12. Arénès

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La nuit avait été longue pour le maître mage, mais il était satisfait de sa dernière création. Le gant avait parfaitement dispersé toutes les énergies magiques qu'il s'était évertué à plusieurs reprises - bien après le départ de son élève - à bombarder l'objet. Cependant, tout le succès du monde durant son expérience ne pouvait remplacer le sommeil dont il avait manqué, qu'il ne pourrait rattraper, car deux apprentis l'attendaient à la tour de la confrérie.

Les semaines suivantes, ceux-ci lui apportèrent plus de satisfaction qu'il n'en avait éprouvé en dix ans d'étude et de recherche solitaire. Le maître mage se surprit à se hâter de rejoindre l'aile des maîtres chaque matin et à grandement apprécier les leçons qu'il prodiguait à ses deux élèves.

Morgan se montrait insatiable. Le garçon progressait rapidement, fort de ses années d'études assidues, et ne semblait jamais assez satisfait de ses propres progrès ! L'apprenti fut bientôt capable de maîtriser les sorts mineurs qui lui avaient échappé ces dernières années, faute d'apprentissage adéquat, et attaqua l'étude du premier cercle des arcanes avec avidité. Arénès était fier des progrès rapides du jeune homme - qui prouveraient le bien fondé de ses dernières thèses au conseil.

Nora était douée. La jeune femme possédait une approche intuitive des principes de la trame. Sans paraître aussi passionnée que son camarade, elle comprenait rapidement les choses et étudiait efficacement. Son esprit, acéré et vif, semblait taillé pour l'étude de l'Art. Le magicien Zeinhaldien se félicitait chaque jour de lui avoir donné sa chance, même s'il ne parvenait toujours pas à cerner son apprentie. Nora ne bavardait pas. Elle éludait autant que possibles toute question personnelle et les détournait rapidement afin d'amener ses interlocuteurs à parler d'eux-même.

Une autre satisfaction avait été de la voir vêtue décemment, même si elle s'évertuait à s'habiller en homme, mieux nourrie et reposée. Le maître mage avait volontairement donné une somme importante à la jeune femme, espérant qu'elle en tire profit pour mieux se loger et se nourrir. La jeune femme portait de longues tuniques cintrées sur des chemises à dentelles. Assez semblables à la tenue usée qu'il lui avait connue lorsque Nora s'était présentée à lui, mais de bien meilleure qualité. Une cape chaude - sans déchirure, Arénès en remerciait les esprits ! - complétait la tenue. La jeune femme portait également une dague à la ceinture, hors de la tour. Sans doute un réflexe acquis en vivant seule dans la partie la plus mal famée de la ville...

Après un mois, Arénès était toujours incapable de dire où la jeune femme vivait exactement, sinon qu'elle avait quitté les bas quartiers au profit d'une pension du quartier marchand. Le magicien ignorait si Nora avait des proches où des motivations personnelles autres que celle qu'elle lui avait confié lors de leur première rencontre. Cependant, elle était constante, sérieuse et se présentait chaque soir chez son mentor pour effectuer les tâches qu'il lui confiait. Arénès se débrouilla pour avoir toujours quelque chose d'instructif à lui confier... de la préparation des composants de sort à la confection d'une baguette en destinée à l'enchantement. Une fois par semaine, Vardän remettait une pièce d'Or à la demoiselle, qu'elle acceptait sans exprimer ouvertement sa réticence.

Le maître mage n'y voyait aucun acte de charité. En Zeinhald, les traditions d'enseignement arcanique étaient sacrées. Un maître était responsable de ses apprentis. Cette responsabilité incluait de veiller à ce que chacun des élèves d'un arcaniste puisse jouir d'une vie décente tant que la relation d'apprentissage était d'actualité. Tout manquement aurait gravement entaché Arénès !

Plusieurs fois, le maître mage offrit à la jeune femme de la loger chez lui - il y avait plusieurs chambres inoccupées dans sa demeure - mais Nora refusait gracieusement et répondait qu'elle avait à faire chez elle sans jamais donner plus d'explication. Si le maître mage appréciait grandement son apprentie et commençait à lui faire confiance, en ce qui concernait le sérieux de son engagement en tant qu'élève, il ne pouvait s'empêcher de penser qu'elle lui cachait des choses.

Sans-Esprit : 1. La Pierre BleueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant