Chapitre 24

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- Kira ? Tu te rappelles de cette partie d'échecs que tu as magistralement perdue ? C'est l'heure de t'acquitter de ta dette. 

- Okay bébé, qu'est-ce que je dois faire ? 

- Trouve moi tout ce que tu peux sur Cléo Hermans et Déva Kastorp. Et sur la véritable raison qui a poussé Cléo à me repousser. Fais appel à tes fameux "contacts", je veux tout savoir. L'heure des réponses est venue. 

- J'ai cru que tu ne me le demanderais jamais ! C'est comme si c'était fait !

- Et, Kira ? 

- Ouip !

- Ne m'appelle plus jamais bébé. 

- C'est noté bébé. On se voit ce soir, j'aurais tes informations. 

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La sonnette retentit et je me précipitai à l'entrée pour ouvrir à ma meilleure amie qui m'accueillit avec un sac de sushis et une pile de documents. Ravie, je la débarrassai et nous nous installâmes sur la table de la cuisine. 

- Alors ? Dis moi ce que t'as trouvé. 

- Calmos chapitos. Laisse moi respirer. J'ai trouvé pleins de trucs intéressants sur ces deux-là. Accroche-toi bien. 

- Tu as toute mon attention. 

- Déva d'abord. Cette fille m'a toujours parue louche. J'ai fouillé dans son dossier scolaire. Elle n'est pas d'ici mais d'un vieux bled perdu au nord de la Belgique. Sa famille n'a pas eu assez d'argent pour pouvoir l'inscrire à cette université alors elle a décroché une bourse grâce à une lettre de recommandation et à ses excellents résultats scolaires. Voilà pour le parcours scolaire et universitaire. Familial maintenant. Père au foyer, Mère serveuse dans un restaurant, j'ai pas pu trouver d'infos sur ses relations avec ses parents mais son registre téléphonique dit qu'elle appelle sa mère au moins une fois par semaine. 

- Une fille assidue. 

- En effet. Maintenant tais-toi et écoute la suite. Je me suis renseignée auprès de mes amis à propos de ses relations en général. Rien de bien concret. Elle ne fait aucune distinction entre les hommes et les femmes, ne semble pas avoir de soucis de vertus, très libre, ses amis ne l'ont jamais vue dans une relation sérieuse très longtemps. Elle est volage, volatile, infidèle et particulièrement impulsive. De ce qu'un de ses exs m'a dit, elle ne s'intéresse que jusqu'à un certain point. Et ce qui l'excite par dessus tout, c'est la difficulté du challenge. Tu connais l'expression : Plus le poisson est grand... 

- Le poisson, c'est moi ? 

- Exact. Elle t'a fait du rentre-dedans, tu as été totalement fermée à ses avances. C'est ce qui a attisé sa curiosité. 

Hallucinée, je tournai la tête de droite à gauche. 

- Wow. Et comment tu as su tout ça ? 

- Mon pote Mac a piraté le réseau administratif de l'université, j'y ai trouvé toutes les infos personnelles. Pour ce qui est du reste, j'ai juste joué des coudes dans une masse d'étudiants qui n'avaient qu'une envie : confier leurs débacles amoureux à une jolie blonde un peu curieuse. 

- T'es la meilleure. Et pour Cléo ? 

- Ca, c'est légèrement plus sombre. Voire carrément flippant. Je n'ai rien trouvé sur ses parents. Un étudiant qui était dans son école primaire affirme qu'ils sont morts quand elle était plus jeune et qu'elle est passée par quelques familles d'accueil avant de s'émanciper et d'utiliser son héritage pour entrer à la fac. Elle bosse comme serveuse dans une boîte de nuit pour subvenir à ses besoins et habite dans une résidence secondaire de ses parents où elle paye le loyer à un ami de la famille. Elle est amie avec Déva depuis des années maintenant. Elles se sont rencontrées lors de leur dernière année de lycée et ne se sont jamais quittées depuis. Pour son caractère c'est le chaos. Impossible de trouver un seul ex à se mettre sous la dent. J'ai cherché loin pourtant, mais non, rien. Personne ne la connaît véritablement. De ce qu'on sait, elle est très différente à l'unif et en dehors, dans son cercle privé et dans son cercle public. A l'intérieur de ces murs, elle est timide, renfermée, la Cléo Hermans du premier rang, diplomée avec les honneurs et toujours dans les petites têtes des concours de fin d'année. Mais en dehors... C'est une autre histoire. Si je peux utiliser cette expression... elle est dans tous les coups ! Toutes les boîtes de nuit la connaissent, elle a des relations dans les milieux les plus sombres et dangereux de la région. Elle vit très... dangereusement. Fume, boit, se drogue parfois. Je n'ai pas trouvé d'excès mais il semblerait qu'elle soit connu pour son absence de retenue, de peur. Et pour le fait qu'elle soit capable de tout. Un gérant de bar m'a dit que selon lui elle avait même un pied dans le trafic de drogues. Mais cette information est à considérer, rien n'est sûr. Tout ce que je peux dire c'est que elle est vachement douée pour couvrir ses traces et jouer la comédie. 

Beaucoup trop d'informations. Mon cerveau saturait. Ca ressemblait au scénario d'un film. La vie de Cléo semblait tant éloignée de la mienne, tellement irréaliste que j'avais du mal à y croire. Je savais qu'elle aimait vivre dangereusement. Elle me l'avait répété à de nombreuses fois. Mais un trafic de drogues ? Des contacts dans les bas-fonds de Paris ? Ca ne ressemblait pas vraiment à la Cléo que j'avais rencontré.  

- Je comprends ton sentiment. J'ai eu la même réaction. Mais encore une fois, tout est à prendre avec des pincettes. Mais moi je te le dis, méfies-toi de cette fille. 

J'hochai la tête silencieusement. Kira se leva tranquillement, ramassa sa table, me salua et repartit comme elle était venue. Des heures passèrent avant que Thalia ne rentre, me trouvant toujours assise à la même place, regardant le vide. Je levai les yeux vers elle et son air fatigué me sortit de ma torpeur. 

- Hey. Tu as l'air crevée. 

- Merci du compliment, soupira t-elle avant de s'effondrer sur le canapé. 

Thalia rentrait de moins en moins souvent à l'appartement. Elle rentrait souvent au petit matin, quand j'étais déjà à l'unif, nous ne faisions que nous croiser et encore. J'avais le sentiment qu'il se passait quelque chose qu'elle ne voulait pas me dire. Mais je n'avais jamais été du genre fouineuse et je n'avais donc jamais tenté de l'interroger à ce propos. Mais ce matin en observant ses cernes violets et son teint pâle dénué de tout maquillage, l'inquiétude me prit. 

J'attendis qu'elle ouvre la bouche mais le silence ne faisait que s'épaissir. Alors je pris mon courage à deux mains : 

- Tu n'as pas dormi ici. 

Ce n'était pas une question.

- Non, en effet. 

Je me passai la main dans les cheveux, gênée de la situation.

- Ecoute, tu sais que tu peux tout me dire hein ? J'ai du mal à comprendre pourquoi tu fuis l'appartement ces temps-ci et ça m'inquiète un peu. Je ne voulais pas poser trop de questions et m'immiscer dans ta vie mais s'il t'arrive quelque chose il vaut mieux que je sois au courant d'où tu vas comme ça dés que le soleil se couche, tu ne crois pas ? 

- Tu as raison. J'allais t'en parler de toute manière. 

Elle soupira à nouveau. 

- Je vais chez Daphnée. 

- Ta pote du lycée ? 

- Oui. Je ne supporte plus cet appartement. Quand je rentre, je vois Miguel assis sur le perron qui me répète qu'il m'aime et que tout ça n'était qu'une erreur. Une fois rentrée je vois ce canapé sur lequel j'ai tant pleuré pour ce connard. En entrant dans ma chambre, je vois toutes ces nuits que j'ai passé seule, en me torturant l'esprit à me demander qui donc pouvait bénéficier de ses caresses, de ses paroles. 

Sa voix se fit infime, traînante. Il y avait de la tristesse mais aussi, de la haine, de la colère. Un profond regret de n'avoir pas agi plus tôt. Je me levai de ma chaise et la serrai contre moi. 

- Ressasser le passé ne sert à rien. Il reviendra toujours avec plus de vigueur. Il faut apprendre à apprivoiser les souvenirs. Maintenant, tu as eu le courage de le quitter. Maintenant tu peux aller de l'avant. 

- Je sais. Merci, Hélia. 

Pour seule réponse je la serrai dans mes bras. De nous deux, Thalia avait toujours été la plus forte. Malgré ce qui s'était passé avec Miguel, elle n'avait craqué que à quelques reprises, et avait finalement réussi à s'en défaire. Je la considérais comme une deuxième soeur. Une grande soeur qui avait toujours prit soin de moi. L'une des seules que j'étais persuadée ne jamais perdre. 





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