foyer pour le dîner, tandis que les internes se dirigeaient vers l'aile des étudiants. Ils encombraient brièvement et bruyamment les couloirs. Les autres - magiciens, maîtres et membres de la confrérie - continueraient de hanter les divers passages et salles de l'académie, où se retrouveraient au Cristal Rouge, une auberge voisine de la tour.

Que son étude ait été transférée à un autre étage n'avait fait qu'amplifier le phénomène pour le maître nouvellement promu.

Les maîtres ont plus d'apprentis que les simples mages...

Arénès laissa le brouhaha dérangeant s'évanouir de lui-même avant de retourner à son travail. Il n'avait pas quitté son bureau de la matinée. Tout juste s'était-il interrompu pour mettre un peu d'ordre dans le chaos issus de ses recherches des derniers mois.

Le vacarme éteint, le magicien s'assit à nouveau devant son bureau et se replongea dans la pile de dossiers qu'il avait attaquée une semaine auparavant, suite à son entretient avec Daran. Le maître mage posa un regard las sur le dernier qu'il avait abandonné, encore ouvert, et décrivait le parcourt d'une jeune recrue de l'académie.

Comme l'avait conseillé son ami, le maître mage avait étudié sérieusement l'idée de prendre des élèves et, comme chaque instructeur, commencé la sélection des apprentis auxquels il proposerait ses leçons. Pour la première fois, le magicien avait décidé de jeter un œil aux demandes d'apprentissage qui lui étaient adressées.

Ainsi Arénès s'était décidé à se rendre aux archives, avait demandé les dossiers de ses apprentis en attente, ignorant les regards étonnés des archivistes. On lui avait alors remis une petite caisse lourde du poids des parchemins, chemises de cuir et autres étuis qu'elle contenait. Il l'avait ramenée dans son bureau et, rassemblant son courage, avait parcouru les documents.

C'est avec surprise qu'il découvrit une cinquantaine de demandes en attente. Une fois extraites de la caisse, elles formaient une pile assez hétéroclite. Chemises de cuir et étuis à parchemins de qualités diverses se côtoyaient, d'une manière qui lui semblait surréaliste ; depuis l'obtention de son titre de Mage, soit près d'une décennie auparavant, jamais l'arcaniste n'avait même posé les yeux sur une seule de ces demandes! Et autant d'apprentis s'acharnaient encore à espérer progresser sous sa tutelle ?

Encore heureux que les archivistes classent les demandes obsolètes... je ne m'en serais pas sortit !

Le magicien ne parvenait pas à se décider. Il ne se sentait décidément pas l'âme d'un pédagogue et les dossiers des étudiants qu'il parcourait depuis plusieurs heures ne l'enthousiasmaient guère. De jeunes fats sans profondeur, pour la plupart amenés en ces hauts lieux de connaissance par leurs privilèges! Même si le taux d'arcanistes potentiels était assez bas en règle générale, les élus issus du peuple échouaient la plupart du temps dans des établissements moins prestigieux, lorsqu'ils recevaient un enseignement.

La tour de la confrérie située à Jénérïn recevait principalement la progéniture de nobles ou de riches bourgeois. Toutes les familles pouvant se le permettre faisaient tester leurs enfants dès leur plus jeune âge et s'empressaient de les confier à la confrérie au moindre signe, à la moindre preuve que leur héritier possédait une étincelle de magie. Tous ces rejetons privilégiés étaient encouragés à étudier d'une manière des plus rigoureuse et stricte afin d'acquérir un pouvoir allant de pair avec leur rang. Une personne importante, leur enseignait-on, devait posséder des capacités à la hauteur de sa position.

Sans-Esprit : 1. La Pierre BleueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant