Je détachai les chevaux après les avoir apaisés en enjoignant à Pha de rejoindre Layth. Je conduisis les nobles bêtes jusqu'à ce dernier, qui prononça quelques mots, accompagnés de gestes et de caresses, à l'oreille de chacun d'entre eux.
Malgré notre retard, ne voulant pas laisser la carcasse de Mala aux loups et aux vautours, Layth creusa un trou et l'y ensevelit. Nous dûmes alors camper sur place, car lorsque mon jeune ami termina sa triste tâche, l'horizon n'allait pas tarder à engloutir le soleil, qui éclairait encore Gala, d'une couleur rouge sang.
Nous laissâmes les chevaux paître et boire. La présence de Pha, tout près, semblait ne plus les effrayer. Nous aussi, tous les trois, Layth, notre prisonnier et moi, nous mangeâmes. L'étranger paraissait affamé, et la perspective de devoir continuer à vivre semblait exacerber son appétit. Il faut croire que son gabarit de forçat expliquait un peu sa voracité. En effet, il ne fit point le difficile quand Layth lui proposa de partager notre repas. Il finit par manger le double de ma ration, c'est-à-dire presque le triple de celle de Layth.
A la fin du repas, le jeune homme regarda l'homme dans les yeux, puis il se tourna vers moi et dit :
- Demande lui son nom.
J'hésitai un peu. Depuis qu'il était avec nous, l'homme s'obstinait à garder le silence, et ce dernier me paraissait encore de mise. Je ne croyais pas que notre charité pouvait avoir amadoué un tel individu.
Nonobstant mon scepticisme, je devais satisfaire la demande de mon ami, qui n'était pas homme à gaspiller son temps, ou à tenter des coups perdus d'avance. De plus, je ne me voyais pas discuter une demande formulée par Layth.
Je me tournai alors vers notre prisonnier et lui demandai son nom. Je cachais du mieux que je pouvais mon incrédulité à propos d'une éventuelle réponse, ou de son crédit si elle eût été donnée.L'homme, lui aussi, parut hésiter, mais d'une hésitation étrange, qui ne ressemblait pas à l'hésitation d'un homme qui mesurait ses paroles avant de les débiter. Il semblait plutôt résister à l'envie de parler. Sur son visage se voyaient d'étranges grimaces trahissant un profond agacement.
Plus tard, je sus que Layth avait mis une quelconque potion de sa préparation dans l'eau que l'homme avait bue. Il en résulta qu'en dépit de sa volonté, ce dernier était comme poussé à répondre à toutes les questions que Layth posait. Quant à moi, intrigué et curieux, j'assistais en silence au combat que livrait la puissance de la chimie à la volonté de l'homme. Cette dernière y concéda sa première défaite quand l'homme donna un nom qui indiquait ses origines de l'Ouest.
Layth continuait à me dicter ses questions, que je me contentais de poser après les avoir traduites. L'homme, quant à lui, continuait à résister vainement, car il finissait toujours par répondre aux questions. Il finit par raconter en détail tout ce qu'il savait et que Layth voulait lui extirper.
L'homme était donc originaire du royaume de l'Ouest. Il était bien-sûr venu pour assassiner Layth. Il avait juste entendu parler de maître Hod. D'après le peu de choses qu'il savait sur le sujet, maître Hod se trouvait dans le royaume de l'Ouest.
L'individu faisait partie d'un groupe de quatre, tous des archers, chargés de la seule mission d'assassiner mon ami. Il ne savait rien des autres bandes qui nous avaient attaqués avant que la sienne le fît.
L'inconnu ne tarda pas à montrer des signes d'épuisement, avant de sombrer dans un profond sommeil. Lorsque je tentai de lui lier les mains et les pieds, afin qu'il ne tentât pas de s'enfuir, Layth m'en dissuada. Il me fit comprendre qu'avec ce qu'il avait bu il ne risquait pas de se réveiller de sitôt.
Mon jeune maître et ami resta silencieux, comme à son habitude. Il paraissait perdu dans ses pensées. Quant à moi, je n'avais aucune envie de discuter, en tout cas pas avant d'avoir réfléchi à tout ce que l'homme avait divulgué.
C'était donc un homme de l'ouest, comme Layth l'avait deviné. Il devaient tous l'être, d'après les indices qui s'étaient dévoilés jusqu'ici, tous ceux qui attentèrent à nos vies, depuis le fameux jour des clochettes. Hod était à l'Ouest, mais qu'y faisait-il, et quels liens avait-il avec ces assassins et à fortiori avec leurs mortelles intentions.
Vu ce qui s'était passé jusque là, il y avait de fortes chances que d'autres assassins croiseraient notre chemin, dont je ne savais encore rien, tout au moins dans sa partie qui dépassait Gala. Nous mènera-t-il jusqu'au royaume de l'Ouest ou s'arrêtera-t-il à Gala, qui fournirait à Layth toutes les réponses qu'il était venu chercher?
Mes questions en suspens n'étaient pas à quelques unes près, et je n'avais pas d'autres choix que d'y rajouter celles-là.Quand je levai ma tête de mes pensées, je vis que Layth avait pris sa posture de méditation. C'était un signe qu'il avait fini de traiter les nouvelles informations fournies par notre prisonnier, et qu'il les avait déjà intégrées à son propre schéma des événements.
Je savais bien que si Layth voulait partager avec moi ses réflexions il le ferait, sinon rien ne servirait de le lui demander. Je gardai donc mon silence, et nous n'échangeâmes plus ce soir-là que les formules de convenance, avant que j'allasse me coucher, laissant Layth faire son tour de veille.Le lendemain matin, notre prisonnier dormait encore. Il fallut verser de l'eau sur son visage pour qu'il ouvrît les yeux. Nous déjeunâmes en même temps que les chevaux, qui avaient l'herbe grasse et l'eau à proximité. Layth choisit un cheval pour l'atteler à la charrette, et nous levâmes le camp bien avant que le soleil n'ait éclairé Gala de ses premiers rayons.
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ÎLE DE L'AIGLE (TOME I)
Ficção AdolescenteLayth est un jeune homme qui a certes à peine 16 ans, mais sa valeur n'a pas attendu le compte de ses années. Suivez-le dans cette épopée qui changera sa destinée, ainsi que celle de tout son monde. Les pires moments d'un monde, comme les plus merve...