Barman

Chapitre 5

[Kyle]

Cette journée de repos m'avait fait un bien fou. Le travail au bar était mouvementé en ce moment. Avec les vacances, les touristes et les habitués, le bar était vite plein et on ne savait vite plus où donner de la tête. Pendant nos soirées de travail, on pouvait vraiment courir dans tous les sens sans jamais s'arrêter une seule seconde. Sang et sueur coulaient lors de soirée comme celles-ci. Et puis toutes ces femmes qui me faisaient du rentre-dedans tous les soirs. Toutes ces femmes qui espéraient peut-être finir la soirée avec moi ou dans mon lit. Ça en devenait agaçant à force. Les femmes. Les femmes sont toutes pareilles, des menteuses, des manipulatrices. J'ai horreur de ça. Je n'ai plus confiance depuis elle. Elles sont insupportables. J'avais une aversion pour les femmes que je pourrais très bien expliquer. La simple et bonne raison est que j'en connaissais la cause. Elle. Cette femme à qui j'avais fait confiance plus d'une fois dans ma vie. Cette femme qui aurait dû m'aimer d'un amour inconditionnel. Elle m'avait approché que pour pouvoir mieux se servir de moi par la suite. J'avais trop souvent été trop gentil, surtout avec elle et ça tout le monde le savais très bien. J'avais voulu croire qu'au fil du temps elle avait pu changer, elle avait pu évoluer et devenir la femme qu'elle aurait dû être pour moi. Alors depuis cet épisode, la seule femme que je supportais dans mon existence c'était Johanna, notre extravagante petite serveuse bien trop tactile pour le commun des mortels.

Je rabattis le drap et sortis de mon lit dans lequel j'avais passé la totalité de ma journée d'hier. J'avais besoin d'une clope et d'un bon café pour me préparer mentalement à la soirée qui m'attendait. Il n'y avait pas à dire, une journée pour récupérer n'était pas assez en vue de l'énergie dépenser là-bas. Je sortis sur le balcon de mon appartement et allumai ma cigarette avec mon vieux rock dans les oreilles pour me tenir compagnie. J'adorai la vue d'ici, on pouvait tout voir, la plage, les passants, les rues, les magasins. On était au cœur de tout et de tout le monde. On se croyait presque comme le roi du monde avec une vue pareille.

Mon téléphone sonna et je râlai bruyamment d'être dérangé au saut du lit. La photo de profil de Dan s'affichant sur mon écran m'indiquait un appel entrant. Que voulait-il de si bon matin ? Je veux bien concevoir le fait que ça ne lui plaise pas spécialement que j'aie déménagé mais tout de même, je n'étais plus un enfant depuis longtemps maintenant. Il m'avait élevé seul, un père exemplaire, il avait toujours subvenu à mes besoins même lorsque je dérapais un peu trop à son plus grand malheur. C'est naturellement qu'il m'avait intégré au staff de son bar il y a quelques années. J'avais grandi au-dessus du Dan's Drink et je connaissais toutes les ficelles du métier, j'étais naturellement devenu l'un de ses meilleurs employés et il le savait très bien. Il en était très fier d'ailleurs. Même si j'étais rentré parce que j'étais son fils, je méritais aujourd'hui amplement ma place et il était bon d'y travailler même si parfois ce n'était pas toujours facile. Mais depuis elle, j'avais besoin de changement alors j'avais déménagé pas très loin, plus sur un coup de tête qu'autre chose. Elle m'avait fait subir la fois de trop, la goutte d'eau qui a fait déborder mon vase déjà bien rempli. Dan avait d'abord pris ça pour un abandon de ma part mais il avait fini par comprendre mon départ de chez lui. Il avait compris mon besoin d'espace et d'indépendance pour pouvoir me concentrer sur moi-même et sur ce que je voulais faire dans la vie.

L'appartement ne payait pas de mine mais il était confortable. Rustique, comme je les aime. Des murs en briques rouges et l'odeur de la mer. Le plus était que nous avions une concierge adorable pour son vieil âge, mais il ne fallait pas la chercher, malgré son âge avancer elle osait toujours sortir les griffes quand on la cherchait un peu trop. Ah Monique. Elle me fait toujours rire. Toujours prête à nous surprendre au meilleur moment. Je ne m'en lasserais jamais.

Lorsque je franchis les portes du bar de mon père adoptif je me fis accueillir très chaleureusement, trop chaleureusement même. Ils sont toujours de bonne humeur mais là ça en était presque suspect. Quelque chose avait changé. Qu'avait-il bien pu se passer pendant ma journée de repos ? Je me dirigeai vers les vestiaires pour enfiler ma chemise noire ainsi que mon badge alors que l'esprit jovial flottait parmi l'ensemble de mes collègues. La soirée risque d'être comme toutes les autres, on risquait de courir dans tous les sens et de finir épuisé en fin de soirée. Lorsque je sortis des vestiaires je vis de la lumière au travers de la vitre qui menait au bureau de l'ancien comptable. Pourquoi diable y avait-il de la lumière ? Le vieux grincheux était parti depuis plusieurs mois maintenant. J'étais plongé dans mes réflexions, les sourcils froncés. Johanna me sortit de ma torpeur en posant brutalement ses mains sur mes épaules signe de son enthousiasme débordant. C'est bien l'une des seules femmes que je supportais dans ma vie, la seule et l'unique avec Monique bien évidemment. L'une des seules à pouvoir me toucher sans que je me braque et que je sorte de mes gonds.

- Hey Kyle, hurla-t-elle. On a une nouvelle comptable tu as vu ! Tu vas l'adorer elle est super gentille et en plus de ça elle est trop jolie. Un vrai régale pour les yeux si tu veux mon avis. Je suis sûre qu'elle va te plaire notre Ashley.

Pardon ?

Quoi ? Elle ? Une nouvelle comptable ? Une femme ? Depuis quand Dan recrutait sans même daigner m'en parler ? Pourtant je l'avais eu au téléphone ce matin et il n'avait absolument pas abordé le sujet d'une nouvelle personne arrivant dans nos rangs. C'est hors de moi que je me dirigeai au pas de course vers ce bureau de malheur et que j'ouvris la porte hors de mes gonds. Dans un bruit sourd, la porte claqua sur le mur sans que je ne m'en préoccupe de quelque manière que ce soit. Tout ce qui m'intéressait c'était cette soi-disant Ashley.

- Bordel, non mais tu es qui toi encore ? Hurlais-je plus pour moi que pour cette sorcière.

Une jeune blonde aux yeux marron releva la tête vers moi. Elle avait l'air un peu perdue. Elle me sourit mais il disparut bien vite en voyant mon énervement. Il faut se l'avouer elle était très jolie, voir même peut être un peu trop. Le genre de femme dont vous pouvez tomber éperdument amoureux en un seul regard. Mais il ne fallait pas se mentir les femmes sont toutes pareilles. Elles ne vous parlent que par intérêt. Que pour l'argent. Que par motivation. Rien n'est jamais sans intérêt avec elles. Je ne lui laissai pas le temps de me répondre que je sortis tout aussi vite de son bureau. Je me précipitais dans le bureau de Dan juste à côté. Lui et moi allions parler et très sérieusement. Il savait très bien que j'avais une sainte horreur des femmes. Il était le mieux placé pour le savoir. Mais surtout, il était le mieux placé pour savoir pourquoi. Alors pour quelles raisons en recruter une ? Pourquoi me faire un tel affront ? Voulait-il se venger de mon départ soudain ? Lui non plus ne comprit pas ce qu'il lui arrivait lorsque je défonçai littéralement la porte de son bureau. Mais nous nous connaissions bien lui et moi, alors il fit vite le rapprochement entre ma colère et l'intrusion de cette vipère au sein de nos murs. Je me mis à lui hurler dessus sans vraiment entendre ce que je pouvais bien lui cracher au visage. Tout ce que je retenu de cette entrevue c'est moi lui hurlant dessus et lui ne bougeant pas d'un iota encaissant ma colère aussi calmement que d'habitude, presque ennuyé que je lui fasse une scène pareille.