Le Manoir de Ker se dressait non loin du parc central de Jénérïn. Ceint d'un haut mur de pierre côté jardin, prolongé par une grille de fer forgé en façade, il était l'une des demeures les plus enviées de la ville, sinon du Comté. Imposante, le manoir était l'un des plus anciens de la cité.
Une allée de graviers clairs, bordée d'arbres et de massifs de fleurs, remontait de la grille jusqu'au seuil. Si il avait été bâti de pierre plus sombre, le bâtiment aurait pu se trouver au coeur d'un riche domaine Zeinhaldien. Avec nostalgie, Arénès apprécia l'architecture élégante, régulière et épurée de la demeure. Des colonnes bordant la façade aux larges fenêtres, jusqu'aux arches parfaites qui caractérisaient portes et fenêtre, le magicien croyait revoir une part de son pays natal.
Il frappa à la porte. Le heurtoir, en fer forgé tout comme la grille, était typiquement Zeinhaldien aussi. Il représentait une tête de grand loup, reconnaissable à la forme caractéristique du museau et des oreilles... ainsi qu'aux pupilles étrangement semblables à celles des hommes, des elfes et des nains en apparence. Les grands loups étaient, selon la légende, originaires des territoires Zeinhaldiens et y avaient vécu avant que l'ancienne civilisation de magicien n'y prospère. Ils faisaient partie intégrante du folklore de l'empire effondré et l'image des nobles bêtes était encore très présentes chez ses habitants.
Mais ici... ?
Un serviteur en livrée bleu sombre vint lui ouvrir. Il s'effaça pour laisser entrer le maître mage et referma la porte derrière lui. Débarrassé de sa cape, Arénès fut conduit dans un salon garni d'élégants meubles en cuir et attendit patiemment que son hôte le rejoigne. Le magicien prit le temps d'admirer tapisseries et tableaux.
Surpris, le Zeinhaldien approcha d'une tapisserie ancienne. Bien que l'objet soit parfaitement entretenu, il pouvait sans peine en estimer l'âge ! Combien n'avait-il pas étudié de semblables broderies dans la demeure de son enfance !? La tapisserie représentait la grande Argän, la capitale de l'empire Zeinhaldien. Les broderies dessinaient une cité florissante. Les murs lisses et étincelants semblaient avoir été élevés par magie, sur un rocher entouré d'un large fossé - plutôt un insondable gouffre - entre lesquels s'élevaient les mille flèches noires et brillantes des demeures des magiciens et temples à la gloire des Esprits primordiaux. Cette représentation était celle de la grande ville avant sa chute et avait donc été réalisée au moins trois cent ans auparavant !
Daran cache en sa demeure des secrets inattendus... je me demande d'où lui vient cette tapisserie.
Un léger courant d'air fit se tourner la tête de l'invité. Croyant voir entrer l'archimage par la porte, désormais entrouverte, Arénès se tourna et attendit. Au lieu de cela, quelque chose heurta ses jambes et les étreignit avec brusquerie!
Le maître mage baissa le regard et rencontra une seconde paire d'yeux noisette, surmontés d'une tignasse brune en désordre. Le Bambin qui lui serrait les jambes ne devait pas avoir plus de deux ou trois ans - Arénès ne parvenait jamais à deviner l'âge d'enfants aussi jeunes ! - et riait à gorge déployée de sa surprise.
« Sorilian ! Lâches donc les jambes du monsieur ! »
La voix de Daran était ferme, mais indulgente. L'archimage s'approcha en souriant et, d'un geste doux, prit le garnement dans ses bras.
« Pardonnez-moi, Arénès, mon fils a encore échappé à sa gouvernante ! » Le magicien du temps se tourna vers la porte et appela : « Alicia ! Venez donc ici ! »
Une jeune fille apparut à la porte. Elle se tordait les mains avec nervosité, sans doute certaine d'être réprimandée, et semblait familière au Zeinhaldien. Mais le maître des lieux déposa seulement son enfant dans ses bras, avant de lui ébouriffer les cheveux.
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Sans-Esprit : 1. La Pierre Bleue
FantasyDepuis dix ans, Arénès tente de s'imposer dans la Confrérie des Tisseurs, le grand Ordre des Magiciens. Cependant, ses origines et sa nature sont des freins dans un monde rongé par l'obscurantisme et l'inquisition. Et pourtant... il n'est plus humai...