« Du calme mon garçon, expliques-moi tout ceci posément. »
Inedhen passait en revue le nécessaire pour exercer son art, avec l'aide de Kharon. Le prêtre elfe, fort de plusieurs siècles d'expérience, savait que si l'heure d'un être matériel était venue, la précipitation n'y changerait rien. Si son heure, en revanche, n'était pas venue, une négligence de sa part causerait la perte d'un être qui aurait encore du apporter sa pierre à ce monde. Depuis longtemps, le serviteur de Kharon avait donc appris à être méticuleux dans l'urgence.
Comme les siens, l'elfe paraissait sans âge. Son visage était lisse malgré le passage des marées du temps. Imberbe et de longues oreilles, très expressives, dépassant de salongue chevelure dorée, il paraissait de marbre, cruellement détaché de l'urgence de la situation. Pourtant, un expert aurait, à la position de ses oreilles, tout de suite vu que le prêtre était préoccupé par son jeune visiteur. Tirées en arrières, penchées légèrement vers le bas, elles exprimaient son souci présent.
Le garçon lui avait été amené par la sentinelle de garde à la porte de l'ambassade. Le nom d'Erion Sylvanus et le sceau de l'un de ses élèves avait amené le garde à déranger le résident de l'ambassade. Le prêtre ne se serait pas dérangé pour n'importe quel humain!
Mais un Sans-Esprit à qui le grand temple aurait refusé des soins, voila qui l'aurait même tiré de sa rêverie nocturne. Inedhen, bien que servant le même esprit primordial que les inquisiteurs humains, refusait l'hospitalité de leur temple.
Ces humains ne comprennent rien à l'équilibre du monde. Ils tentent de le façonner à leur image plutôt qu'à vivre en harmonie avec lui.
Ce soir, l'elfe venait de trouver une raison de résider quelques temps de plus dans cette ville humaine, puante et barbare.
« Mon maître et son apprentie ont été attaqués ! » Commença le palefrenier en proie à la panique. « La demoiselle Nora, a été empoisonnée !
- Où réside ton maître ? » L'elfe pouvait lire l'exaspération sur le visage du garçon. Il n'en tint pas compte, plaçant de précieux onguents, plantes et élixirs dans sa sacoche. Le moindre oubli pourrait avoir des conséquences dramatiques.
- À l'extérieur de la ville, je peux vous y mener !
- Très bien, mon garçon. »
L'elfe referma sa sacoche et la passa sur son épaule. Il invita, d'un geste, son jeune invité à le suivre jusqu'aux écuries de l'ambassade. La monture de Johan les y attendait, l'air reposée malgré la rythme effréné imposé par son cavalier quelques minutes plus tôt. Le garçon s'en étonna, mais Inedhen ne perdit pas de temps à lui expliquer quels soins avaient été apportés à l'animal.
Il s'approcha plutôt de sa propre monture.
« Mais... votre cheval n'est pas prêt ! Laissez-moi vous aider ! »
Déjà, le serviteur se précipitait, à la recherche du nécessaire pour harnacher le cheval.
« Où sont vos...
- Nous ne partons pas en guerre, vando ladhin. »
Comme si cette explication suffisait, le prêtre enfourcha sa monture à cru dans un ample mouvement de sa robe bleuciel et sortit en trombe des écuries.
Le retour fut plus court que le premier voyage du palefrenier. À l'aller, il avait du présenter le sceau de son maître à chaque poste de garde, expliquer son cas, convaincre de l'urgence de la situation. Mais la robe bleue et le symbole de Kharon de l'elfe lui ouvraient tous ces passages dans aucun contrôle. C'est tout juste s'ils eurent à ralentir l'allure le temps que l'on ouvre les portes.
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Sans-Esprit : 1. La Pierre Bleue
خيال (فانتازيا)Depuis dix ans, Arénès tente de s'imposer dans la Confrérie des Tisseurs, le grand Ordre des Magiciens. Cependant, ses origines et sa nature sont des freins dans un monde rongé par l'obscurantisme et l'inquisition. Et pourtant... il n'est plus humai...