Eotopia

Chapitre 15 ( partie 2)

Au loin, j'entends des voix distinctes, Kalyel et Lacov reviennent à la charge. Ils déboulent dans mon bureau, ce premier semble contrarié, les sourcils froncés, un tic nerveux déforme ses traits. Il s'approche de moi et tente de m'enlacer. Je le repousse sèchement et m'exclame :

- Comment oses-tu ? Tu comptais me le dire quand exactement ?

- Ne m'en veux pas , s'il te plaît, c'était pour ton bien ! Son regard s'adoucit, il essaie de m'amadouer avec de belles paroles .

- Non, je viens, ma présence est indispensable . J'en rajoute un peu c'est vrai .

- Ta présence auprès de ton amie est indispensable, là-bas c'est trop dangereux, tu n'es pas prête !

- Je t'en prie, même si tu me l'interdis je trouverais un autre moyen de venir tu le sais bien ! Je le regarde intensément, le suppliant silencieusement . Il finit par grogner et s'exclame :

- D'accord, mais tu resteras avec moi, tu m'obéiras au doigt et à l'œil, c'est compris ?

- Oui, merci, répondis-je en faisant un léger sourire en coin.

- Ne me remercie pas, tu t'en mordras les doigts. Lacov peux-tu lui expliquer la marche à suivre, je ne peux pas rester, je suis attendu.  À ce soir .

Il se penche vers moi puis m'embrasse furtivement avant de s'en aller . Lacov nous jette un regard à la circulaire, a priori il ignorait l'avancée de notre relation et ne peut cacher sa surprise. Il reprend une certaine contenance avant de se lancer dans sa tirade .

- Tu as de la chance, je pense qu' Eknath sera moins compréhensif à ton égard. Peu importe, ton cher et tendre assumera sa décision, bien qu'elle soit, selon moi, un peu hâtive. Il s'est laissé charmé par ton audace, mais je ne peux pas lui en vouloir ... Bien. Passons au plan.

- Nous comptons sur l'effet de surprise. En ce moment même, les rebelles sont occupés par les préparatifs du projet d'attaque dont nous sommes la principale cible. Ils nous pensent trop craintifs pour oser les attaquer frontalement. Nous leur prouverons le contraire. Leur quartier général se trouve en retrait des habitations, en plein milieu des bosquets.

- Cela constituera un avantage pour nous, dans le sens ou nous pourrons nous y cacher pour accentuer un peu plus l'effet de surprise. Nous attaquerons à midi, lors de leur pause. Nos agents infiltrés la-bas, nous lancerons le coup d'envoi. Bien que nous serons tous armés, l'intérêt est de réussir à les désarmer sans les blesser. Eknath a bien précisé qu'il ne voulait pas de mort. À mon avis, c'est impossible. C'est bien compris ?

- Oui, combien serons-nous ? Et combien seront-ils ? demandé-je.

- Leur équipe est composée d'une centaine de membres, disséminés dans plusieurs bases. Leur quartier général contient au total quarante individus, dont dix responsables. Eknath et ses adjoints se chargeront spécialement de leur cas. En ce qui nous concerne, notre mission consiste à maîtriser tous les autres. Nous serons soixante, en comptant les huit agents doubles infiltrés sur place .

- Et qu'en est-il de la menace des armes atomiques ? Ne risquent-ils pas de les utiliser ?

- Si, c'est probable. Voilà pourquoi nous ne voulions pas que tu viennes. Il s'agit d'une mission à haut risque .

- Je comprends, mais vous n'avez pas le choix, repris-je en hochant la tête.

- C'est ça, il en va de la sécurité de notre nation !

- Tu m'as dit qu'ils détenaient plusieurs bases, connaissez-vous leur emplacement ?

- Oui mais nous estimons que si leur QG tombe, les autres zones se détérioreront par ricochet .

-C'est tout ? Il me semble que c'est un peu léger comme raisonnement, rajouté-je peu convaincue .

- Nous aviserons, il est probable que toutes ces zones soient passées au peigne fin après l'attaque dans l'optique où tout se déroule comme prévu . Mais il n'empêche que les membres qui réussiront à se cacher continueront à fuir. Quoi qu'il en soit, nous devrons toujours faire face à la menace. Sans oublier qu'Eknath refuse de renforcer ses défenses qu'il juge pour le moment satisfaisantes. Par ailleurs, il exècre la violence, et souhaite régler au maximum les conflits à l'amiable .

- Bien et quel est le plan B en cas de complications ?

- Tous au abri, nous fuyons en ramenant avec nous, dans la mesure du possible nos camarades.

- J'ai l'impression que vous agissez dans l'impulsivité, sans vraiment avoir réfléchi aux conséquences ! rétorqué-je toujours aussi peu convaincue par ses arguments.

- Nous n'avons pas le choix, la menace est trop sérieuse et le temps qui nous est imparti insuffisant !

- Je comprends, le procès d'Isae est-il reporté ?

- Non et ta présence est vivement souhaité !

- À quoi bon, il mourra paisiblement ! dis-je en baissant les épaules, signifiant ainsi ma défaite.

- Je ne te savais pas aussi revancharde !

- Il a fait du mal à mes amis, c'est impardonnable.

- Ne t'inquiètes pas, je pense que le verdict nous étonnera !

- Ah bon ? Et pourquoi ça ?

- Tu verras, Eknath est un pacifiste dans l'âme, mais il n'empêche que notre ancien collègue a largement dépassé les bornes et il aura ce qu'il mérite !

- Mais je croyais que la décision finale ne lui revenait pas !

- Il reste le président du conseil et il sait se montrer très convaincant ! On verra bien !

- J'ai hâte ! Je ne pensais pas que je dirais ça un jour, mais j'espère qu'il souffrira !

- Je l'espère également ! avoue-t'il en me regardant fixement dans les yeux.