Le brouillard avait fini par perdre la bataille que lui livrait le soleil depuis le lever du jour. C'était pourtant un soleil d'hiver, faible et timide, en cette fin du mois de janvier. La vallée paraissait calme et paisible et la montagne, au loin, arborait fièrement son couvre-chef blanc.
Bien que tardive, l'apparition du soleil derrière nous me donna, enfin, une première indication : nous nous dirigions vers l'ouest. Il fallait donc sortir de la vallée pour rejoindre Gala, la ville la plus proche, du côté que nous prenions. Si notre voyage devait durer plus de trois jours, alors Gala était notre passage obligé. Aussi, vu les préparations que nous fîmes et le chargement de notre chariot, était-il clair qu'un voyage de trois jours aurait fait figure d'une promenade, comparé à celui que Layth comptait effectuer. J'en déduisis donc que nous passerions par Gala.
Il est peut-être temps, chers lecteurs, que je vous fasse une description, aussi bien dans l'espace que dans le temps, de l'île de l'Aigle ; j'ai nommé notre monde où se déroulèrent les actes de cette histoire que je vous raconte, et que vous me faites la bonté de lire.
Je ne vous ferais point l'insulte d'écrire que l'île de l'Aigle était entourée d'eau, mais sachez quand-même qu'elle était très loin de toute autre terre.
Assez vaste pour contenir trois royaumes, l'île ne le fut jamais assez pour que chacun d'eux se contente de ses propres frontières. Elle restait donc, au cours des âges, en état de guerre presque permanente, entrecoupée de trêves appelées hypocritement des paix. Les changements de frontières n'avaient donc jamais cessé de rythmer l'histoire de l'île.
Les fondateurs des trois royaumes ne sollicitèrent guère leur imagination pour baptiser leurs conquêtes respectives. Il y avait donc le royaume de l'Ouest à l'ouest, le royaume de l'Est à l'est, et au centre, comme vous le devinez bien, perspicaces lecteurs, il y avait le royaume du Centre.
Le plus belliqueux des trois royaumes était celui de l'Ouest. Il en était le plus prospère aussi. Force est de constater que, souvent, ce ne sont guère les plus pauvres qui convoitent le plus, et que l'appétit vient en mangeant. Cependant, depuis que le Fléau s'abattit sur le royaume de l'Est et se propagea insidieusement dans le centre, puis dans l'ouest, les querelles transfrontalières cessèrent, pour laisser libre cours aux tueries entre concitoyens.
Étranges sont les frontières, des lignes que les rois tracent à la gloire de leur pouvoir, par le sang de leurs sujets. Ces mêmes sujets glorifient à leur tour ces même frontières. Ils ne cessent d'en faire des idoles et de leur ériger des temples, dont les autels ne tarissent jamais, ni de leur sang ni de celui des sujets du roi d'en face.
Je reviens donc à ma description. Le royaume dont Layth et moi étions des sujets était celui de l'est. Il avait des frontières avec le royaume de l'Ouest du côté nord de l'île. Du centre jusqu'au sud, c'était le royaume du Centre qui le côtoyait.
L'île de l'Aigle est parcourue d'est en ouest par une chaîne de montagnes, les Hautes. Situées plutôt dans la partie nord de l'île, ces montagnes sont infranchissables, sauf en quelques cols impraticables avant le début du printemps.
Du côté est, comme du côté ouest, les Hautes s'arrêtent juste avant la mer. À ses deux bouts, la chaîne laisse entre elle et l'eau une étroite bande de terre plaine, d'une dizaine de lieues de chaque côté.
Sous le versant nord s'étend la vaste plaine du nord qui le sépare de la mer. Quant au versant sud, il est séparé de la mer par des terres étendues, parsemées de massifs et de vallées. La plaine du Sud, aussi étendue que celle du nord, complète la continuité jusqu'à la mer.
Les Hautes chevauchaient donc les trois royaumes, et la fière montagne qui se trouvait au loin, à notre droite, en faisait partie.
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ÎLE DE L'AIGLE (TOME I)
Teen FictionLayth est un jeune homme qui a certes à peine 16 ans, mais sa valeur n'a pas attendu le compte de ses années. Suivez-le dans cette épopée qui changera sa destinée, ainsi que celle de tout son monde. Les pires moments d'un monde, comme les plus merve...