Chapitre 5 (partie 2)

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Aujourd'hui je reprends le travail, il va me falloir être ingénieuse pour expliquer à mes collègues mon absence prolongée. Après un petit-déjeuner rapide avec les filles, je me retrouve sur le perron à attendre que mon chauffeur daigne se montrer. Un klaxon se fait entendre, je tourne la tête et voit Kalyel dans sa Tesla noire ruisselante. Non, mais je rêve ça ne peux pas être lui mon chauffeur ?

A peine ai-je pris place qu'il démarre en trombe. Il m'ignore délibérément. Après un moment de silence je me lance :
- Bonjour ça fait plaisir de te voir, dis-je sarcastique.
- Bonjour Ava, me répond-il d'un ton sec.
Mais quel est donc son problème ?
- Alors, quelles sont les directives pour aujourd'hui ?
- Pour commencer tu fais profil bas, tu te comportes comme d'habitude .
Ah oui, c'est nouveau ça, je pensais qu'il fallait que je fasse de la lèche à mon responsable ?
- Bon d'accord, c'est donc toi mon chauffeur ? continuai-je .
- Pour le moment oui, Ilian a d'autres priorités.
-Je vois. Et quand devrais-je tenter un rapprochement avec mon responsable ?
- Pas avant deux semaines, tu attends pour le moment, ne fais rien sans mon consentement .
- Compris chef ! repris-je en souriant.
Si je comptais le faire rire c'est raté, il reste taciturne et distant .
Après des dizaines de kilomètres qui mettent mes nerfs à rude épreuve, en plus du silence pesant qu'il nous impose, son odeur entêtante me trouble et je ne peux pas m'empêcher de l'admirer du coin de l'œil.

Il ne s'en aperçoit pas ou alors préfère-t-il m'ignorer, quoi qu'il en soit je le trouve particulièrement renfermé ce matin, je me demande ce qui a pu le mettre dans un tel état. Le véhicule finit pas s'arrêter devant l'allée parallèle à mon travail, je vais devoir continuer à pied . Je le salue avant de quitter précipitamment l'habitacle. J'ai oublié de lui préciser mon heure de débauche, peu importe j'appellerais Sanae ou Maylin à la rescousse, je préfère éviter au maximum les endroits clos en sa compagnie.

Je marche rapidement, les yeux cloués au sol jusqu'à parvenir devant l'institut, un immeuble à l'architecture ancienne datant du XX ème siècle quoique bien conservé. Un flot incessant d'individu traverse le perron, je me décide à entrer après plusieurs minutes d'hésitations. L'intérieur est lumineux, remplie d'écran à l'effigie de la marque PearlPharma, un comptoir central est placé au centre de la pièce, j'ai du mal à m'y frayer un passage.

L'hôtesse me reconnaît et me fait signe d'avancer, je lui présente mon badge et me dirige d'un pas pressé vers l'escalier. Je m'empresse de rejoindre mon bureau sans trop regarder autours de moi. Je m'installe à mon bureau composé d'un téléphone professionnel et d'un ordinateur portable dernier cri, autant dire qu'il y a des avantages certains à être l'assistante du directeur adjoint. Mes collègues doivent se partager un ordinateur pour trois si ce n'est plus ...

Un tas de courriels m'attend sur ma boîte mail, désormais nous ne communiquons plus qu'ainsi. Le papier étant devenu rare et cher, les courriers postaux ne concernent que les urgences immédiates. Je prends connaissance des travaux en cours, en attendant que Yoni, vienne me faire son topo. Ce dernier arrive quelques minutes plus tard dans mon bureau .
Il s'écrit en ricanant :

- Ava, tu nous fais l'honneur de ta présence .
Je le regarde, blasée, ces blagues ne font rire que lui .
Il n'a pas changé, son physique est toujours aussi ingrat, il est en surpoids depuis que je le connais ce qui ne m'étonne même plus. Il fait partie du cercle très fermé des hauts responsables des industries médicamenteuses, son pouvoir est immense et il nous le fait savoir tous les jours .
Je réponds en gardant mon calme :
- Bonjour, quelles sont les urgences ?
- Je ne t'ai pas attendu pour traiter les urgences, Frieda l'a fait à ta place .
Je ne suis pas surprise, Frieda, brune plantureuse d'un mètre quatre-vingts, avide de pouvoir est prête à tout pour charmer mon chef .
- D'accord, dans ce cas, j'irais la voir .
- Humm, et toi alors que t'est-il arrivé ?
- Un petit soucis de santé mais rien de grave je suis parfaitement remise,  répondis-je aussitôt.
- Je vois, néanmoins ton médecin à contacter le bureau, il semblait vraiment inquiet, tu devrais le rappeler !
- Je n'y manquerai pas, repris-je en tentant de cacher ma nervosité. J'en ai brièvement discuté avec Kalyel. Il m'a dit de ne pas m'en faire et qu'il allait résoudre le problème à ma place par je ne sais quel stratagème . A défaut d'être affable il sait se montrer efficace !
- Bien, j'attends que tu reprennes tes marques, tu sais où me trouver ma belle .
Ma belle ?! je tente au mieux de cacher mon dégoût .
- Merci chef !

Il décide de s'en aller après m'avoir reluqué de la tête aux pieds. Je peux reprendre mes activités dans le calme. La suite de la journée se passe au ralenti, la pause de midi est particulièrement éprouvante, je suis obligé d'aller m'enfermer dans les sanitaires pour engloutir à la va-vite mon en-cas. Je croise certains collègues qui me saluent, la plupart d'entre eux restent distants, nous n'avons jamais été véritablement proches. L'heure de débauche approchant je décide d'appeler Sanae, elle ne répond pas, même chose pour Maylin.

Je me résigne à contacter une fois de plus Kalyel, qui se plaint de m'attendre depuis plus d'un quart d'heure. Il se prend pour qui celui-là? je ne suis pas à sa disposition ! Je prends le chemin du retour, énervée, ma vie est devenue un véritable capharnaüm !

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