Chapitre 3

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MIKA- Salut Elle. 

Je sursaute. Et m'empare de mon téléphone à la vitesse de l'éclair, j'abandonne complètement mon crayon et mon carnet et tourne toute mon attention vers le petit écran dans mes mains. 

ELLE- Salut. 

Sobre, neutre, vrai. Mais froid aussi. Est-ce que ça la dérangera ?

MIKA-J'ai une question. 

Tout mon être frissonne. Je sais ce qu'elle va me demander. C'est vrai, après tout, je ne lui ai toujours pas dis pourquoi je lui avais envoyé ce message. Nous ne nous sommes jamais parlé en réalité. Elle ne sait même pas qui je suis. Elle doit se poser des questions. L'image de ses yeux verts s'impose à mon esprit irrépressiblement. Ce regard... 

MIKA- Tu aimes les lamas ? 

Je bloque. Et souris un peu nerveusement. Elle semble vouloir me dire de me détendre. 

ELLE- J'adore :)

Aïe aïe aïe un smiley... mais que m'arrive t-il ? 

MIKA- Je savais que tu ne pouvais pas être une si mauvaise personne ! 

ELLE- Ah parce que tu juges la bonté des gens par rapport à leur amour pour les lamas ? 

MIKA- Of course. Quel critère serait mieux la déterminer ? 

ELLE- Hum... je ne sais pas, la générosité ? 

Je n'arrive pas à croire que je suis en train de discuter de lamas avec une parfaite inconnue. 

MIKA- La générosité, c'est surfait. 

ELLE- Développe.

MIKA- De nos jours, plus personne n'est généreux. Ce qu'on fait est toujours intéressé d'une manière ou d'une autre. 

ELLE- Ce n'est pas moi qui vais te contredire. Par contre les gens ont tendance à penser qu'il n'y a toujours qu'une seule raison pour laquelle on fait ce que l'on fait. Ce qui est faux. Si l'humain était si facile à comprendre, nombre de débats n'auraient pas lieu d'être. 

MIKA- Alors pour toi la complexité de l'homme est une bonne chose. 

ELLE- Bien entendu.

MIKA- Je suis... agréablement surprise.

ELLE- Ah oui ? Et pourquoi ?

MIKA- Pour rien, pour rien...Discuter avec toi semble s'avérer...intéressant. 

ELLE- Eh bien... merci ? 

MIKA- Bonne nuit Elle.

ELLE- Salut. 

Je lance mon téléphone sur ma couette. Il rebondit et atterrit sur le sol. Je m'allonge et ferme les yeux. Sa façon de parler me donne envie de discuter avec elle. Fait assez rare pour être précisé. D'habitude je m'amuse à discuter seule. Ou alors, avec mon père. Il y a dans sa manière d'aborder la discussion, un mystère qui me donne envie de la connaître encore plus. Son bonne nuit a fait cesser toute circulation dans mon corps. C'est une formule de politesse. Une simple formule de politesse. Et pourtant, souhaiter bonne nuit à quelqu'un sonne comme une invitation à l'intimité à mes oreilles. Or, elle ne sait pas qui je suis. Sur ce point j'ai un léger avantage sur elle. 

La manière dont j'ai obtenu son numéro tenait de l'absurde. 

C'était lors d'une énième confrontation avec Déva. Cette dernière m'avait alpaguée à la sortie des cours pour m'inviter à un "pot entre étudiants". J'ignore pourquoi elle s'entête tant à m'adresser la parole mais j'avoue que ces échanges quotidiens ont fini par faire partie de ma routine. Ce jour-là, elle avait particulièrement insisté. 

Silent voicesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant