Chapitre 14

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- Thal ? T'es là ? 

Je poussais la porte, exténuée par ma course sous la neige et essuyais mes chaussures sur le paillasson de l'entrée. Aucune réponse dans l'appartement. Je traversais le salon, tremblante de froid. L'appart était désert.  

- Putain... 

Thalia m'avait expressément dit qu'elle serait à la maison aujourd'hui. Une histoire de papiers à terminer. 

Inquiète bien malgré moi, je décidais de l'appeler. 

"Hey, vous êtes bien sur la messagerie de Thalia Thakava laissez un message, je vous rappellerai pas mais vous pouvez toujours essayer, après tout l'espoir fait vivre." 

Merde, merde, merde... 

Thalia n'est jamais bien loin de son téléphone. Pour pas dire qu'elle est dessus 99% du temps. Elle répond toujours à la seconde, ne rappelle jamais, étant donné qu'elle n'en a jamais besoin. Il devait s'être passé quelque chose. 

Calmant ma panique naissante, je décidais de lui envoyer un message et d'attendre patiemment en faisant la vaisselle. 

Kira et Rylan n'allaient pas tarder et l'appart était sens dessus dessous. Je rangeais tout silencieusement, les sourcils froncés, l'oreille tendue vers la porte d'entrée, à l'affut du moindre bruit. 

Quelqu'un frappa alors violemment.

- Thalia ouvre moi ! Je sais que t'es là !

Non... Vraiment ?... 

J'ouvrai la porte brutalement et tombai nez à nez avec un grand espagnol baraqué en colère. 

- Qu'est-ce que tu fous ici Miguel ? lui demandais-je froidement, le fixant droit dans les yeux avec le plus terrifiant des regards. 

- Hélia. Toi qu'est-ce que tu fous ici ? Où est Thalia ?

- Quoi ? T'était tellement occupé à agiter ta courgette ailleurs que dans le lit de ta copine pour savoir que c'est aussi ma coloc ? 

Il tenta de forcer le passage mais je tins bon. Plus jamais cette ordure ne remettra les pieds dans cet appartement. 

- Hélia, barre-toi de là. Je cherche pas les emmerdes, je veux juste lui parler. 

- Elle est pas là ducon. Alors fous-moi le camp gentiment. 

La colère lui monta à la tête instantanément. Ses traits réguliers se tordirent dans tous les sens, ses yeux déjà bruns devinrent noirs. Sa carrure me parut tout de suite beaucoup plus imposante que les secondes précédentes. La petite voix dans ma tête qui possédait encore un tant soit peu de courage me criait de fuir mais je n'y parvenais pas. Mon corps était figé, mes poings serrés. Cet idiot avait fait pleurer Thalia un nombre incalculable de fois. La seule chose qui l'empêchait de partir, c'était son orgueil. Il était incapable de concevoir l'idée qu'elle pouvait ne serait-ce que vivre sans lui, être heureuse sans lui. 

- Tu lui as déjà assez fais de mal. 

Mon murmure sembla se frayer un chemin entre les veines qui saillaient sur son front. Ses traits se détendirent et il parut soudain si fragile que j'en eus presque pitié. 

Il baissa la tête et s'assit sur le paillasson de l'entrée. 

- T'es pas à un sit-in tu sais... 

- Lâche-moi...

Un gamin... 

- Vas t'en. Miguel, t'as jamais eu ta place ici. Encore moins maintenant. Elle va de l'avant. Du moins elle essaye. Alors ne gâche pas tous ses efforts s'il te plaît... 

- Je voulais pas... 

- Mais oui bien sûr. C'est toi la victime dans l'histoire. Pauvre bébé. Allez dégage maintenant. 

- Non. 

Une envie furieuse de lui foutre un coup de pied dans sa jolie tête de p'tit con m'assaillit. Je croisai les jambes pour retenir mes pulsions meurtrières et lui adressait un regard assassin, faute de mieux avant de me préparer à fermer la porte pour le laisser râler seul comme un enfant. 

Des pas retentirent dans l'escalier et Thalia apparut, chargée de sacs de course. A la vue de Miguel, son visage se ferma et son regard se fit glacial. Le bougre tenta un sourire qui tomba à l'eau en se redressant. L'ambiance était tellement lourde que je me retenais de lancer une vanne pour la détendre. 

- Je ne veux pas de toi ici Miguel. 

La prononciation de son prénom le fit tiquer. Thalia avait toujours prononcé son prénom à l'espagnol, en accentuant le g. Elle avait appris la langue pour lui, pour pouvoir le comprendre dans son entièreté. Je sentis que le gros malabar planté comme un piquet devant chez moi n'en menait pas large. Il semblait réaliser pour la première fois que c'était réellement terminé. 

- Thal, je veux juste qu'on discute. Je te promets... 

- Je ne veux plus de tes promesses. Ca fait longtemps que j'ai cessé d'y croire. Mais j'avais foi en nous. J'avais foi en moi. Je ne pouvais croire que je m'étais autant trompée dans le choix de l'homme que j'aimais. 

- Sans toi je ne suis plus rien... 

- Et pourtant... sans toi je suis libre. Te quitter a été la meilleure décision de ma vie. La plus dure aussi. Mais la meilleure. 

Il recula de quelques pas, air de choc dans les yeux, comme si ces mots l'avaient profondément blessé. Il baissa la tête. Sa voix se fit murmurante, presque doucereuse. Larmoyante, à deux doigt du silence. Sa détresse semblait si réelle. Si puissante, s'échappant de ce grand corps si fort, qui semblait bâti pour la vie. 

- D'accord... J'espère que... 

Il ne termina jamais sa phrase. Quelques larmes vinrent inonder ses joues rongées par sa barbe de quelques jours. Il tituba jusqu'à l'ascenseur sans se retourner et passa les portes métalliques dans un dernier soubresaut. 

Une page se tournait enfin. 

Thalia soupira, ramassa les sacs de courses et les fit entrer religieusement. Dés que je refermai la porte d'entrée, elle tomba au sol et éclata en sanglots. Je m'approchais d'elle sans un mot et refermais mes bras autour de son corps, attendant que la tempête passe. Tout ira bientôt mieux. 

- Tu es courageuse. Je suis tellement fière de toi... 

Ses pleurs redoublèrent et je compris. Ce n'était pas des larmes de tristesse. 

C'était des larmes de soulagement.




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