J'ai pas l'impression d'avoir eu énormément d'événements qui ont marqué ma vie. Des éclats, éphémères qui ont brillé un instant puis se sont éteints. Un peu comme un feu d'artifice. Ou comme une bougie. Je fais une séparation distincte entre ce que je sais et ce que je suis. Mais putain c'est quoi la différence. Je sais que j'ai envie de parler. De discuter. Avec un être humain à l'autre bout du monde que je ne pourrais ni voir ni entendre. Que je pourrais idéaliser. Pour occulter les défauts qu'il ou elle pourrait avoir, écraser sous le poids des kilomètres la notion d'imperfection.
Le doigt au dessus de l'écran, en suspens, dans l'attente d'un signe qui je sais ne viendra jamais, je m'interroge sur mes motivations. Sur ce que j'ai à perdre. A gagner. Puis me reviennent en tête les mots de mon père : "Dans le doute, fonce. Trompe toi, perds-toi. Et alors tu vivras."
- Salut.
J'attends. Et je regrette. J'ai déjà envie d'effacer ce message et de me terrer dans mon lit. Je sais que si mes joues pouvaient rougir, elles rougiraient. Intérieurement, je suis morte de honte. Je m'accable, me lapide, me lamine. Mais physiquement, je suis vide. Vide de rien et vide de tout. Pas d'accélération inopportune, pas de réchauffement interne, aucune rougeur, sur mes joues ou ailleurs. Je me cherche, je me sonde. Haletante, fébrile, devant la pensée de ce qui pourrait, ce qui devrait, et qui n'est pas. Je porte une main ferme qui se veut tremblante à ma poitrine. Je souhaite tellement qu'elle exprime autre chose que cette immobilité que j'en viens à la bouger, à la faire frémir, trembloter. Du théâtre, de la poudre, des paillettes qui me piquent les yeux. De ma paume je palpe mon sein gauche à la recherche de mes battements de cœur. Ils sont froids, réguliers, imperturbables. Aucun changement. Si il ne battait pas, je me serais sentie moins morte.
Soudain, l'écran de mon téléphone s'éclaire.
- Salut, on se connait...?
Je souffle. Une fois, deux fois. Comme si de rien n'était. Mais au fond c'est la panique. Je me hurle dessus dans le plus profond des silences. Que dire ? Que faire ? Répondre ? Ne pas répondre ? Mine de rien c'est difficile de se confronter aux autres. Les autres me débectent. Et pourtant je veux lui parler, à elle. Cette personne en particulier. La peur de la déception me prend à nouveau. Et je lutte, je me bats contre l'envie de tout foutre en l'air, de tout laisser, de me réfugier dans le domaine du connu pour ne pas souffrir. Pour ne pas me retrouver à la fin, pantelante, à demi-écorchée, sans chair ni âme, à me maudire pour avoir osé espérer. Un vrai combat. Je tape à toute vitesse. Efface. Réécris. Avance, recule et me mûre dans l'effroi quand je me rends compte de ce que je fais. Je prends une pause. Décide de partir manger un truc. Puis reviens. Passe la main dans mes cheveux pour les recoiffer et tape sur la touche "envoyer", le cerveau en surchauffe.
- Désolé, non.
J'en rirais presque. Tout ce cinéma pour ça.
La réponse ne se fait pas attendre.
- Euh...ok.
Je me sens stupide. Trois petits points s'affichent à l'écran signe qu'elle écrit.
- Dans une rencontre, on commence toujours par se présenter. Comment tu t'appelles ?
- C'est vrai. Je me suis toujours posée la question.
- De comment tu t'appelles ? XD
- Non. Du fait qu'on commence toujours par se présenter.
Je renvoie un message.
- Comme si on avait besoin de mettre un nom sur un visage pour pouvoir le faire exister. Si tu ne connais pas son nom, c'est un inconnu. Et pourtant, je connais le nom de tout le monde et je ne connais personne.
- Ça me rassurerait de pouvoir mettre un nom sur qui tu es.
- Je comprends. Tu peux m'appeler Elle.
- Ça signifie que tu es une fille ?
ELLE- Ça signifie que tu aimerais que j'en sois une ?
La réponse tarde. Un instant, le sourire que j'arborais s'efface.
- Peut-être. Peut-être pas.
Un blanc. Je cherche à relancer.
ELLE- Et moi comment je dois t'appeler ?
- Je te croyais anti-conformiste ?
ELLE- Juste pour le nom du contact. Tu as le droit de mentir.
- Wow. Merci de m'en donner la permission.
Elle continue d'écrire.
- Appelle-moi Medi.
ELLE- Parce que "Elle me dit ?"
- Exact. Je t'aime bien toi XD
ELLE- Je vais t'appeler Mika, ce sera plus simple.
MIKA- Ça me va. Je dois aller dormir. A la prochaine, Elle.
ELLE- Salut, Mika.
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Silent voices
Romance"Il est de certaines choses qui se finissent sans avoir même commencé. Des esquisses, des brouillons qui se défont et s'effacent. Les prémices d'une idée qui s'échappe, virevolte, se déhanche, sans qu'on ne puisse mettre la main dessus. Dans mes mom...