Chapitre 18

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Gala se trouvait à trois jours de voyage, en temps normal, au bout de la seule route à la sortie de la vallée. La ferme de la Dune surplombait cette même vallée. Nous nous y engageâmes aux premières lueurs du jour, quelques heures plus tôt. Nous nous apprêtions à la quitter une heure ou deux plus tard, dans l'espoir que le chemin qui nous restait ressemblât à celui que nous parcourûmes jusque là.

La route longeait le flanc de la colline, en pente douce, et nous la prenions dans le sens de la montée. Nous laissions la vallée se creuser à notre gauche, pendant qu'à notre droite la colline semblait s'enfoncer et, par conséquent, de moins en moins nous dominer. Nous avancions aussi vite qu'une charrette bien chargée attelée à une vieille mule pouvait le faire.

Toujours sur mes gardes, assis à droite de Layth, je surveillais le haut du flanc de la colline. Ce dernier, s'abaissant au rythme de notre montée, me paraissait le seul à pouvoir nous occulter quelque éventuel danger.

À part quelques cris d'oiseau venant de la vallée, les seuls sons que j'entendais étaient le bruit des sabots de Mala et celui des roues de la charrette. La brave bête nous tirait péniblement mais courageusement, dans cette longue montée.

Soudain, Mala s'arrêta et commença à montrer des signes d'énervement, qui ne tardèrent pas à se transformer en signes de panique.

Me cramponnant à mes armes, ma tête fit un tour complet, mais je ne voyais rien qui ait pu effrayer Mala. Pourtant, elle ne se calmait pas. Bien au contraire, sa peur paraissait monter, et ses mouvements commençaient à nous rapprocher dangereusement du ravin.

Ce fût alors que Layth dit d'une voix douce et ferme :

– Mala, n'aie pas peur.

La mule s'apaisa aussitôt et se calma, mais elle refusait toujours d'avancer.

Soudain, j'entendis un bruit, à ma droite, sur le haut de la colline. Tout de suite après, en moins de temps qu'il ne fallut pour l'entendre, un loup sauta et fit face à la mule, tandis que deux autres de ses congénères dévalaient le flanc de la colline quelques coudées derrière lui.

Je me levais pour descendre à terre quand Layth me tint le bras et me fit rasseoir.
Il mit pied à terre et se dirigea vers le loup, en murmurant des mots inaudibles pour moi, seul leur sifflement arrivait à mon entendement.
Il s'approchait du loup, à pas de marche d'un homme qui va à la rencontre d'un ami, ni peur ni hésitation ne transparaissaient de sa démarche.
Le loup ne montrait déjà plus ses crocs. Immobile, il fixait Layth, comme s'il s'était endormi les yeux ouverts. Les murmures de Layth continuèrent jusqu'à ce qu'il arrivât devant la bête. Il tendit alors sa main et la posa sur la tête de cette dernière. Chose aussi incroyable à voir qu'à lire ou entendre, et votre serviteur n'était point né de la dernière pluie, le loup se mit à caresser de sa tête la main de Layth, puis se prosterna en position de prière.
Je faillis éclater de rire, mais l'appréhension me retenait.
Layth fit alors signe à l'animal de se relever, puis il lui dit quelques mots qui n'étaient, toujours pour moi, autre chose que quelques sifflements indistinguables.
Le loup s'éloigna alors à reculons, comme s'il saluait, puis emmena sa meute d'où elle était venue, en escaladant la colline.

Sans un mot, Layth reprit sa place à côté de moi, et fit signe à Mala d'avancer. Au bout de quelques instants, je regardais derrière nous, et je vis la meute, en haut, au complet, marchant à notre rythme, comme pour nous escorter.

ÎLE DE L'AIGLE (TOME I)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant