Chapitre 23

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J'inspectai les corps de nos victimes. À part leurs armes et assez de pièces d'or et d'argent pour voyager une année, je n'ai rien trouvé d'intéressant sur eux. Cependant, tout dans leur apparence rappelait ceux que nous tuâmes à la Dune, deux jours plus tôt et qui nous jetèrent dans ce voyage.

Neuf hommes aujourd'hui et sept autres deux jours plus tôt. Ça faisait beaucoup d'hommes pour assassiner un jeune adolescent ! Qui étaient ces hommes ?! Ou plutôt qui les avait envoyés pour tuer Layth ?! Qui tenait à sa mort, tant et à ce prix ?! Comment savaient ils que nous étions partis de la Dune et que nous avions pris la route de Gala ?! Car il était évident qu'ils nous attendaient en embuscade. Si nous étions plus de deux j'aurais sans doute soupçonné un quelconque traître, mais il n'y avait que nous deux, et Mala était hors de cause. Qui était vraiment ce Behram, pour qu'on mît tant d'effort à l'assassiner ?! Et puis quelle était cette potion qui presque figeait les choses et les êtres ?

Toutes ces question me passèrent par l'esprit, ou plutôt y rodèrent. Une question ne fait point que passer dans un esprit. Elle continue à roder jusqu'à ce qu'elle trouve sa réponse, son âme sœur en quelque sorte. À ce moment-là beaucoup de questions étaient restées célibataires dans mon esprit.

Pendant le temps où j'inspectais les corps, perdu dans mes pensées, Layth étaient entrain de caresser la tête et le cou du loup et lui murmurait des sons incompréhensibles pour moi. Il alla vers la charrette, prit une malle, une couverture et une chemise propre à lui dans une autre malle. Il retourna près de la bête allongée, puis lui murmura encore quelques sons, qu'elle semblait comprendre car elle ouvrit aussitôt la gueule. Layth lui versa alors le contenu d'une fiole, qu'elle avala résignée.

Quelques instant plus tard l'animal se couchait sur le coté droit et ne bougeait plus. Je m'approchai et l'observai. Il ne respirait plus. Layth l'avait il tué pour le soulager ? Il n'avait pas pourtant l'air d'être sur le point de mourir. Layth le porta dans ses bras et l'allongea sur la couverture qu'il venait d'étendre sur le sol.

Quand il le coucha sur le coté gauche je vis sur son coté droit une blessure, petite mais béante, au niveau de son ventre. Layth lava la blessure avec de l'eau qu'il avait mélangée au contenue d'une fiole qu'il sortit de sa malle. Il cousit ensuite la plaie comme on le fait pour un vulgaire tissu. Une fois la couture faite, il relava la blessure avec la même solution qu'avant. Il déchira la chemise en deux morceaux, en imbiba un avec le reste de la solution et le posa sur la blessure cousue. Il noua l'autre morceau de la chemise autour du ventre du loup de telle sorte qu'il compressât le premier morceau. Le jeune homme enroula le loup dans la couverture et le posa sur la charrette, après avoir ramener la malle à sa place.

Je le regardai faire, me demandant non seulement si je pouvais refaire ce qu'il faisait, mais aussi où avait-t-il pu l'apprendre !

Nous dégageâmes les corps de nos victimes du milieu de la route et nous repartîmes. Il faisait encore jour quand nous sortîmes du passage des brigands, mais pas assez pour pouvoir trouver un refuge digne de ce nom avant la tombée de la nuit. Nous décidâmes de faire halte au pied de la falaise , au moins on pouvait y compter sur une protection d'un coté.

Layth détela Mala et la laissa paître un peu tant qu'il restait de la lumière. Je ramassai assez de bois pour faire un feu et nous nous assîmes pour le souper, qui ressemblait à celui de la veille comme une goutte d'eau à sa sœur . Nous soupâmes en silence. Nous ne nous étions pas parlé Layth et moi depuis le milieu de cette journée. Je me préparais à dire une banalité lorsqu'on entendit bouger dans la charrette. Ce fut le loup qui se réveillait. Layth se leva, murmura quelques sons, prit le canidé dans ses bras et le posa près de nous, toujours dans sa couverture. Il lui donna quelques morceaux de viande fumée et un peu d'eau que l'animal mangea et but le plus docilement du monde.

- Je l'ai cru mort après qu'il but ta potion ! Dis-je pour rompre le silence.

- Il était presque mort, en effet. Je devais ralentir son souffle et son sang pour qu'il n'en perdît davantage.

Layth avait répondu d'une humeur disposée à discuter. Je sautai sur l'occasion et poursuivis :

- Il faudra lui trouver un nom !

- Il en a déjà un. Répondit-il comme s'il était étonné de mes propos.

- Tu as raison ! C'était à toi de lui trouver un nom. Après tout de quoi je me mêle ! Dis-je agacé.

Sentant un soupçon de vexation il sourit et dit :

- Je t'ai dit qu'il avait un nom, je n'ai pas dit que je lui en avais donné un ! Il s'appelle Pha. Enfin, son vrai nom est imprononçable dans notre langage mais il veut que je l'appelle Pha.

Je me tournai vers le loup, qui ne ratait pas une miette de notre conversation, et lui dis en rigolant

- Enchanté Pha. Je m'appelle Kalen.

J'entendis alors son grognement, mais il n'avait pas ouvert sa gueule, et encore moins montré ses crocs.

- Il n'apprécie pas que tu te moques de lui, mais il t'aime bien. En tout cas beaucoup plus que Mala ne t'aime . Dit alors Layth avec un rire franc. Un rire que je n'entendais plus depuis l'infâme visite des étrangers deux jours plutôt.

Nous passâmes une bonne partie de la soirée à discuter comme nous le faisions avant que cette funeste histoire commençât.

Ce Layth là m'avait beaucoup manqué, et de l'avoir retrouvé, j'oubliai cette nuit-là les questions qui me torturaient. Nous fîmes les mêmes tours de garde que la veille, mais nous dormîmes un peu moins longtemps car nous veillâmes tard à discuter. Pha faisait savoir qu'il était là tout le long de la soirée, en émettant des grognements plus ou moins nuancés, que Layth me traduisait de temps en temps. J'en déduisis que Pha avait beaucoup d'humour, car nous rions après chacun de ses grognement, à moins que Layth ne se soit moqué de moi en attribuant au loup les filles de son propre esprit. Cependant, à vrai dire, dans l'un ou l'autre des cas, je passai une merveilleuse soirée, et cette nuit-là je ne fis pas de cauchemars.

ÎLE DE L'AIGLE (TOME I)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant